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Culture - Rentrée littéraire

Amélie Nothomb s’en va en guerre contre l’obésité en Irak !

Un nouveau Nothomb, c'est toujours délectable, contestable et surprenant. Dans le bon et le mauvais sens. Avec son dix-neuvième roman, « Une forme de vie » (Albin Michel, 169 pages), Amélie (tout comme Babette !) s'en va en guerre. En Irak et contre l'obésité ! Tout en sachant déjà que ledit opus caracole en tête des listes pour les prix de la rentrée, il est certes truculent et virulent, mais pas suffisamment substantiel ou crédible.

Amélie Nothomb au top des choix de la rentrée. (DR)

Toujours de noir vêtue, toujours le regard hagard, toujours le chapeau extravagant, toujours la plume délurée, toujours la narration inégale, toujours les situations loufoques.
De «plop» en «flop», comprendre d'imperfections en relâchements, l'incontournable Amélie Nothomb est une fois de plus omniprésente en cet été brûlant et cette rentrée surchargée, avec son dix-neuvième roman intitulé Une forme de vie (Albin Michel,169 pages).
En explorant ce lien vital et essentiel qui la relie au courrier de ses lecteurs (il paraît qu'elle répond personnellement au courrier, qu'elle épluche soigneusement), l'auteure de la Biographie de la faim et de Stupeur et tremblements (Grand prix de l'Académie française en 1999) a trouvé brusquement un filon inattendu, inespéré. Car pour Amélie Nothomb, qui confie en toute ingénue candeur qu'elle tartine quatre romans par an, mais n'en publie qu'un seul (et ceci à la même cadence depuis bientôt vingt ans), il faut bien admettre que tout ne doit pas être forcément bon dans le poulet et la plume !
Alors aujourd'hui, Amélie reçoit de Bagdad une lettre de Melvin Mapple, un soldat de 2e classe de l'armée américaine basé en Irak depuis six ans. Il demande de l'aide (guère littéraire, loin de là) à la romancière car il est obèse et pèse plus de cent trente kilos. Le dindon et la femme de lettres, quoi... Un énergumène banalement balaise (beaucoup sont comme lui, semble-t-il) qui clame à hue et à dia : «Faites le gueuleton pas la guerre.»
C'est connu, on mange pour fuir, pour se rassurer, pour tromper l'ennui, par peur de ce qui angoisse, terrorise et stresse. Et voilà Nothomb dans une singulière relation épistolaire où, à défaut d'être Mme de Grignan ou Mme de Sevigné, se transforme en psycho-diététicienne mêlant considérations sur la guerre (en Irak), la politique américaine, l'écriture et surtout la malbouffe... Une forme de vie informe pour toute création littéraire ou corporelle.
Parler raison à un gros paquet de lard qui se goinfre de «junk-food» n'est pas toujours parler raisonnable. Et pourtant, il faut retenir des phrases cinglantes comme celle-ci: «Il faut manger pour vivre et non pour mourir. De toutes les drogues, la bouffe est la plus nocive et la plus addictive. » Un mal de siècle tout comme l'anorexie sa sœur jumelle, mais dans le sens opposé, sujet qu'Amélie Nothomb a déjà copieusement disséqué. Et pour cela, c'est-à-dire les troubles alimentaires, leurs dérives et séquelles, l'auteure de Robert des noms propres a de l'expérience, du doigté et du savoir dire.
Il faut convenir que la relation de la plume avec la nourriture n'est pas nouvelle chez Nothomb. Elle qui confessait déjà, dans une de ses interviews, ne manger la pomme que pourrie (elle sait de quoi elle parle, elle qui a vécu au Japon où les œufs vieillissent tout comme le vin en «délicatessen» dans les caves !).

Entre absurde et romantisme
Mais pour revenir à nos moutons (tout en les dévorant savoureusement), en toute fantaisie et imagination débridée, cultivant la bizarrerie des propos, les formules épatantes et les phrases qui font mouche (à dose quand même limitée), l'auteure belge de langue française semble livrer à un véritable règlement de compte. Règlement de compte narquois, faussement caricatural et parodique, presque jouissif. Règlement de compte à l'alimentation d'abord, à la création ensuite et, préoccupation nouvelle, à la politique. Avec une phrase corrosive et drôle comme celle-ci: «Le gras humain sera à George Bush ce que le napalm fut à Lyndon Johnson.» On retient par conséquent surtout la cruauté et l'humour de l'asservissement à la tyrannie de la nourriture.
Dans un style narratif original entre absurde et romantisme, avec un subtil mélange de phrases simples, nerveuses ou pseudo-indifférentes, un vocabulaire savant (saviez-vous par exemple que l'«opisthographie» consiste à écrire recto verso sur une même feuille?), un jeu où fiction et révélations personnelles s'emboîtent adroitement, le roman a une mayonnaise réussie qui prend le lecteur par le bout du nez.
Traduite en plus de 38 langues, l'œuvre d'Amélie Nothomb mérite qu'on s'y arrête un moment. Avec un titre plus énigmatique que jamais, le dernier ouvrage de l'auteur de L'hygiène de l'assassin demeure une lecture à la fois tonique et vitaminée, et sans doute propice à la réflexion et à la méditation, dans un monde où l'on meurt plus d'indigestion que de faim, plus de solitude que de fraternité humaine, plus d'ignorance que de culture, plus de peur que de réconfort.
Toujours de noir vêtue, toujours le regard hagard, toujours le chapeau extravagant, toujours la plume délurée, toujours la narration inégale, toujours les situations loufoques. De «plop» en «flop», comprendre d'imperfections en relâchements, l'incontournable Amélie Nothomb est une fois de plus omniprésente en cet...

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