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Liban - Commémoration

Le « non » massif des Libanais aux armes du Hezbollah

Des centaines de milliers de Libanais ont convergé hier vers la place des Martyrs pour crier leur refus des armes du Hezbollah.

Des centaines de milliers de personnes ont convergé hier place des Martyrs. Photo Michel Sayegh


De la Montagne, du Sud, du Nord, de la Békaa et du Mont-Liban, des centaines de milliers de Libanais se sont retrouvés hier place des Martyrs. Ils n'ont pas pris la rue pour célébrer uniquement la sixième commémoration de la révolution du Cèdre déclenchée au lendemain de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005 ; ils se sont retrouvés à Beyrouth pour dire non aux armes du Hezbollah.
Six ans après l'assassinat de Hariri, la révolution du Cèdre n'a pas vieilli, et ses artisans - qui sont avant tout des citoyens ayant pris la rue pour appeler au retrait syrien du Liban et à ce que la lumière soit faite sur l'assassinat de Hariri - ne se sont pas encore fatigués.
Ceux qui ont manifesté hier expliquent qu'ils « luttent pour une cause et qu'ils ont donné des martyrs au pays ». Et, il est vrai, on ne lâche pas facilement prise quand du sang a été versé pour des idées.
La foule et l'ambiance d'hier place des Martyrs rappelaient étrangement les premières manifestations spontanées qui se tenaient chaque lundi ayant suivi le 14 février 2005, et dont l'apogée avait été atteinte le 14 mars de la même année avec plus d'un million de Libanais dans la rue.
Hier donc, la marée humaine qui a déferlé sur Beyrouth était formée de personnes appartenant à toutes les générations, les catégories sociales et les communautés du pays. Il y avait certes des groupes de partisans répondant aux appels de leurs mouvements politiques, mais aussi, comme aux premières semaines de la révolution du Cèdre il y a six ans, de simples Libanais venus en famille ou entre amis et qui croient encore - sans l'ombre d'un doute - au changement, à l'édification d'un État de droit et au désarmement du Hezbollah.
Il y a six ans, personne n'osait penser qu'un jour des Libanais, musulmans et chrétiens, pourraient défiler en appelant haut et fort au désarmement de ceux qui avaient été un moment la résistance contre Israël. Les choses ont changé depuis. C'est qu'il faut compter notamment avec le sit-in du centre-ville entamé en novembre 2006, les événements du 7 mai 2008, et dernièrement la pression exercée par la force des armes pour imposer un Premier ministre à une majorité démocratiquement élue.

Plusieurs milliers venus de la Montagne druze
Hier, place des Martyrs, beaucoup ont opté uniquement pour le drapeau libanais, unifiant ainsi la foule, d'autres ont préféré brandir les couleurs de leur parti ou de leur communauté. Il y avait certes le bleu du courant du Futur, le cèdre des Kataëb, les drapeaux des Forces libanaises et du PNL. Il y avait aussi les banderoles du Mouvement de l'indépendance de Michel Moawad et celles de la Fédération de la ligue syriaque frappées de l'aigle rouge de la Résurrection.
Même si le chef du PSP, Walid Joumblatt, ne fait plus partie du mouvement du 14 Mars, plusieurs milliers de personnes de la communauté druze n'ont pas raté le rendez-vous du centre-ville. Certains brandissaient le drapeau du PSP ou des cinq frontières, propre à la communauté. Il y avait aussi des portraits du fondateur du PSP Kamal Joumblatt et de Ghazi Bou Karroum, le garde du corps du député Marwan Hamadé qui avait péri lors de l'explosion du 1er octobre 2004. D'autres ont opté pour un drapeau créé pour l'occasion. Il est rouge frappé du sigle du 14 Mars (le poing à l'olivier) et de le l'inscription « Les jeunes de la Montagne ». « Je porte ce drapeau pour qu'on sache que les druzes sont là. Nous avons eu des martyrs et nous sommes fidèles au sang versé. Le Hezbollah doit être désarmé », souligne un homme originaire de Aley.
Qu'ils soient de Aley, de la Békaa-Ouest, de Batroun, de Zahlé, de Bécharré, de Tripoli, tous les manifestants font la même déclaration : « Nous sommes là pour appeler au désarmement du Hezbollah, pour que la troupe ait l'exclusivité du port des armes. »
D'autres, pères et mères de famille, disent qu'ils manifestent pour l'avenir de leurs enfants, afin que ces derniers vivent dans un État de droit, même si son édification prendra du temps. « Nous ne nous lasserons jamais. Chaque année nous viendrons s'il le faut, jusqu'à ce que le Hezbollah soit désarmé », indique une femme venue de Bchellé avec son mari et ses deux enfants. « Je ne veux pas que mes enfants soient humiliés comme c'était mon cas durant quinze ans », renchérit un partisan FL.

