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Moyen Orient et Monde - Entretien

La cause palestinienne, ciment d’un éventuel projet panarabe

Le secrétaire général de la Conférence nationale arabe, Ziad Hafez, met en avant, pour « L'Orient-Le Jour », les potentialités de renouveau du projet politique.

Le colonel Nasser, figure de proue du nationalisme arabe, acclamé par la foule dans les rue d’Alexandrie après l’annonce de la nationalisation du canal de Suez, le 30 juillet 1956. Photo archives AFP

Dans le cadre de la réflexion entamée lors du colloque « Les Arabes et l'Iran face aux défis régionaux : opportunités, obstacles et perspectives de partenariats », réuni à Beyrouth, du 31 mai au 2 juin, le secrétaire général de la Conférence nationale arabe (CNA) et directeur d'édition de la revue trimestrielle Contemporary Arab Affairs, Ziad Hafez, analyse les conditions préalables à la mise en place d'un partenariat stratégique avec l'Iran. Pour l'intellectuel libanais, la pierre angulaire d'une coopération égalitaire avec les grands acteurs régionaux est la refondation d'un projet national arabe. Dans cet entretien avec L'Orient-Le Jour, l'analyste dresse un bilan critique de l'expérience panarabe et met en avant les potentialités prospectives de renouveau du projet politique, en adéquation avec les nouvelles réalités régionales.

Les divisions profondes qui s'expriment sur le mode identitaire, et principalement confessionnel, constituent-elles un facteur structurel de blocage à l'émergence d'un rassemblement populaire autour d'un projet panarabe réformé ?
Le clivage identitaire a toujours été instrumentalisé par les puissances coloniales et leurs relais régionaux. La question identitaire a été une arme redoutablement efficace contre toute forme d'unité panarabe. Le paradoxe est que le discours panarabe, ou nationaliste arabe, résout les contradictions identitaires poussées à leur paroxysme en les intégrant et en dépassant le discours identitaire étroit (sectaire, confessionnel, régionaliste, tribal) qui divise. Le discours panarabe, considérant la diversité comme source de richesse, vise à la préserver comme l'héritage ou le patrimoine de la nation. L'histoire arabo-islamique en témoigne.


(Lire aussi : Les Palestiniens ne veulent plus de la « ligne molle de l'Autorité »)

 

Quelles sont les conditions concrètes qui doivent être aujourd'hui réunies pour construire cette unité par le bas ?
Les conditions concrètes me semblent aujourd'hui réunies pour la réalisation de ce projet. En premier lieu, le rapport des forces est en faveur de sa réalisation. Les anciennes et nouvelles puissances coloniales sont dans l'impasse. Pour les États-Unis, l'avenir est encore plus problématique. Il en est de même pour Israël. Si certaines puissances régionales sont mal à l'aise face à un projet politique arabe, elles sont dans l'incapacité de le contrer ouvertement. Aussi, elles prennent la relève en reproduisant le discours identitaire qui justifierait leur politique de protection des factions opposées. Par ailleurs, la Russie pourrait avoir des sentiments ambivalents à l'égard du projet panarabe qui risquerait de faire ombrage à ses objectifs de projection de force politique et militaire dans la région. Les élites arabes, celles qui gravitent dans l'orbite des pétromonarchies, disposent de moyens financiers et médiatiques considérables. Elles sont toutefois discréditées, essentiellement en raison de leur attitude face à la situation en Palestine. Les élites arabes, promouvant le projet panarabe, sont aujourd'hui en train de se reconstituer. La Conférence nationale arabe et le Centre d'études de l'unité arabe en sont la figure de proue. Leur discours unificateur gagne du terrain, y compris au niveau de la base et des formations se revendiquant de l'islam politique.

 

(Pour mémoire : À Jérusalem, Ban Ki-moon dénonce un « conflit qui dure depuis trop longtemps »)

 

