Armes illégales, vie chère, corruption, licenciements : plusieurs manifestations, quoique de petite ampleur, ont eu lieu samedi à travers le territoire libanais, confirmant un regain de la mobilisation populaire déclenchée le 17 octobre 2019 contre une classe politique et financière accusée de corruption et d'incompétence. Ce regain intervient au moment où le Liban continue de lutter contre la propagation du coronavirus, maintenant en place l'état de mobilisation générale qui prévoit une série de restrictions, ce qui n'a nullement dissuadé ces manifestants.
Devant le siège du palais de Justice de Beyrouth, une poignée de manifestants sont venus réclamer l'application des résolutions 1559 et 1680 du Conseil de sécurité de l'ONU qui prévoient, entre autres, le désarmement des groupes non-étatiques. Cette résolution cible principalement le Hezbollah, seul parti politique au Liban qui a maintenu son arsenal après la fin de la guerre civile en 1990. Si la révolte du 17 octobre soulève une série de revendications sociales, économiques et politiques, le désarmement du Hezbollah n'est pas généralement évoqué par les protestataires. Cette question reste épineuse et divise tant la classe politique que la population. La preuve : un groupe de contre-manifestants, se revendiquant également de la révolte du 17 octobre, est venu exprimer son soutien aux armes du Hezbollah, tout en se disant contre la corruption.
La Cimenterie nationale
Ailleurs dans le pays, des rassemblements contre la cherté de vie ont également eu lieu. Ainsi, dans la Békaa-Ouest, des habitants de la localité de Hoch Harimé ont bloqué la route principale de la ville, rapporte notre correspondante Sarah Abdallah. Plus au Nord, à Tripoli, un groupe de manifestants s'est rassemblé pour les mêmes raisons, drapeaux libanais à la main, sur la place Abdel Hamid Karamé, connue sous le nom de place al-Nour, épicentre de la révolte dans la capitale du Liban-Nord. Les protestataires ont bloqués les routes menant à la place, au milieu d'un fort déploiement militaire et policier. Des slogans assurant "le retour à la révolution du 17 octobre" ont été scandé. Un rassemblement similaire s'est tenu à Saïda, au Liban-Sud.
En outre, des dizaines de chauffeurs de camions travaillant pour Sabeh Beton, filiale de la Cimenterie nationale qui avait annoncé vouloir licencier 95% de ses employés dans les prochains jours, ont manifesté à Zahlé, bloquant des routes de cette ville de la Békaa. Toutefois, la Cimenterie nationale a annoncé dans l'après-midi avoir suspendu sa décision, après s'être entretenue avec le Premier ministre, Hassane Diab.
Manifestation près du domicile d'Amine Gemayel
Sur le plan de la lutte contre la corruption, une poignée de protestataires se sont rassemblés en début de soirée près du domicile de l'ancien président libanais Amine Gemayel à Sin el-Fil, dans la banlieue-est de Beyrouth, l'accusant de corruption. Des affiches à l'effigie de Samy Gemayel, fils d'Amine Gemayel et chef du parti Kataëb que son père avait dirigé, ont été placardés par les manifestants, comme cela avait été fait lors des précédentes manifestations devant les domiciles d'autres députés, notamment Gebran Bassil, Jamil Sayyed ou encore Walid Joumblatt.
"Amine Gemayel a toujours été connu pour sa corruption, et à présent son fils perpétue cette tradition", a accusé l'un des manifestants au micro de la chaîne LBCI. Il n'y a pas eu toutefois d'échauffourées entre les protestataires et les forces de l'ordre déployées sur place, contrairement à vendredi soir, lorsqu'un groupe de manifestants a été agressé par des militaires et des partisans du président du Parlement, Nabih Berry, lors d'un rassemblement près de sa résidence à Aïn el-Tiné à Beyrouth.
Depuis le 17 octobre 2019, le Liban connaît une révolte populaire sans précédent qui fustige la classe politique et financière, l'accusant de corruption et d'incompétence. Le pays fait face à sa pire crise économique en trente ans, et doit lutter contre la propagation du nouveau coronavirus. Ces circonstances ont poussé des milliers de Libanais au chômage et dans la pauvreté. Le gouvernement de Hassane Diab a présenté un plan de redressement sur cinq ans, à travers lequel il espère pouvoir sortir le pays de sa crise. Mais ce cabinet est largement conspué dans la rue et doit faire face aux divisions en son sein, ainsi qu'aux critiques des partis de l'opposition.
commentaires (14)
Il est urgent de recentrer l’action du 17 octobre contre la bande des cinq: Amal PSP Hezbollah Futur CPL car ce sont avant tout eux qui ont mené le pays à la ruine économique et à l’asservissement politique aux puissances étrangères.
Citoyen libanais
14 h 50, le 01 juin 2020