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À La Une - Solidarité sociale

Au Liban, même le don d'organes est menacé

L'Espagne contrainte d'interrompre un programme de coopération hispano-libanais.

Sur un lit d’hôpital, une fillette de 13 ans rend son dernier soupir. Elle succombe à un anévrisme. Éplorés et en proie à une douleur incommensurable, ses parents n’hésitent toutefois pas à faire don de ses organes pour épargner à d’autres familles la souffrance qu’ils ont eux-mêmes ressentie. Les reins de la petite fille ont ainsi permis à deux hommes âgés de 35 et 40 ans de renouer avec la vie. L’un était inscrit depuis deux ans et huit mois sur la liste d’attente nationale de transplantation et le second depuis huit mois. Le foie a sauvé la vie d’une fille de 13 ans qui s’éteignait lentement, depuis plus de trois mois, en raison d’une insuffisance hépatique. Les cornées ont permis à deux personnes de recouvrer la vue.


Il y a moins d’un mois, les reins et les cornées d’un sexagénaire décédé d’une hémorragie cérébrale ont secouru quatre patients également inscrits sur la liste d’attente nationale de transplantation.


Ces deux belles leçons d’abnégation et de solidarité sociale sont à saluer vivement dans un pays où un important travail reste encore à faire en matière de don d’organes. Il n’en reste pas moins qu’un long chemin a été parcouru au cours des dernières années, grâce à un protocole de coopération entre les gouvernements espagnol et libanais. Le premier était représenté par l’Agence espagnole internationale pour le développement et l’Institut espagnol pour la donation et la transplantation (Donation and Transplant Institute – DTI) et le second par le ministère de la Santé et le Comité national pour le don et la greffe des organes et des tissus (NOOTDT).


Cette coopération de trois ans a permis de mettre en place « une structure nationale pour le don d’organes ». « Désormais, il existe des équipes pour le don d’organes au sein de 23 hôpitaux », se félicite Maria Paula Gomez, directrice médicale de la Fondation Donation and Transplant Institute (DTI) et coordinatrice du projet. Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour, en marge du premier congrès national sur le don d’organes tenu récemment, le Dr Gomez explique que lorsque le projet a été lancé, en novembre 2009, seules quelques infirmières étaient motivées. Elles ont été rejointes plus tard par des médecins urgentistes.


« Au cours de l’année écoulée, de nouveaux établissements hospitaliers ont adhéré volontairement au programme, poursuit Maria Paula Gomez. Cela veut dire qu’au Liban, on commence à croire au don d’organes, ce qui n’était pas du tout le cas en 2009. Malheureusement, aucun hôpital gouvernemental n’a rejoint le programme. Je pense que cela est dû aux problèmes financiers que ces établissements rencontrent et aux difficultés qui leur sont inhérentes. Nous avons essayé de créer une équipe de don d’organes au sein de l’hôpital gouvernemental Hariri, mais le projet a échoué, en raison des difficultés financières que rencontre l’hôpital et des obstacles liés à son organisation interne, mais aussi en raison de questions liées à la religion. D’où l’important rôle qu’ont à jouer les chefs religieux en se prononçant ouvertement et clairement sur le don d’organes. »


Et Maria Paula Gaumez de préciser : « Au cours de l’année écoulée, nous avons également poursuivi la formation de médecins libanais en Espagne et l’entraînement des équipes libanaises au sein des hôpitaux. Nous avons de même conduit des audits au sein des hôpitaux et encouragé les directions de ces établissements à faire des audits internes pour évaluer leur propre performance. En 2012, NOOTDT a eu 38 donneurs de cornées et 9 donneurs d’organes, contre 25 donneurs de cornées et 10 donneurs d’organes en 2011. »

Renforcer le NOOTDT
Se félicitant de « ces importants progrès réalisés dans le cadre de la coopération hispano-libanaise », Maria Paula Gomez constate que de nombreux obstacles restent encore à surmonter. « Il est prioritaire de renforcer la structure de NOOTDT, insiste-t-elle. À travers le don accordé par l’Agence espagnole pour le don d’organes, nous avons réussi à le faire au cours des trois dernières années en finançant le fonctionnement de ces structures. Maintenant que l’aide espagnole est arrêtée, en raison de la crise économique qui sévit dans notre pays, il faudrait que le gouvernement libanais trouve un moyen pour maintenir ces structures, au risque de perdre tout le travail achevé jusqu’à ce jour, et cela malgré la motivation des équipes qui sont toujours disponibles, sept jours sur sept, et à n’importe quelle heure. »


Si le gouvernement libanais réussissait à relever ce défi, il faudrait, selon le Dr Gomez, « augmenter le nombre des équipes en recrutant davantage de coordinateurs et en impliquant un plus grand nombre de professionnels dans les hôpitaux ». « Il faudrait aussi améliorer encore plus l’approche des familles, note-t-elle, d’où la nécessité de sensibiliser davantage de professionnels du corps médical et infirmier. Le Liban a déjà les clés sur la manière de procéder, il faut qu’il trouve le moyen pour continuer. Sur le plan technique, nous sommes toujours disponibles et nous continuerons à assister le NOOTDT, même à distance, à travers des vidéoconférences ou d’autres moyens. Nous ne voudrions pas que cette collaboration se termine parce que l’aide financière a été interrompue. »


Maria Paula Gomez fait remarquer en outre que « le problème religieux continue à entraver l’avancement du projet ». « Le plus grand taux de refus est observé au sein de la communauté musulmane, observe-t-elle. C’est une occasion pour lancer un appel aux patients musulmans inscrits sur la liste nationale d’attente pour qu’ils encouragent leur communauté à agréer le don d’organes. Finalement, tout le travail que nous menons a pour objectif d’améliorer la qualité de vie des patients et de leur donner une deuxième chance. Nous savons que l’islam est favorable au don d’organes, mais en pratique le refus persiste. Peut-être que le message est mal communiqué. Une action doit être entreprise pour changer cette mentalité. Peut-être que les patients et les personnes qui ont déjà bénéficié du don d’organes peuvent jouer un rôle dans ce sens au sein de leur communauté. Le don d’organes est le plus beau cadeau qu’on puisse faire à la fin de sa vie. »

 

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