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À La Une - Crise

Ankara se pose en patron et Damas se répand en excuses

Solidarité des Occidentaux ; Moscou bloque encore une fois le Conseil de sécurité.

Après plusieurs heures de débats à huis clos, l’Assemblée nationale turque, où le parti du Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan dispose d’une confortable majorité, a officiellement autorisé hier le gouvernement à réaliser des opérations militaires en Syrie au nom de la « sécurité nationale », au lendemain du bombardement syrien meurtrier sur le village turc d’Akçakale.


M. Erdogan s’est cependant efforcé de rassurer ceux qui ont vu dans cette autorisation le risque d’une dangereuse escalade militaire en affirmant que la Turquie n’avait pas pour objectif de déclarer la guerre à la Syrie. « Tout ce que nous voulons dans cette région, c’est la paix et la sécurité. Telle est notre intention. Nous n’entendons pas déclencher une guerre avec la Syrie », a-t-il ainsi déclaré à Ankara au cours d’une conférence de presse commune avec le premier vice-président iranien Mohammad-Reza Rahimi. Le PM Erdogan a en outre souligné le rôle dissuasif de la résolution votée par le Parlement, estimant qu’« un des meilleurs moyens d’empêcher la guerre est une dissuasion efficace », prévenant toutefois que la « République turque est un État qui est capable de protéger ses citoyens et ses frontières. Que personne ne s’avise de mettre notre détermination à l’épreuve sur ce point ».

 

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Le vice-Premier ministre turc Besir Atalay a pour sa part souligné que la Syrie avait reconnu sa responsabilité dans les tirs de mercredi, qui ont provoqué la mort de cinq civils turcs, et présenté ses excuses. « La partie syrienne admet ce qu’elle a fait et présente ses excuses. Elle assure qu’un tel incident ne se reproduira pas », a-t-il insisté. La Syrie de son côté « ne cherche pas l’escalade avec ses voisins, y compris la Turquie », a affirmé l’ambassadeur syrien à l’ONU Bachar Jaafari. « En cas d’incident frontalier entre deux États, les gouvernements doivent agir de manière sage, rationnelle et responsable. » Mais à une question sur d’éventuelles excuses syriennes, il s’est borné à répondre que « l’enquête n’était pas encore terminée ».

Sans faille
L’incident d’Akçakale, le plus grave survenu entre les deux pays depuis la destruction d’un avion de chasse turc par la Syrie en juin, a été fermement condamné par les alliés de la Turquie, qui ont affiché une solidarité sans faille avec ce pays membre de l’OTAN. Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a estimé que les tirs syriens constituaient « une menace sérieuse à la paix et à la sécurité internationales », tandis que son homologue allemand Guido Westerwelle a recommandé « une réponse raisonnable à cette situation qui se détériore ». Même son de cloche du côté de Londres qui a qualifié l’attaque syrienne d’« inacceptable ». La Grèce a souhaité, quant à elle, une « désescalade de la tension ». La représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, a elle aussi « fermement » condamné les tirs syriens, tout en appelant « toutes les parties à faire preuve de retenue ».
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon s’est pour sa part dit « inquiet de l’escalade des tensions à la frontière » et demande à « toutes les parties concernées » de « faire preuve d’un maximum de retenue ».

Appropriée
Les États-Unis ont pour leur part jugé « appropriée » et « proportionnelle » la riposte turque, appelant toutefois à éviter une escalade entre les deux pays. « Nous espérons que cela ne dégénère pas en un conflit plus important », a déclaré George Little, le porte-parole du Pentagone. « Nous sommes indignés par les actes commis par le régime syrien le long de la frontière avec la Turquie. Nous nous tenons aux côtés de nos alliés turcs », a-t-il insisté, soulignant « respecter le droit à l’autodéfense mis en œuvre par la Turquie ».
L’Égypte a également condamné les tirs d’obus de l’armée syrienne, affirmant que de telles attaques risquaient d’étendre le conflit à la région.
La Chine et l’Iran ont par ailleurs appelé à la retenue et à « enquêter sur l’incident ».

Conseil de sécurité
Les 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU, saisi par la Turquie, devaient publier une déclaration condamnant vigoureusement les tirs syriens et demandant à Damas de respecter le territoire de ses voisins, mais la Russie a bloqué ce projet de déclaration condamnant « dans les termes les plus fermes » le tir de mortier syrien. Moscou a proposé de le remplacer par un texte édulcoré : « Les membres du Conseil de sécurité appellent les parties à exercer de la retenue et à éviter toute escalade supplémentaire dans la zone frontalière entre la Syrie et la Turquie. » Si elle est adoptée, la déclaration, non contraignante, appellerait également les deux voisins à « réduire les tensions et à construire une voie vers la résolution pacifique de la crise syrienne ».


Mais les diplomates occidentaux ont estimé que ces propositions édulcoreraient le texte à un degré inacceptable. Certaines phrases du texte original de la déclaration présentée par l’Azerbaïdjan ont été conservées par Moscou, qui exhorte par exemple le gouvernement syrien à enquêter sur l’incident. « Cela représente une démonstration du débordement de la crise en Syrie dans les États voisins à un degré alarmant », dit encore le texte conservé par la Russie. Mais Moscou a demandé à retirer la phrase suivante selon laquelle « de telles violations du droit international constituent une menace sérieuse à la paix et à la sécurité internationales ».
L’autre problème est que la proposition russe, selon des diplomates occidentaux, cherche à mettre sur le même plan le tir syrien et la riposte turque, et tend à dédouaner l’armée syrienne, en laissant entendre qu’une enquête doit encore déterminer les responsabilités.


Parallèlement, à Istanbul, une manifestation d’opposants à une guerre avec la Syrie a rassemblé plusieurs centaines de sympathisants de partis de gauche accusant le gouvernement de vouloir livrer une « guerre impérialiste » à la Syrie.

Oui russe
Sur un autre plan, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté hier une résolution condamnant les violations des droits de l’homme commises par les forces armées syriennes avec le soutien presque unanime – et inattendu – de la délégation russe. Elle a également demandé l’instauration, pour empêcher le bombardement des populations civiles, d’une « zone d’exclusion aérienne ».

 

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