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Liban - Protection

Sécurité nucléaire : le port de Beyrouth sous contrôle à 100 %

Après l’Union européenne, le département américain de l’Énergie installe à Beyrouth le « projet Megaport » qui inclut l’installation des équipements et leur maintenance, ainsi que la formation des équipes.

La salle de contrôle réunit toutes les bases de données et les analyse, non seulement dans le port de Beyrouth, mais aussi sur tout le territoire libanais.

L’année 2011 a été riche en événements liés à la sécurité nucléaire. L’accident de Fukushima au Japon a remis en question la politique de plusieurs pays sur le sujet. En outre, le conflit libyen et la chute du régime de Kadhafi ont mis en exergue le danger de la prolifération des armes de destruction massive. Sur le plan civil, l’utilisation et la demande de matières radioactives augmentent dans les domaines médical et industriel. Cet accroissement des circulations transfrontalières des matières radioactives et nucléaires est potentiellement dangereux.
« La sécurité nucléaire est l’un des principaux problèmes actuels des États. La prolifération des bombes et des armes de destruction massive entre directement dans ce contexte », affirme ainsi le colonel Pierre el-Hajj, responsable de la région de Beyrouth au sein des services des douanes au Liban. « D’où l’intérêt de la communauté internationale pour le Liban qui est un important pays de transit », surtout que tous les États voisins surveillent déjà leurs frontières.
Pour le colonel el-Hajj, « il est essentiel de contrôler la circulation des produits nucléaires et des matières radioactives. Ces produits peuvent avoir un usage militaire, dangereux, surtout s’ils tombent entre les mains de groupes terroristes ».
Hélène Nasr, ingénieure nucléaire à « Scitek », consultante auprès des douanes et ancienne inspectrice de l’AIEA, explique pour sa part que « dans l’industrie médicale, on utilise certaines matières radioactives, notamment dans les produits pharmaceutiques (le technétium-99m et l’iode-131, par exemple), et les équipements de téléthérapie. Ces instruments doivent donc être soumis à un contrôle strict pour prévenir d’éventuels accidents ». Selon elle, « la santé publique est également un sujet très important, la responsabilité revenant donc aux douanes pour contrôler toutes les marchandises entrant et sortant du Liban ».
Afin de sécuriser le pays du danger nucléaire, l’État libanais a entamé depuis quelques années un premier projet financé par des fonds européens, en collaboration avec l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), qui a envoyé des experts pour faire un bilan complet de la situation au Liban, avec la participation de la Commission libanaise de l’énergie atomique (CLEA). « Les effectifs des douanes ont été immédiatement associés au projet puisqu’ils sont en première ligne », explique le colonel el-Hajj.
Dans un deuxième temps, l’Union européenne a d’abord offert à l’État l’installation d’un réseau de détection des radiations radioactives aux frontières. Des officiers des douanes ont ainsi été formés et entraînés dans un premier temps pour assurer la sûreté et la sécurité nucléaire au Liban. Ensuite, l’UE a permis l’établissement d’une infrastructure de réponse institutionnelle et d’une coopération entre les différents acteurs concernés, relatives aux matières dangereuses.
Le département américain de l’Énergie a aussi proposé d’installer le « projet Megaport » à Beyrouth. Ce projet, d’une valeur de 10 millions de dollars, inclut d’une part l’installation des équipements et leur maintenance, d’autre part la formation des équipes, affirme Hélène Nasr, ajoutant qu’il y a eu « une coopération complète entre le projet de l’UE et le projet américain, spécialisé dans les grands ports et exigeant une technique particulière ».
« C’est tout un système intégré », explique-t-elle. Une salle de contrôle réunit toutes les bases de données et les analyse, non seulement dans le port de Beyrouth, mais aussi sur tout le territoire libanais.
Le département américain de l’Énergie s’est engagé par ailleurs à entretenir la maintenance de toutes les machines sur l’ensemble du territoire libanais, et non seulement celles qui sont situées dans le port. Cette maintenance est confiée à une société libanaise de haut niveau, avec des experts et des ingénieurs locaux. « Scitek » est responsable de la maintenance, du soutien technique et de la durabilité des équipements installés, comme les portiques de détection et le système informatique du projet », explique ainsi Hélène Nasr.
Sur un autre plan, des séminaires de formation ont eu lieu pour entraîner les équipes concernées et former des instructeurs libanais. Actuellement, ces derniers commencent à leur tour par former le restant des officiers de douane.

Un contrôle sans encombre et sans retard
Au port de Beyrouth, les conteneurs, les voitures, etc. passent normalement les portiques de détection des radiations sans encombre et sans retard. En cas d’alerte, le camion est directement mis à l’écart, sans arrêter le travail en cours, ajoute-t-elle. Les machines détectent tout produit contaminé, ainsi que toute source radioactive et nucléaire.
Le colonel el-Hajj affirme pour sa part que « le port de Beyrouth est actuellement sous contrôle à 100 % » pour tout ce qui concerne les matières radioactives et nucléaires, à l’import et à l’export. Idem pour les ports de Tripoli et Saïda. À noter que 80 à 85 % des importations du pays passent par le port de Beyrouth. La section des marchandises à l’aéroport est également couverte, à l’exclusion des passagers.
Par ailleurs, les détecteurs de radiations aux postes-frontières terrestres, comme Arida, Abboudieh, Kaa, Masnaa, sont aujourd’hui installés. Leur mise en activité est imminente. En outre, des patrouilles munies de détecteurs portables sillonnent le pays, selon le besoin pour tout contrôle éventuel.

