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Liban - Liban

« Regardez ! Une carte de la Syrie d’avant-guerre... »

L'ONG Biladi a mis au point un programme pour faire connaître aux petits Syriens leur patrimoine et leur redonner une image positive de leur pays.

Des enfants et leur monitrice devant une carte de la Syrie d’avant-guerre.

Dans le jardin Saint-Georges à Jounieh, des dizaines de petits Syriens de tous les âges s'amusent. Malgré les apparences, ils ne sont pas là que pour la promenade. Ils participent à des jeux où sont omniprésentes les photos de monuments historiques d'un pays qu'ils ont quitté en réfugiés. Dans un coin, un groupe d'enfants d'âges différents se retrouvent avec leur monitrice, syrienne également, autour d'une carte géante de leur pays sur laquelle sont indiqués les principaux sites historiques : cette carte ne ressemble en rien à celles, morcelées et changeantes, qui apparaissent régulièrement dans les médias depuis le début de la guerre dans ce pays. C'est à la vue de cette carte qu'une enfant s'est exclamée : « Regardez ! Une carte de la Syrie d'avant-guerre... »


Ces activités s'insèrent dans le cadre d'un programme baptisé « Syria in My Mind » (« La Syrie dans mon esprit ») proposé par l'ONG Biladi, qui se spécialise dans la protection et la promotion du patrimoine. Il est géré par la fondation italienne Avsi, dont Biladi est un partenaire, avec un financement de l'Unicef. Les moniteurs sont des volontaires de l'ONG syrienne « Syrian Eyes » qui ont été formés par Biladi.
Joanne Farchakh Bajjaly, présidente de Biladi, explique pourquoi une telle démarche peut s'avérer très bénéfique pour ces enfants. « La plupart d'entre eux ont quitté le pays trop jeunes pour avoir des souvenirs précis, et ils en gardent une image négative en raison de la guerre qui a précipité leur fuite, dit-elle. Ce programme vise à leur faire connaître leur patrimoine et leur histoire, leur faire retrouver une terre de culture et non de guerre. »
Les enfants, eux, reçoivent ce message cinq sur cinq. « Nous avons appris plein de choses, comme l'histoire de la reine Zénobie », lance un garçon d'une douzaine d'années. « En fait, c'est la journée la plus amusante que nous ayons passée depuis que nous sommes ici, renchérit une de ses camarades. C'est la première fois qu'on nous parle de notre pays de cette manière, ça change de l'image de guerre que nous en avons gardée. »


Marco Perrini, directeur d'Avsi-Liban, explique que pour son institution, « cette activité est vitale dans le cadre d'efforts soutenus pour créer une expérience commune entre enfants libanais et syriens parce que la cohabitation passe par des valeurs communes à l'instar de l'attachement au patrimoine ».
« D'autre part, poursuit-il, il s'agit de rendre aux jeunes réfugiés syriens un peu de la normalité qui leur fait cruellement défaut dans leur nouvelle vie en leur redonnant des repères culturels qu'ils pourraient avoir perdus. »

 

(Pour mémoire : "Pas une seule strate de la culture syrienne -pré-chrétienne, chrétienne, islamique- n'est épargnée")

 

La culture, « une nécessité et non un luxe »
L'utilisation du patrimoine pour renforcer l'attachement des enfants réfugiés à leur pays, ce n'était pas d'emblée la priorité de Tarek Awad, membre fondateur de « Syrian Eyes ». « En tant qu'ONG, nous travaillons dans l'assistance sociale dans des camps de la Békaa, souligne celui qui a lui aussi connu l'exode. Nous avons été contactés par Biladi pour prendre en charge ce projet et avons été formés à notre tour pour intervenir en tant que moniteurs avec les jeunes. Nous avons pu mesurer l'importance de créer une mémoire chez ces enfants, dont les souvenirs du pays sont flous ou inexistants. »


Selon lui, « les réactions des jeunes sont très positives ». « Nous avons beaucoup insisté sur le fait que la Syrie est une très ancienne civilisation, que son histoire ne se résume pas aux dernières années », dit-il.
Autant Tarek Awad que Joanne Bajjaly insistent sur l'importance de cet attachement au patrimoine et à l'histoire pour le futur retour de ces enfants chez eux. « La plupart de ces jeunes ressentent un certain blocage par rapport à un pays qu'ils ont quitté en guerre, explique la présidente de Biladi. Il faut le leur rendre de nouveau familier à travers la culture. »

 

(Repère : Qui contrôle quoi en Syrie ? La réponse cartographiée)


Le projet « Syria in My Mind » en est à ses débuts, une sorte de phase pilote qui concernera 900 enfants : deux journées au Kesrouan, deux à Nabatiyeh et deux à Marjeyoun. « Un tel programme devrait s'inscrire dans la durée et englober beaucoup plus d'enfants, estime Joanne Bajjaly. C'est ainsi qu'il donnera des résultats. » C'est aussi l'avis de Marco Perrini qui espère que l'Unicef décidera de continuer à soutenir un tel programme.
Joanne Bajjaly se défend d'avoir créé un programme qui soit un luxe, rendant hommage à Avsi qui n'a pas hésité à se lancer dans l'aventure. « Tous les autres programmes tentent de répondre aux besoins physiques des enfants, nous avons essayé d'aborder la détresse morale de l'exil », dit-elle. « L'homme ne vit pas que de pain, souligne de son côté Marco Perrini. Il est vrai qu'il faut répondre aux besoins urgents des réfugiés, et c'est ce que nous faisons aussi. Mais l'aspect culturel et éducatif est crucial pour l'avenir de ces enfants, sinon quel avenir les attend ? Il est impératif de leur assurer la scolarisation, de leur permettre de jouer, de découvrir leur culture et leur civilisation... »


Les jeunes, eux, profitent de cette journée au jardin pour participer à des jeux créés spécialement pour eux par Biladi, adaptés à la réalité syrienne. Ils n'oublient pas de s'amuser et de manger une bonne « man'ouché » au thym alépin. Ils retrouvent la dabké et les chants de leur pays, dont les plus jeunes ignoraient jusqu'à l'existence...

 

Repère

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Grandeur et décadences de la Syrie et des autres pays arabes qui au nom du terrorisme balaient toute une glorieuse Histoire.

Sabbagha Antoine

19 h 00, le 04 septembre 2014

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Commentaires (1)

  • Grandeur et décadences de la Syrie et des autres pays arabes qui au nom du terrorisme balaient toute une glorieuse Histoire.

    Sabbagha Antoine

    19 h 00, le 04 septembre 2014

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