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Lifestyle - Kenya

Le lac Turkana, géant fragile menacé par un immense barrage éthiopien

Le comité du patrimoine mondial de l’Unesco a appelé en juin dernier Addis-Abeba à arrêter tous travaux de construction de Gibe III.

Plus grand lac désertique au monde, avec 250 km de long et 60 km à sa largeur maximale, le Turkana est un joyau fragile. Carl de Souza/AFP

Pêcheurs, éleveurs et autres habitants du pourtour du lac Turkana au Kenya suivent avec angoisse la construction, à quelques centaines de kilomètres plus au nord en Éthiopie voisine, d’un mégabarrage qui portera un coup fatal, disent-ils, à leur lac classé au patrimoine de l’humanité.
Plus grand lac désertique au monde, avec 250 km de long et 60 km à sa largeur maximale, le Turkana et ses reflets de jade sont un joyau fragile, dans un environnement aride déjà éprouvé par le réchauffement climatique. « C’est un lac d’une beauté étonnante, et d’ici à soixante ans, vous ne verrez plus de gens autour, plus de poisson, ce sera un lac mort », assure le député local Joseph Lekuton.
En amont du fleuve Omo, qui apporte au lac Turkana 80 % de son eau, l’Éthiopie construit en effet depuis 2006 un barrage destiné à être le plus haut d’Afrique, d’une capacité de 1 870 MW. Dès 1986, le gouvernement kényan, qui peine à approvisionner le pays en énergie, a signé avec son homologue éthiopien un accord lui permettant d’importer jusqu’à 500 MW d’électricité produite par Gibe III, ce que les habitants du lac Turkana considèrent comme une trahison.
Le comité du patrimoine mondial de l’Unesco, l’agence des Nations unies pour la culture et l’éducation, a appelé en juin dernier l’Éthiopie « à arrêter immédiatement tous travaux de construction » de Gibe III. Ce projet « risque de modifier substantiellement le régime hydrologique du lac Turkana et de menacer ses espèces aquatiques ainsi que les systèmes biologiques associés, lesquels sont à l’origine de l’inscription du bien sur la liste du patrimoine mondial », selon ce comité. Mais avec l’aide financière de la Chine, l’Éthiopie poursuit la construction de ce projet, dont un peu plus de la moitié est achevée.
Fondatrice en 2008 du groupe de pression des Amis du lac Turkana, la militante écologiste kényane Ikal Angelei estime que les eaux du lac baisseront de 2 à 5 mètres pendant le remplissage du réservoir du barrage, et que les choses ne s’arrangeront pas ensuite. Les eaux du lac ont déjà reculé de dizaines de mètres en quelques années, avec l’évaporation suscitée par l’augmentation de la température, dans cette région où le thermomètre affiche autour de 40 degrés la plus grande partie de l’année. Les combats entre communautés pour le contrôle des points d’eau et des pâturages se sont en outre multipliés avec la raréfaction de l’eau, et la région a été frappée par la sécheresse et la famine encore plus que le reste de l’Afrique de l’Est il y a un an.

Point de rupture
« Au Turkana, nous nous sommes bâti des capacités de résistance pour s’adapter aux changements au fil des années, mais nous avons maintenant atteint un point de rupture. Cela fait vraiment peur d’imaginer ce qui se passerait en cas de changement brutal » comme la construction du barrage, prévient Mme Angelei. « Peut-être faudra-t-il augmenter encore l’aide alimentaire d’urgence, ou mettre les gens dans des camps pour déplacés », ajoute celle dont le combat lui a valu cette année le prestigieux prix Goldman, qualifié de prix Nobel de l’environnement.
Le lac Turkana constitue « un écosystème très fragile », et « on peut s’inquiéter de ce que l’étude environnementale (sur les conséquences du barrage) n’ait pas été rendue aussi publique que certains sans doute le voudraient », relève pour sa part Achim Steiner, directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement, installé à Nairobi. Directeur de l’association « Sauvons le lac Turkana », Gideon Lepalo estime de son côté que « tôt ou tard les Chinois apporteront l’argent nécessaire pour achever le barrage », et il suggère « une initiative similaire à celle du bassin du Nil », par laquelle les pays riverains du fleuve tentent de s’accorder sur son exploitation.
              (Source : AFP)
Pêcheurs, éleveurs et autres habitants du pourtour du lac Turkana au Kenya suivent avec angoisse la construction, à quelques centaines de kilomètres plus au nord en Éthiopie voisine, d’un mégabarrage qui portera un coup fatal, disent-ils, à leur lac classé au patrimoine de l’humanité.Plus grand lac désertique au monde, avec 250 km de long et 60 km à sa largeur maximale, le Turkana...
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