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Liban - La situation

Joumblatt se glisse dans les habits de Sleiman

Dans un sens de la théâtralité qu'il confirme depuis début août à presque chacune de ses prises de position aussi retentissantes lorsqu'elles se veulent ridiculement et grossièrement choquantes (comme ce regret concernant la création du Tribunal spécial pour le Liban formulé à Moukhtara devant un Marwan Hamadé ou une Gisèle Khoury littéralement sidérés et un Serguei Boukine qui bouillonnait d'une colère noire mais très diplomatique) que fédératrices, sages, pleines d'espoir et empreintes d'une réelle volonté d'éviter le pire (comme au cours de sa tournée dans un caza de Aley traumatisé par les événements de mai 2008 - lire ci-dessous), Walid Joumblatt a (plus ou moins) stupéfait hier le landernau politique en qualifiant le rapport Najjar sur les faux témoins d'« impartial » et d'« important », à la veille d'un débat cet après-midi en Conseil des ministres, un débat qui cristallise depuis la semaine dernière tous les fantasmes et toutes les rumeurs.
Est-ce une distribution de rôles au sein de la néo-opposition - ce qui implique de facto que le chef du PSP est désormais carrément dans l'axe Haret Hreik-Rabieh et qu'il obéit lui aussi au calendrier syrien, iranien ou syro-iranien ? Ou bien le leader druze vient-il de prouver qu'il entend réellement incarner (pas tout seul) ce centre indispensable selon lui pour essayer de désamorcer les mille et une bombes à retardement politiques et sécuritaires qui menacent quotidiennement le Liban ?
Dans ce cas, Walid Joumblatt, consciemment ou pas, a voulu montrer hier que les habits de Michel Sleiman sont tout autant taillés à sa mesure - « plus encore », diront ceux qui sont persuadés que les prosyriens et les pro-iraniens font désormais davantage confiance au chef du PSP qu'au président de la République. Il s'est posé en arbitre, rien qu'en prononçant les épithètes « impartial » et « important » à propos d'un texte qu'ont honni et foulé aux pieds durant toute la journée d'hier des cadors du Hezbollah, du CPL et des Marada, et bien d'autres (lire par ailleurs). En accordant un très seigneurial bravo au rapport Najjar, Walid Joumblatt a retrouvé, fût-ce le plus momentanément possible, sa place au cœur et dans le chœur d'un 14 Mars dont il a été pendant cinq ans l'un des plus stakhanovistes moteurs ; il a doublé hier en les laissant sur le carreau les plus belliqueux des vont-en-guerre du 8 Mars.
Du coup, tous les observateurs s'accordent pour assurer que la séance d'aujourd'hui sera calme, civilisée, courtoise et urbaine même. Qu'il n'y aura pas de vote. Que le débat risque fort d'être prolongé sur d'autres séances. Que les représentants du camp prosyrien vont insister longuement et lourdement sur le nécessaire transfert du dossier à la Cour de justice (CJ), réclamation que leurs collègues du 14 Mars vont rejeter net en se basant uniquement et exclusivement sur la loi : celle-ci énumère exhaustivement quels sont les cas (repris par le ministre Najjar dans son rapport) où le gouvernement peut recourir à la CJ, et la question des faux témoins n'entre aucunement dans ce cadre minutieusement précis. D'ailleurs, l'ensemble du gouvernement sait pertinemment qu'Ibrahim Najjar, en préparant son texte, a demandé au président de la CJ, Ghaleb Ghanem, s'il a compétence de juger un pareil dossier. « Absolument pas », était la réponse du juge Ghanem, pourtant loin d'être proche de la majorité, la CJ est « incompétente » dans ce cas.
Ce point juridique, l'avocat brillamment cornaqué dans sa jeunesse par Abdallah Lahoud qu'est Nabih Berry le comprend très bien. Et l'approuve sans discuter. Juridiquement, mais pas politiquement, puisque le président de la Chambre sera bien obligé de s'aligner, aujourd'hui, sur leurs collègues du Hezbollah. Il n'empêche que Walid Joumblatt ait littéralement encensé le rapport Najjar du perron de Aïn el-Tiné est très significatif. Et triplement. Un : il sous-entend que Nabih Berry partage tout à fait cet avis, mais qu'il laisse le soin de le dire au chef du PSP, pas encore prisonnier, lui, du Hezb. Ce qui confirme pour ceux qui en doutaient encore de la volonté de plus en plus affichée par le tandem Berry-Joumblatt de fonder une véritable troisième voie, en espérant y ramener Sleimane Frangié. Deux : c'est une victoire personnelle pour le ministre de la Justice qui, rappelons-le, représente avec son collègue à la Culture les Forces libanaises au gouvernement. Non qu'Ibrahim Najjar ait besoin d'un quelconque satisfecit de qui que ce soit : son bilan place du Musée est d'ores et déjà, et à tous les niveaux (politique, social, judiciaire...), l'un des plus brillants depuis la fin du mandat français. Trois : Saad Hariri, qui a également reçu le leader druze hier, peut mieux respirer.
Reste à Bachar el-Assad, qui affirmait hier aux côtés du Premier ministre turc que les tiraillements entre les Libanais « nuisent » aux relations libano-syriennes, toute la latitude de méditer sur ces mots dits avec un calme olympien hier par Walid Joumblatt chez Nabih Berry...
Dans un sens de la théâtralité qu'il confirme depuis début août à presque chacune de ses prises de position aussi retentissantes lorsqu'elles se veulent ridiculement et grossièrement choquantes (comme ce regret concernant la création du Tribunal spécial pour le Liban formulé à Moukhtara devant un Marwan Hamadé ou...

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