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Actualités - OPINION

État des lieux de l’agriculture libanaise (2e partie) Lacunes institutionnelles et système commercial injuste

Par Riad Fouad Saadé * La propriété agricole au Liban, durement touchée par les lois sur l’héritage, est caractérisée par des terres morcelées et parcellisées, ce qui la rend difficilement rentable, faute de pouvoir bénéficier d’économies d’échelles. À ce problème s’ajoute le mauvais état de l’infrastructure agricole qui a subi de graves dommages pendant la guerre. Les routes agricoles sont peu nombreuses et mal entretenues. Les canaux d’irrigation et les périmètres irrigués réalisés avant la guerre ont été partiellement réhabilités alors que certains périmètres ont été nouvellement équipés. Cependant, l’absence de gestion sérieuse de ces périmètres entraîne un gaspillage de l’eau et réduit la rentabilité des projets. Les lacs collinaires ou les rares ouvrages sur les cours d’eau sont encore trop peu nombreux et en tout cas sous-exploités. L’agriculture souffre par ailleur d’un mauvais cadre législatif. Les lois sont soit absentes soit obsolètes et, quand des textes sont adoptés, ils sont le fruit d’actions ponctuelles, orphelines, ne se rattachant à aucun programme national précis. Parent pauvre du secteur public, l’administration agricole libanaise avait bénéficié, à partir de 1960, de la vision de développement du président Chéhab. Mais la guerre a achevé de faire disparaître la plupart des offices autonomes de soutien et d’orientation des producteurs. Depuis 1990, le ministère de l’Agriculture a fait l’objet de nombreuses (et coûteuses) études de restructuration dont aucune n’a abouti. À l’heure actuelle, l’Administration n’a pas les moyens d’établir et de gérer un cadre valable de sauvetage puis de développement d’une nouvelle agriculture libanaise. Le développement agricole est soutenu par trois activités scientifiques indissociables : la recherche scientifique, l’enseignement technique et l’enseignement supérieur agronomique. Quatorze ans après la fin de la guerre, elles sont toutes trois embryonnaires. Quant à la vulgarisation agricole, elle est absente à l’heure actuelle, ce qui n’a pas manqué de réduire de manière dramatique le niveau technique des agriculteurs libanais. À ces lacunes institutionnelles s’ajoute un obstacle majeur : le système de commercialisation des produits agricoles. L’écoulement de la production agricole, stade ultime d’un long processus, représente l’étape essentielle de la valorisation des efforts de tous les stades précédents. C’est dire que ceux-ci seraient vains si la vente du produit n’assurait pas le revenu le plus élevé possible à l’agriculteur, tout en offrant au consommateur le prix adéquat. Le système actuel de commercialisation des produits agricoles libanais représente l’obstacle majeur au développement de l’agriculture libanaise. Cette constatation découle d’une tradition qui consacre l’exploitation de l’agriculteur par les privilégiés des halles ou par les canaux d’exportation. Sur le marché local, la vente en consignation est le seul système admis, il n’est soumis à aucun contrôle. L’agriculteur subit les fraudes des marchands sans aucun moyen de défense. L’absence de normalisation qualitative et de règlement en matière de conditionnement des produits agricoles se traduit par une anarchie complète que les halles ont intérêt à entretenir afin qu’aucun système applicable et contrôlable ne vienne déranger leurs agissements. Il est surprenant que l’État libanais n’ait toujours pas senti le besoin de légiférer en matière de commercialisation des produits agricoles sur le marché domestique. Producteurs et consommateurs sont régis par des coutumes séculaires dépassées et injustement pénalisantes. Le problème s’aggrave à l’exportation. L’agriculteur devient alors tributaire d’une structure qui agit de manière à ce que tout bénéfice de conjoncture du marché revienne exclusivement à cette structure et que tout résultat négatif soit supporté par le seul agriculteur. Il faut ajouter que les paiements effectués par ces sociétés sont retardés (de six à douze mois), sans compter les nombreuses faillites frauduleuses qui privent de nombreux agriculteurs d’une part importante de leurs revenus alors que les exportateurs disparaissent impunément. En l’an 2000, l’État, ayant décidé de soutenir les exportations des produits agricoles, confia à l’Idal cette mission. Il en résulta le programme Export Plus qui a sans doute dynamisé ce secteur. Idal a entrepris jusqu’ici un travail techniquement valable, mais dont l’impact futur reste incertain car le programme Export Plus est dissocié des actions à entreprendre tant en amont qu’en aval, en vue d’assurer sa durabilité. * Directeur général du Centre de recherches et d’études agricoles libanais.
Par Riad Fouad Saadé *

La propriété agricole au Liban, durement touchée par les lois sur l’héritage, est caractérisée par des terres morcelées et parcellisées, ce qui la rend difficilement rentable, faute de pouvoir bénéficier d’économies d’échelles.
À ce problème s’ajoute le mauvais état de l’infrastructure agricole qui a subi de graves dommages pendant la guerre....