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Actualités - REPORTAGES

Trophée - Mirèse Akar "Plume d'argent" au Mexique Mérida, la belle endormie (photos)

Lauréate pour l’année 2000 de la Pluma de Plata (Plume d’argent) qui récompense le meilleur article sur le Mexique, notre correspondante à Paris, Mirèse Akar, a reçu son trophée des mains du président Ernesto Zedillo, à Acapulco. Soumis au ministère du Tourisme mexicain, cet article, que nous reproduisons ci-après, évoque la capitale du Yucatan, Mérida, où la colonie libanaise, nombreuse et agissante, va jusqu’à inspirer des sujets de thèse aux étudiants. Jusque vers 1950, Mérida fut le paris du Mexique grâce au commerce du sisal. malgré des revers de fortune, elle garde sa splendeur passée et amorce aujourd’hui une renaissance. Isolée du reste du Mexique jusque dans les années 50 par un médiocre réseau de communications, la péninsule du Yucatan prit prétexte de cette mise à l’écart pour cultiver l’isolationnisme et se complaire dans ce qui avait fini par devenir une autonomie de fait. La remarque vaut particulièrement pour l’État du même nom situé à son extrême nord – capitale Mérida – et qui, tout au long de son histoire coloniale, avait échappé au pouvoir centralisateur de Mexico. De là ses irréductibles particularismes et cette identité bien affirmée que ses habitants portent volontiers en sautoir. À Mérida, le jeudi soir, les autorités municipales offrent une sérénade composée de «trova yucateca», de vieilles ballades que vous n’entendrez pas ailleurs. Mais, sur la place Santa Lucia, au théâtre Peon Contreras, au Palais du gouverneur ou dans la cour de l’université, les programmes cuturels sont pratiquement quotidiens avec force concerts de marimba, prestations enlevées de mariachis, reconstitution d’un «bodemestiza» (mariage métis) ou récitals éloquemment intitulés «Remembranzas musicales». Façon de maintenir en vie le patrimoine d’une région qui entend prouver qu’elle n’a pas perdu son âme. Façon aussi de tenir la dragée haute à la toute proche Cancun, fleuron touristique du pays avec ses quelque 3 millions de visiteurs par an. Un fabuleux passé Mais si Cancun ne peut tirer aucune gloire de ses origines puisqu’elle naquit en 1971 des judicieux calculs d’un ordinateur qui la posa exactement où il fallait sur le rivage caraïbe, quel fabuleux passé que celui de Mérida ! Elle reçut ce nom du conquistador Francisco de Montejo qui l’édifia en 1542 en lieu et place de la cité maya de Tiho, laquelle lui rappelait vaguement la Mérida romaine d’Estrémadure, en Espagne. Conçue en damier autour du «Zocalo» – la place centrale dans toutes les villes coloniales – elle présente une topographie simplissime avec son quadrillage de rues à numéros : impairs dans le sens nord-sud, pairs pour les axes est-ouest. Et nul n’échappe au tropisme qui conduit irrépressiblement vers ce «Zocalo» : la Plaza Mayor, ombragée de lauriers et fleurie de roses pompon. La plus vieille cathédrale du pays s’y dresse, construite de 1561 à 1598 avec des matériaux prélevés sur un temple maya. Son baroque est sans doute dépourvu de grâce, mais elle recèle le Christ des Ampoules, vénéré par la population locale pour avoir été par deux fois miraculé : de la foudre d’abord, et puis d’un incendie. Encore plus ancien puisqu’il remonte à 1542, le Palacio Municipal lui fait face, voisinant avec la Casa Montejo (1549), résidence du fondateur de la ville. Sur sa magnifique façade plateresque, un conquistador armé d’une hallebarde piétine deux têtes de Mayas grimaçants. Un muraliste yucatèque contemporain, Fernando Castro Pacheco, osa une riposte en décorant le Palacio de Gobierno – le Palais du gouverveur – qui lui fait face de fresques allégoriques résolument manichéennes qui opposent l’angélisme des Mayas à la férocité des oppresseurs espagnols. Cet édifice avait remplacé en 1892 l’ancien Palais des gouverneurs coloniaux. La plantocratie locale venait de s’enrichir du jour au lendemain grâce au sisal, une fibre provenant d’une variété d’agave, le «henequen», et qui reçut le nom du port servant à son exportation. Les contours du Yucatan évoquant une corne d’abondance, les propriétaires