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Moyen Orient et Monde - Décryptage

La réconciliation russo-turque peut-elle changer la donne en Syrie ?

Malgré l'attaque contre l'aéroport d'Istanbul, la position turque vis-à-vis du conflit syrien ne semble pas devoir évoluer.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à l’aéroport d’Istanbul pour rendre hommage aux victimes de l’attentat. Murat Cetinmuhurdar/Presidential Palace/Handout via Reuters

C'est ce qu'on appelle une réconciliation surprise. Sept mois après qu'un avion russe a été abattu par Ankara à la frontière turco-syrienne, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a tendu la main, le 27 juin, à son ancien allié russe Vladimir Poutine en lui faisant part de ses regrets – le communiqué du Kremlin parle d'excuses – concernant « cet incident ». Les menaces de représailles de M. Poutine et les provocations, de part et d'autre, avaient fait craindre la possibilité d'une escalade militaire entre les deux États. Entre « le tsar » et le « sultan », la guerre d'ego et de testostérone battait alors son plein, au point de remettre en question les nombreux intérêts mutuels liant les deux pays.


Si elle répond avant tout au besoin de la Turquie de rompre son isolement diplomatique dans la région, la réconciliation avec Moscou est surtout motivée par des considérations commerciales. Rien ne laisse ainsi penser, pour l'instant, qu'elle pourrait avoir des répercussions sur la scène diplomatique, notamment en Syrie où les deux États se livrent une quasi-guerre par procuration. Leurs positions paraissent en effet toujours aussi antagonistes sur deux dossiers majeurs : l'avenir du président syrien, Bachar el-Assad, et le comportement à adopter vis-à-vis des milices kurdes du YPG (Unités de peuplement). Les forces russes combattent aux côtés des troupes loyalistes et soutiennent l'avancée des Kurdes au nord de la Syrie. La Turquie, au contraire, est l'un des principaux soutiens à l'opposition syrienne et bombarde les positions du YPG qu'elle considère comme la branche syrienne du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), son ennemi intime. « Sur le fond, la Russie et la Turquie ont toujours des divergences très importantes », résume Igor Delanoë, directeur adjoint de l'Observatoire franco-russe (CCI France-Russie).

La lutte contre les groupes terroristes pourrait toutefois constituer un point de convergence entre les deux pays. L'attentat qui a frappé l'aéroport d'Istanbul le 28 juin dernier, faisant au moins 45 morts, rappelle à quel point la Turquie est une cible privilégiée pour les groupes jihadistes, puisque, même si elle n'a pas été revendiquée, tout porte à croire que l'attaque a été perpétrée par l'État islamique (EI). Pointé du doigt pour avoir longtemps fermé les yeux sur les passages des jeunes jihadistes sur son territoire, Ankara a durci sa répression contre l'EI depuis plusieurs mois, tant sur la scène intérieure, où de nombreuses cellules dormantes ont été démantelées, que sur le terrain syrien, en permettant notamment aux avions de la coalition d'utiliser ses bases aériennes.

« Arrière-pensée »

Dans cette guerre d'usure, la Turquie pourrait se rapprocher de la Russie, qui se présente comme le nouveau fer de lance de la lutte contre le terrorisme depuis son intervention en Syrie en novembre 2015. Mais cette coopération se heurterait à une nouvelle divergence de fond concernant, cette fois, la définition des groupes terroristes. Moscou définit de la sorte tous les groupes armés opposés à Bachar-el Assad, alors qu'Ankara place les Kurdes, au même titre que l'EI, dans cette catégorie. « Pour l'un comme pour l'autre, le combat contre l'État islamique n'est pas une priorité », assure Jean Marcou, spécialiste de la Turquie et professeur à l'Institut d'études politiques de Grenoble. Ce dernier rappelle que les Turcs ont pilonné à l'artillerie les positions de l'EI et qu'un commando turc est même entré en territoire syrien pour attaquer l'organisation, mais que, malgré cela, « les Turcs combattent toujours l'EI avec une arrière-pensée », craignant de provoquer des déséquilibres qui avantageraient les Kurdes.