« Les assassins de l'officier Samer Hanna »
Un homme de Batroun rappelle qu'un officier de l'armée, Samer Hanna, avait était abattu alors qu'il survolait une zone contrôlée par le Hezbollah. « Il faut que ceux qui l'ont tué soient traduits en justice », dit-il.
Un peu plus loin, l'exemple de Samer Hanna est également donné par un jeune homme venu de Tripoli. « C'est intolérable. Nous ne voulons plus d'un pays où le Hezbollah fait la loi avec ses armes. Il a tué Samer Hanna, il a investi Beyrouth et il a imposé un Premier ministre », se plaint-il.
Les immenses groupes venus de Tripoli affirment que Nagib Mikati, originaire de cette ville du Liban-Nord, ne les représente pas, qu'ils ont prêté allégeance depuis longtemps au mouvement du Futur.
Les groupes brandissant des drapeaux Kataëb et FL rappellent surtout « leur cause juste » et leur « lutte qui dure depuis les années soixante-dix pour un Liban libre, indépendant et souverain ».
Certains d'entre eux ont appelé les partisans aounistes à se joindre à eux. « Nous avons été emprisonnés ensemble sous la tutelle syrienne. Nous avons été victimes des services de renseignements libanais, et c'est ensemble que nous avons subi les rafles du 7 août 2001 », note un homme venu d'Antélias. Plus d'un lancent avec une pointe d'humour qu'ils se sont rendus le matin place des Martyrs parce qu'un homme leur avait conseillé de dormir tranquilles, en référence aux propos tenus la veille par le chef du CPL, le général Michel Aoun.
Ce sont surtout les non-partisans, les simples citoyens, venus au centre-ville entre amis ou en famille, qui parlent de la victoire du 14 Mars en 2005, quand « le mouvement a réussi à mettre un terme à trente ans d'occupation syrienne ». « Nous avons changé les choses, et nous réussirons aussi à désarmer le Hezbollah ; qui vivra verra », affirme un homme accompagné de son épouse et de ses jumeaux âgés de onze mois.
Place des Martyrs hier, les organisateurs ont choisi d'afficher des citations de l'imam Moussa Sadr et de Kamal Joumblatt. La tribune a été édifiée non loin de la statue qui a donné son nom à la plus importante place de Beyrouth. De 11 heures à 14 heures, les orateurs se sont relayés et les manifestants ont brandi très haut leurs drapeaux à chaque fois qu'on citait ceux qui sont tombés pour le Liban et leurs compagnons : Rafic Hariri, Bassel Fleyhane, Samir Kassir, Georges Haoui, Gebran Tuéni, Pierre Gemayel, Walid Eido, Antoine Ghanem, François el-Hajj et Wissam Eid.
Un hommage a été également rendu aux leaders et aux anonymes tombés depuis le 1er septembre 2004, date de la tentative d'assassinat du député Marwan Hamadé. Alors qu'on entonnait des Ave Maria sur fond d'Allah Akbar, des listes de noms des victimes de tous les attentats qui ont secoué le Liban depuis six ans ont défilé sur des écrans géants.
Le chef du bloc du Futur, Saad Hariri, a été le dernier à prononcer son discours. À la tribune, il a enlevé sa veste, sa cravate, et a retroussé ses manches. Et c'est en langage parlé qu'il s'est adressé à une foule en transe.
Hier, une vague de drapeaux libanais a flotté très haut durant des heures sur la place des Martyrs. Et depuis les manifestations de 2005, les quatre statues de bronze n'ont jamais semblé aussi fières et la montagne de Sannine aussi digne.

De la Montagne, du Sud, du Nord, de la Békaa et du Mont-Liban, des centaines de milliers de Libanais se sont retrouvés hier place des Martyrs. Ils n'ont pas pris la rue pour célébrer uniquement la sixième commémoration de la révolution du Cèdre déclenchée au lendemain de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005 ; ils se sont retrouvés à Beyrouth pour...

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