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À La Une - Reportage

Appliquer ou non la charia, l’autre combat en Syrie

Le futur système judiciaire est au centre du débat préparatoire de l’après-Assad.

Des rebelles syriens vident des bouteilles d'alcool dans les égouts, à Masakin Hanano, dans la province d'Alep, le 28 décembre 2012. AFP /STR

Dans les zones tenues par les rebelles en Syrie, loin des lignes de front, une autre lutte se déroule : celle pour le futur système judiciaire, inspiré ou non de la charia islamique, et qui pourrait façonner le nouveau visage du pays si le régime venait à tomber.


À Alep, juges et jihadistes s’affrontent pour déterminer si les tribunaux doivent modifier le droit syrien, qui s’inspire déjà de la loi islamique, sur la base d’une interprétation rigoriste de la charia.

 

Dans les zones contrôlées par les rebelles, les deux systèmes existent en parallèle et réservent aux inculpés un sort radicalement différent. Abou Ali, 53 ans, conducteur de camion arrêté à un barrage rebelle pour avoir transporté de l’alcool, a ainsi dû répondre de ses actes selon une stricte interprétation de la loi divine. « Nous l’avons fait parce que nous avions besoin d’argent pour nos familles. C’est la première fois que l’on fait ça », affirme Abou Ali, honteux, devant Abou Hamia, le procureur qui l’interroge dans une nouvelle prison du quartier de Hanano City à Alep.

 

(Pour mémoire : Le Front Al-Nosra veut une gouvernance islamique dans la Syrie post-Assad)

 

Abou Hamia l’informe qu’il risque jusqu’à trois mois de prison pour trafic « de produits contraires à l’islam ». Mais le procureur n’écarte pas une libération si le cheikh juge de l’affaire se montre clément.

Deux jours plus tard, Abou Ali et ses complices sont condamnés à recevoir 25 coups de fouet avant d’être libérés.

 

« Dieu veut établir la charia dans toute la Syrie une fois que le régime sera tombé », affirme Abou Hamia, estimant que le pays « a besoin de lois strictes pour que les gens reviennent dans le droit chemin et redeviennent de bons musulmans ». Une position partagée par le front jihadiste al-Nosra, qui a évoqué pour la première fois en décembre son ambition d’instaurer une gouvernance islamique dans la Syrie de l’après-Assad.


Selon une interprétation rigoriste de la loi islamique, les tribunaux peuvent prononcer la peine de mort pour les apostats, les meurtriers et les violeurs, décider de l’amputation des mains pour les voleurs et de coups de fouet pour les accusés coupables de crimes moins graves. Certains cheikhs ont déjà prononcé de telles sentences, faisant exécuter des soldats du régime capturés par les rebelles et qui avaient avoué des meurtres.


Mais pour Marouane Kaeid, désigné « procureur général » d’Alep par l’Armée syrienne libre (ASL), « le système islamique est obsolète. Il date de l’époque du prophète Mohammad et il n’a pas évolué du tout depuis, alors qu’il devrait s’adapter aux temps » modernes. Selon lui, le droit syrien actuel s’inspire des principes islamiques, mais également du droit français et du droit ottoman.

 

(Pour mémoire : La rivalité entre le Front al-Nosra et l’ASL s’accroît)

 

Des tentatives ont eu lieu pour concilier les deux systèmes judiciaires, mais aucun terrain d’entente n’a été trouvé, affirme M. Kaeid, installé dans ses bureaux de Seif al-Dawla, dans le sud-ouest de la ville. « Nous ne pouvons pas travailler avec le Front al-Nosra. Ils sont trop sévères, dit-il, accusant ce groupe d’appartenir à el-Qaëda. L’islam est beaucoup plus simple que cela. Il ne devrait pas être appliqué aussi durement. »


Toutefois, le malaise des capitales occidentales face aux ambitions d’al-Nosra ne discrédite pas le groupe aux yeux des rebelles. Ces derniers accueillent tout combattant capable de lutter contre les forces du régime Assad, surtout en l’absence d’une aide militaire occidentale. « Al-Nosra a répondu à notre appel au combat, mais le problème maintenant est que nous sommes incapables de les arrêter », précise M. Kaeid, qui met en garde contre une lutte de pouvoir après la chute de M. Assad. « Sans l’aide de l’OTAN, nous ne réussirons pas à chasser al-Nosra de Syrie », dit-il.

 

Pour mémoire

Abou Houdeifa, un étudiant devenu artificier du Front al-Nosra


De la difficulté de distinguer un jihadiste d’un rebelle en Syrie

 

Mahmoud, le jihadiste jordanien qui rêvait de mourir en martyr en Syrie

 

Dans les zones tenues par les rebelles en Syrie, loin des lignes de front, une autre lutte se déroule : celle pour le futur système judiciaire, inspiré ou non de la charia islamique, et qui pourrait façonner le nouveau visage du pays si le régime venait à tomber.
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