Autour de quel programme économique et social concret mobiliser les masses ? Porté par quelle structure politique ?
La construction de l'unité est une opération de longue haleine bien que le contexte objectif soit aujourd'hui favorable à cette évolution. Il faut reconnaître que les élites nationalistes arabes restent encore divisées et campées sur des positions des années soixante. Mais elles perdent pied devant les nouvelles générations nationalistes arabes montantes, comme l'attestent les participations aux camps de jeunes nationalistes arabes organisés par la Conférence nationale arabe et les colloques annuels des jeunes. Il faut également tenir compte des obstacles que sont les intérêts des pétromonarchies et de leurs clientèles sectaires dans les pays arabes. Le discours panarabe reprend de la vigueur autour du Projet de renaissance arabe. Il reste aux nationalistes arabes à arriver au pouvoir pour réaliser un certain nombre d'objectifs : les projets d'infrastructure communs (réseaux électriques, lignes de chemin de fer, transport de l'eau) ; la liberté de circulation dans les pays arabes, l'ouverture des marchés arabes aux produits arabes (les institutions ont déjà été créées durant les années soixante) ; l'élaboration de politiques économiques, monétaires et fiscales communes ; l'élimination des structures rentières et la mise en place de structures productives ; le développement de la recherche scientifique ; et enfin la mise en place d'une politique environnementale commune. En attendant, des groupes de pression existent pour influencer les politiques étatiques.
S'agissant des partis politiques, il faut reconnaître que c'est un grand problème intellectuel. Les partis politiques ne sont plus porteurs de projet de société. Je pense que le parti traditionnel est aujourd'hui un mode de mobilisation dépassé. Dans un monde de réseaux, les partis semblent avoir perdu l'essentiel de leur raison d'être. Avant l'émergence des nouvelles formes de communication, le parti était l'entité qui possédait l'information, la distribuait, mobilisait la base et organisait l'action. Aujourd'hui, avec les réseaux, le parti a perdu le monopole de l'information, de la mobilisation, de l'organisation et de l'action. Il faut donc repenser tout cela.


(Lire aussi : Marwan Barghouti : un destin à la Mandela ?)

 

La cause palestinienne est-elle aujourd'hui, plus que par le passé, la bannière fédératrice de ce projet ?
Plus que jamais, la Palestine est fédératrice malgré les efforts des pétromonarchies pour qu'on l'oublie. La Palestine a toujours été une cause arabe autant que palestinienne. La ferveur de la cause est toujours là. Quand un stade, plein à craquer lors du match Algérie-Palestine, scande « Vive la Palestine », et que l'équipe palestinienne ne peut perdre un match en Algérie, voilà qui réfute les thèses de l'indifférence des masses arabes. Quand un jeune prodige tunisien refuse de serrer la main d'un adversaire israélien et perd le titre de champion d'échecs en assumant son geste, voilà qui réfute les thèses de l'oubli. Quand les masses yéménites (plus de cent mille manifestants), sous les bombes saoudiennes, manifestent en plein Sanaa pour la Palestine, voilà qui démontre que la cause palestinienne est toujours présente dans la conscience des Yéménites. La Palestine reste au cœur de tous les conflits dans la région.

 

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Dans le cadre de la réflexion entamée lors du colloque « Les Arabes et l'Iran face aux défis régionaux : opportunités, obstacles et perspectives de partenariats », réuni à Beyrouth, du 31 mai au 2 juin, le secrétaire général de la Conférence nationale arabe (CNA) et directeur d'édition de la revue trimestrielle Contemporary Arab Affairs, Ziad Hafez, analyse les conditions...

commentaires (4)

Faire du pseudo neuf ...avec du vieux validé ...personne ! ne voudra au 21ème siècle , payer un quelconque prix pour financer cette utopie arabo/surréaliste ...vu que , la tentative précédente... a couté au Liban , en vies humaines et en devenir économique...., un prix considérablement effroyable...!

M.V.

15 h 33, le 18 juin 2016

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Commentaires (4)

  • Faire du pseudo neuf ...avec du vieux validé ...personne ! ne voudra au 21ème siècle , payer un quelconque prix pour financer cette utopie arabo/surréaliste ...vu que , la tentative précédente... a couté au Liban , en vies humaines et en devenir économique...., un prix considérablement effroyable...!

    M.V.

    15 h 33, le 18 juin 2016

  • UTOPIE ARABESQUO-PERSIQUE ! SURTOUT QUANS IL S,AGIT DE COOPERATION ENTRE LES DEUX FACES DE LA MEME MONNAIE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 50, le 18 juin 2016

  • Vouloir reconstituer un empira arabe disparu depuis 1000 ans ne pouvait être qu'une utopie - et l'histoire l'a bien montré! Et pourtant, certains en rêvent encore!

    Yves Prevost

    06 h 54, le 18 juin 2016

  • Oui, bon, c'est bien et gentil d'accord, mais quid encore ; n'est-ce pas ; de la place de "L'Islam" dans ce panarabisme ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 52, le 18 juin 2016

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