Mika : « Quand on vous couvre de louanges, on vous entrave »

Mika publie demain The Origin of Love, un album où il montre un visage plus mature, au risque de dérouter. Pour la première fois, le chanteur de 29 ans qui vient de faire son « coming out », ose y parler de lui « en se cachant moins derrière un personnage », dit-il. Après s’être déclaré bisexuel il y a déjà plusieurs années, Mika a ouvertement parlé de son homosexualité en août dernier à un magazine américain, affirmant que les relations décrites dans son album étaient celles qu’il entretenait avec un homme.
Pour autant, aucun texte n’évoque explicitement la sexualité du chanteur américano-libanais. Le thème de ce disque est davantage le passage à l’âge adulte, bien que Mika récuse le terme de « maturité ». « Je déteste cette expression parce que jamais dans votre vie, vous ne vous sentez naïf par rapport à ce que vous êtes en train de vivre. Mais c’est sûr qu’il y a un sentiment d’affirmation sur ce disque, une façon de dire “je vais parler de moi sans complexe” », estime le chanteur.
Après le succès fulgurant de Life in cartoon motion (2007) et The boy who knew too much (2009), le point de départ de ce nouvel album a été « la stagnation », dit-il. « Cela faisait un an et demi que j’étais sur la route et je n’avais pas de raison d’écrire. Je n’étais pas amoureux, je n’étais pas en colère, je n’étais rien, juste un interprète en tournée », raconte Mika. « Alors je me suis arrêté est là, tout est devenu fou », poursuit-il. Fin 2010, sa sœur Paloma a été victime d’un grave accident à Londres. En tombant d’une fenêtre, elle s’est empalée sur les grilles en fer forgé de la résidence. « J’ai soudain réalisé qu’on pouvait tout perdre en trente secondes. Ca m’a donné de l’intrépidité. Quand ma sœur est allée mieux, j’ai oublié tout prudence, j’ai dit “je pars et je ne reviens pas’ », dit-il.
Avec ses deux premiers albums, Mika a imposé un style enfantin et coloré, un monde imaginaire sans limite, habillé d’une pop lumineuse aux arrangements foisonnants. Si The Origin of Love abrite toujours nombre de chansons dans cette veine, l’album est par endroits plus sombre, marqué par des sonorités urbaines empruntant au R’n B et au hip-hop. « Je me cache moins derrière des personnages de BD. Ayant grandi avec le sentiment d’être un outsider, la méthode que j’avais trouvée pour écrire, c’était de le faire à travers les yeux de ces personnages que je créais. Sur ce disque, je dis des choses fortes, mais en me cachant moins », estime-t-il.
Mika s’est donc envolé pour Montréal sans aucune chanson, dans l’espoir de trouver l’inspiration en studio. « Je suis allé directement de l’hôtel au studio et une heure plus tard, j’avais écrit The Origin of Love (la chanson titre) qui est le point de départ de l’album. Il faut l’admettre, ça m’a aidé d’être tombé amoureux une semaine plus tôt », déclare-t-il. « J’ai décidé de saisir ce moment et d’écrire un album entier sur le processus – tomber amoureux – et ses mutations, d’écrire une collection de chansons d’amour non conventionnelles sur la seule chose qui soit commune à tout le monde : le désir, l’humanité, l’amour-propre... », précise-t-il.
Avec ce nouvel album, Mika est conscient qu’il risque de dérouter certains fans, attachés à son univers sucré. « Mais je pense qu’il est suffisamment bon et qu’il va intéresser ou réintéresser des gens que j’avais peut-être perdus il y a quelques années », dit-il. « Quand on vous couvre de louanges, on vous entrave. Si vous faites de la pop avec une ambition artistique, vous avez la responsabilité de faire des disques audacieux », affirme Mika.

(Source : AFP)