Trente à quarante alarmes par jour
« Les services des douanes reçoivent quotidiennement entre 30 et 40 alarmes », affirme Pierre el-Hajj. Celles-ci sont divisées en trois catégories. D’abord les fausses alarmes. Ensuite des alarmes dites « innocentes », qui concernent des marchandises qui contiennent naturellement des substances légèrement détectables comme le phosphate. C’est le cas de la céramique ou des bananes, par exemple. Enfin, il y a les alarmes extraordinaires. Dans ce cas, « la marchandise subit un second contrôle pour découvrir la source de l’alarme, ensuite mise en quarantaine, en attendant les examens approfondis accomplis dans les laboratoires de la CLEA qui se chargera de résoudre tout problème de contamination s’il y a lieu », explique le responsable des douanes. C’est le cas notamment de la ferraillerie ou de la quincaillerie, dans lesquelles il peut se trouver des pièces radioactives qui rentrent au pays par inadvertance ou bien aussi qui quittent le Liban vers des ports européens.

Après Fukushima
Après l’accident nucléaire de Fukushima au Japon, il y a eu une alerte au niveau international pour contrer toute fuite éventuelle, surtout que presque tout les pays du monde importent des produits japonais. Au Liban, les autorités locales, notamment les ministères de l’Agriculture et de l’Économie et du Commerce, ont interdit l’importation de tout produit d’origine nipponne n’ayant pas des brevets de validation issus d’agences internationales, et ce jusqu’à très récemment. Toutefois, « aucune alarme n’a été signalée concernant les produits japonais, surtout que les autorités nipponnes contrôlent strictement et efficacement leurs exportations », affirme le colonel el-Hajj.
Hélène Nasr explique de son coté que toutes les marchandises sans exception sont soumises aux scanners. Même celles qui ne proviennent pas directement du Japon, puisque certains produits peuvent avoir transité à travers d’autres pays. « Si les produits viennent de Fukushima, de Tchernobyl ou de n’importe quelle région, ils sont soumis invariablement au contrôle des douanes », insiste-t-elle.

Les autres projets
D’autre part, le projet américain inclut un second volet, qui concerne non seulement le contrôle des marchandises entrant au Liban, mais aussi celles qui transitent par le port de Beyrouth. Pour ce faire, il faut agrandir une partie des docks, ce qui nécessite un peu plus de temps pour être réalisé.
Toujours concernant l’avenir, un projet est à l’étude concernant l’élaboration d’une stratégie de réponse contre une éventuelle menace, qui inclut plusieurs acteurs comme les douanes, l’armée et les FSI. Il concerne un plan de réponse nationale comprenant toutes sortes de catastrophes naturelles, épidémies, guerres, et évidemment la menace chimique, biologique, radiologique et nucléaire (CBRN), explique le colonel el-Hajj.

Impact positif
« L’impact de notre travail est très important. Il peut toucher plusieurs domaines, qu’il s’agisse de la santé publique, du commerce, de l’industrie ou encore de la sécurité nationale », explique le responsable des douanes.
D’abord sur le plan interne, les Libanais se sentent sécurisés sur ce plan. Ce qui se traduit par ailleurs sur la consommation et les importations. Sur le plan international, le contrôle des marchandises qui sont exportés à partir du Liban permet une confiance accrue dans les produits libanais. « Depuis que nous avons entamé notre contrôle en septembre 2010, aucune marchandise exportée du Liban n’a été retournée » pour un quelconque vice de contamination radioactive ou nucléaire.
Au début, explique le colonel, la direction du port et certains importateurs ont exprimé leur crainte concernant l’organisation du contrôle et le fait qu’il peut retarder la livraison. Mais le système des portiques de détection est très simple et très rapide. Aucun délai ou coût supplémentaire n’est exigé pour le passage de la marchandise. Ces portiques sont également sans aucun danger pour les personnes et les produits contrôlés puisqu’ils n’émettent aucune radiation, ajoute-t-il.
Pour ces raisons, beaucoup de personnes – y compris au sein de l’Etat – n’étaient même pas au courant de l’existence de ces installations, puisqu’elles n’ont jamais été une source de problème. Ce qui, malheureusement, a créé une certaine confusion après Fukushima. En effet, il y a eu un manque de coordination au sein même des ministères de l’Etat, ce qui a eu, pour un certain temps, un impact négatif sur le commerce. Toutefois, la situation a été réglée ultérieurement.
« Cela fait près de cinq ans que les douanes travaillent d’arrache-pied pour mettre ce système en œuvre. Elles ont travaillé dur pour être prêtes, bien avant Fukushima. Il faut ainsi reconnaître qu’elles ont été clairvoyantes et ont fait les efforts nécessaires pour en arriver là », conclut pour sa part Hélène Nasr.
L’année 2011 a été riche en événements liés à la sécurité nucléaire. L’accident de Fukushima au Japon a remis en question la politique de plusieurs pays sur le sujet. En outre, le conflit libyen et la chute du régime de Kadhafi ont mis en exergue le danger de la prolifération des armes de destruction massive. Sur le plan civil, l’utilisation et la demande de matières...

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