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À La Une - Liban

Métissage de formes et de sensibilités dans « Paris et l’art contemporain arabe »

« Traits d’union, Paris et l’art contemporain arabe » présente une belle sélection d’œuvres de 13 artistes contemporains arabes aux liens privilégiés avec la France. Une exposition qui, après la villa Emerige à Paris en novembre dernier, investit l’espace du The Venue des Souks de Beyrouth jusqu’au 28 mai.

Pascal Amel, le curateur de l’exposition, devant une toile de Ayman Baalbacki.

Conçue et organisée par Pascal Amel, rédacteur en chef de la revue parisienne Art Absolument – dont la ligne éditoriale défend la notion d’«artistes en France» –, «Traits d’union, Paris et l’art contemporain arabe»* est une exposition consacrée à cette fraction de la scène contemporaine arabe fortement liée à la France, soit que ses artistes y séjournent régulièrement, soit qu’ils s’y sont définitivement installés.


Muséale et itinérante**, cette exposition veut «mettre en exergue les œuvres phares qui ne cessent de se constituer dans l’entre-deux-rives de l’Europe et du monde arabe produisant le plus souvent une esthétique hybride, un métissage des formes et des sensibilités qui renouvelle le regard», indique son curateur. En l’occurrence Pascal Amel, qui dit avoir tenu – avec le soutien de l’Institut français – à ce que Beyrouth en soit la première escale «parce que le Liban a été le pionnier de l’art dans la région et reste à l’avant-garde de la scène artistique arabe», assure-t-il.

Baalbacki, Bourgély et Esber
Le Liban, d’où sont également issus trois des artistes phares de cette sélection. À savoir, Ayman Baalbacki, Élie Bourgély et Ninar Esber.


Le premier n’est plus à présenter. Ses peintures matiéristes de carcasses d’édifices urbains et de combattants en keffieh ou ses installations de balluchons à fleurs kitsch évoquent la guerre, la violence et l’exode avec une paradoxale beauté. Art politique et recherche formelle signent la facture du travail de cet artiste, diplômé de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, qui a remporté la médaille d’argent en peinture aux Jeux de la francophonie de 2005 et qui dévoile, au cours de cette exposition, outre les pièces préexposées à la villa Emerige, une toute nouvelle œuvre en néons bleus figurant une sorte d’immeuble-cèdre altéré.


Également marqué par la guerre, Élie Bourgély, diplômé en histoire de l’art de la Sorbonne et de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, élabore des peintures monumentales à l’expressivité narrative chargée de mémoire affective. Ses toiles cumulent les figures et les matières les plus diverses (fer, cailloux, paille, bois, tissus...), comme autant d’instants disparates, de fragments de vie et d’émotions fugitives émergeant à la surface du souvenir...
La mémoire est aussi convoquée ainsi que la question de l’identité dans les vidéos de Ninar Esber. Mais cette artiste née à Beyrouth en 1971, vivant et travaillant à Paris – et accessoirement fille du poète Adonis –, mêle aussi dans sa démarche le ludique au transgressif et le politique à la réflexion ironique.


Directement inspirées d’un contexte géopolitique, les photographies et installations du Palestien Taysir Batniji (né à Gaza en 1966, installé en France depuis 1994 et qui a participé en 2011 au pavillon palestinien de la Biennale de Venise) restent avant tout le fruit d’un regard personnel, subjectif et poétique. Et qui garde, en dépit de son engagement conceptuel, une place primordiale à l’esthétique.


Art engagé et rebelle chez Hicham Benohoud, né en 1968 à Marrakech où il vit et travaille tout en séjournant régulièrement à Paris. Il dénonce dans ses ironico-tragiques autoportraits photographiques l’inexistence de la notion d’individu dans la société
marocaine.
Expression narrative complexe également chez Mahi Binebine, peintre marocain installé à Paris depuis les années 80 qui, au moyen de la représentation récurrente de silhouettes brisées évoque de manière stylisée la désespérance et la lutte de l’être humain écrasé...

Croisement d’esthétiques
D’origine algérienne, vivant au Maroc et formée à l’art en France, Zoulikha Bouabdellah mêle dans ses œuvres les références occidentales et orientales. À l’instar de cette rosace en métal peint qui, à bien y regarder, est composée d’assemblages de mirages, évocateurs de la guerre de Libye.


Métissage de références culturelles également dans les collages numériques et impression à jet d’encre de la photographe égyptienne Nermine Hammam, qui après des études d’art à New York partage son temps entre Le Caire et Paris.


Ainsi que dans les œuvres du peintre et sculpteur Abderrahim Yamou, qui dans ses ateliers de Paris et Marrakech s’approprie la teneur des esthétiques orientales et occidentales pour concilier sur une même surface motifs végétaux et organiques et ligne ondulante de l’arabesque. Ou encore expérimentations de techniques nouvelles et stylisations inspirées du passé...


Idem pour l’artiste syrienne Laila Murawyid qui vit à Paris et dont le travail photographique est traversé de suggestions polysémiques. Entre érotisme et nostalgie, esthétique et évocation d’une culture du masque, du secret, du silence, ses tirages gélatino-argentiques, ici exposés, se prêtent à de multiples interprétations...


Plus ludiques sont les fresques autobiographiques de son compatriote, le peintre Khaled Takreti, également installé à Paris et qui mixe dans des toiles de très grandes dimensions, les couleurs et tracés du pop art à la représentation de figures et assemblées familiales typiquement levantines.


Né en 1958 en Algérie, installé à Marseille, Yazid Oulab transpose dans ses dessins et sculptures d’une radicale contemporanéité, les thèmes de la transmission et de la tradition spirituelle, soufie notamment. À l’instar de Najia Mehadji, dont la recherche plastique sur le soufisme se traduit dans des toiles d’un magnifique et expressif
épurement.
Tous ces peintres, sculpteurs, photographes, vidéastes, installationnistes traduisent, en somme, les préoccupations d’un monde en mutation en empruntant aux formes, aux traditions, aux visions orientales des éléments qu’ils intègrent dans des contextes contemporains et des techniques occidentales.


Jusqu’au 28 mai donc, Beyrouth accueille cette exposition qui, tout en surfant sur la vague de l’engouement pour l’art du monde arabe, a le mérite de braquer les projecteurs sur sa «polysémie, c’est-à-dire, explique le curateur, sa capacité à porter en elle des lectures multiples, à croiser des esthétiques différentes, à les unir et, par là, à produire quelque chose de nouveau». Une nouvelle esthétique qui fait se retrouver dans une même œuvre la dimension conceptuelle et le raffinement formel, l’engagement politique et un regard ludique ou encore le spirituel et le corporel. Et, bien évidement, les techniques occidentales avec la sensibilité orientale!

*Beirut Souks. Horaires de 11h à 22h.
** Après Paris et Beyrouth, elle sera présentée au Musée national du Yémen, puis en Jordanie, à Abou Dhabi et au Koweït.

Conçue et organisée par Pascal Amel, rédacteur en chef de la revue parisienne Art Absolument – dont la ligne éditoriale défend la notion d’«artistes en France» –, «Traits d’union, Paris et l’art contemporain arabe»* est une exposition consacrée à cette fraction de la scène contemporaine arabe fortement liée à la France, soit que ses artistes y séjournent régulièrement,...

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