de haciendas se félicitèrent de voir ce symbole confirmé par les faits : leur ville présentait alors la plus forte concentration de millionnaires du Mexique. Tout le temps que dura leur prospérité, ils dépensèrent sans compter, s’offrant de somptueuses villas de style européen ou mauresque – ces dernières dans le quartier d’El Campestre –, mais dotant aussi Mérida de ce chef-d’œuvre d’architecture néoclassique qu’est le théâtre Peon Contreras et, surtout, du triomphal Paseo Montejo, construit de 1888 à 1906. Ah, ce Paseo Montejo bordé de flamboyants et de cytises aux lourdes grappes de fleurs dorées ! Le parcourir en calèche a quelque chose de grisant. Au bout, le Monument à la patrie, orné de bas-reliefs néomayas, raconte l’épopée du pays, de l’époque précolombienne à l’indépendance. Non, Mérida, au temps de sa splendeur, n’avait pas volé son surnom de Paris du Mexique ! Le recours libanais Las ! En misant tout sur le sisal qu’on s’était trop hâté d’appeler «l’or vert», les imprévoyants cultivateurs n’avaient pas compté avec la concurrence des fibres synthétiques. Vers 1950, l’effondrement du cours du «henequen» entraîna le déclin de leur ville. Entre-temps, des Libanais avisés qui tenaient la plupart des commerces avaient pleinement réussi leur ascension sociale. Ils devenaient un recours, eux qui avaient commencé par être méprisés. On vous le dira en confidence, dans un langage crypté, sur une de ces jolies causeuses en pierre, justement appelées «confidenciales», qui meublent les parcs et les jardins : la «casta divina» dut consentir à des mésalliances avec la «casta bédouina» ! Trop heureux les notables désargentés de donner leur fille en mariage au fils d’un riche immigré ! Que reste-t-il du Mérida de naguère? De très beaux restes, évidemment, et le charme prenant d’une ville aux allures de belle endormie. Mais la belle ne dort plus que d’un œil depuis déjà quelques années. Outre qu’elle a trouvé un second souffle dans le tourisme en devenant la porte d’accès d’Uxmal et de Chichen Itza, les deux sites mayas les plus spectaculaires du Mexique, la voilà occupée à se refaire grâce à de nouvelles industries. Lors de la promenade vespérale sur le «Zocalo», on croise, fringuants dans leur «guayabera» – cette chemise blanche à plis que portent les hommes par-dessus leur pantalon –, de jeunes cadres dont on sent bien qu’ils n’ont pas perdu leur journée. On lie facilement connaissance à Mérida où les conversations vont bon train, «palecar» – bavarder – y étant le maître-mot de la vie sociale. C’est l’occasion de découvrir des interlocuteurs à la fois cérémonieux et primesautiers, nonchalants quoique d’une incroyable vivacité pour aligner des jeux de mots acrobatiques. S’ils aiment l’emphase et se montrent prodigues de superlatifs, ils font aussi, avec une grande drôlerie, un usage immodéré des suffixes diminutifs : c’est leur manière de minorer toutes choses, de mettre au point leur propre théorie de la relativité. Et puis – on s’en était d’ailleurs déjà aperçu au cours du voyage – leur relation au temps est des plus surprenantes. Qu’ils vous disent «Ahorita !» – tout de suite – ou «Momentito !» – attendez un peu – et cela pourrait bien signifier à la saint glinglin ! À ne pas croire qu’on se trouve au pays des Mayas, obsédés par la marche du temps et le mouvement des astres comme le démontre la visite d’El Caracol, à Chichen Itza. Ainsi vont les civilisations qu’à juste titre on dit mortelles... N’empêche que nous sommes bien dans le «Mayab», l’ancien territoire des Mayas dont la langue continue d’être pratiquée. Dans la cathédrale, un tableau montre Tutul Xiu, cacique de Mani, faisant allégeance à Francisco de Montejo avant de se convertir au christianisme. Aujourd’hui encore, ses lointains descendants vivent à Mérida.
Lauréate pour l’année 2000 de la Pluma de Plata (Plume d’argent) qui récompense le meilleur article sur le Mexique, notre correspondante à Paris, Mirèse Akar, a reçu son trophée des mains du président Ernesto Zedillo, à Acapulco. Soumis au ministère du Tourisme mexicain, cet article, que nous reproduisons ci-après, évoque la capitale du Yucatan, Mérida, où la colonie libanaise,...