« La Turquie pourrait vraiment changer la donne si elle décidait de sceller sa frontière avec la Syrie », estime pour sa part M. Delanoë qui considère toutefois que la réconciliation entre les deux pays « ne va pas trop bouger les lignes en Syrie ».
Malgré l'attaque contre l'aéroport d'Istanbul, la position turque vis-à-vis du conflit syrien ne semble pas prête d'évoluer. Samedi, M. Erdogan a répété qu' « Assad était plus terroriste que l'EI, et même plus terroriste que les YPG ». Cela laisse peu de marge de manœuvre pour négocier avec la Russie. « Au mieux, les discussions sur la Syrie seront peut-être moins épidermiques », résume M. Marcou.
Fortement déstabilisés par le conflit syrien, les Turcs gagneraient probablement en sécurité et en visibilité à se rapprocher des Kurdes syriens, comme ils l'ont fait à partir de 2003 avec les Kurdes irakiens. « La logique stratégique le voudrait, mais l'agenda politique turc – qui répond à la volonté d'Erdogan de présidentialiser le régime – n'est pas sur cette ligne », analyse M. Marcou.

Du côté d'Ankara, comme de Moscou, il faudra retrouver la confiance mutuelle pour envisager un quelconque assouplissement de leurs positions en Syrie. Or leurs positionnements stratégiques divergent sur tellement de dossiers (Ukraine, Syrie, Otan, Caucase) qu'un nouvel incident diplomatique n'est pas complètement à exclure. « Concernant la Syrie, leurs relations devraient revenir à la situation de statu quo qui prévalait avant novembre », explique M. Delanoë. Ce qui ne peut pas vraiment être décrit comme une période de détente.


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commentaires (5)

qui ?! connu plus moi ?! plus d'envergure ...

Bery tus

17 h 50, le 04 juillet 2016

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • qui ?! connu plus moi ?! plus d'envergure ...

    Bery tus

    17 h 50, le 04 juillet 2016

  • C'est pas le héros Bashar qui irait s'excuser pour un complot que les occidentaux ont provoqué chez lui , bien que s'il le faisait , demain matin à l'aube avant le chant du coq les bactéries envoyées en syrie et dans la région s'évanouiraient comme par enchantement de baguette magique. Les vrais héros s'assument et ne mangent pas de ce pain là. erdo peut se le permettre vu sa moralité au ras des pâquerettes. Hahahahaahah. ..

    FRIK-A-FRAK

    15 h 59, le 04 juillet 2016

  • Mais il me semblait que les moumanaaistes avait deja applaudis à la chute d'erdo et la partition de la Turquie avant celle de la Syrie hahaha!!

    Bery tus

    13 h 23, le 04 juillet 2016

  • SI... ELLE LE PEUT ! UN AUTRE CAMELEON EST NE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 15, le 04 juillet 2016

  • Imaginez une seconde que erdo fasse un 360° , c'est à dire présenter ses excuses à Poutine , coopérer avec la Russie , déclarer ouvertement qu'il bloquait les bacteries sur sa frontière et faisait part de son intention de lâcher Alep pour son ex ( ami,ennemi ? ) Bashar le héros syrien . Quelle serait les conséquences ? Les wahabites molles comme dures lui fondaient dessus comme un rapace sur un moineau , les amerlocks humaines le dépeceraient vivant et l'otan irait même jusqu'à l'exclure. Sans avoir à vous rappeler que erdo en cherchant à naturaliser les 2.7 millions de réfugiés cache la peur que le résultat sera inverse , Cad des turcs allant se réfugier en syrie , ou en europe . Tout le jeu se fera en douceur Mr Samrani, erdo a compris que les bactéries salafisteswahabotes avec lesquelles il a flirté pour le compte de son camp affilié à l'occident, il ne pourra pas s'en défaire tout seul donc s'excuser vis à vis des russes va lui coûter un bras , sinon réfléchissons ensemble vous et moi , qu'aurait à gagner la Russie de se contenter d'un pardon pour un coup de poignard qu'elle a qualifié de crime contre la Russie ? Je vous parie que prochainement vous nous écrirez sur les vrais changements de la politique de erdo , et dans pas aussi longtemps que ça.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 31, le 04 juillet 2016

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