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Moyen Orient et Monde - Éclairage

L’Amérique face au miroir d’Orlando

La tuerie d’Orlando serait une aubaine pour le candidat républicain, Donald Trump. Jonathan Drake/Reuters

Les médias américains jouent à faire peur à leurs lecteurs, maintenant que le rideau est tombé sur les primaires et que les deux finalistes préparent leurs armes en prévision de cinq longs mois d'affrontements mano a mano. Exemple de cet exercice purement cérébral : et si les jusqu'au-boutistes de Bernie Sanders décidaient demain, par dépit, de voter pour Trump ? Et d'y aller, à l'appui de leur argumentation, de quelques rappels historiques, depuis l'élection sur le fil en 1968 de Richard Nixon jusqu'à ce cas d'école que fut la victoire en 1980 de Ronald Reagan alors que tout le monde attendait un bis de Jimmy Carter et que nul n'avait prévu le coup de Jarnac signé Ted Kennedy.

Comme toujours, c'est l'inattendu qui est venu bouleverser la donne. Le massacre d'Orlando a poussé le candidat républicain à réaffirmer haut et fort l'une de ses constantes, martelée tout au long des semaines écoulées : interdire l'accès du territoire national à toute personne venant d'un pays ayant pactisé avec le Diable, un thème auquel a répondu mardi – et de quelle magistrale façon ! – un Barack Obama au mieux de sa forme. Le problème, c'est que Hillary Clinton a jugé nécessaire pour sa part d'y mettre son grain de sel, par crainte sans doute de demeurer en reste. À Cleveland (Ohio), l'ex-First Lady n'a pas mâché ses mots : le tueur du Pulse est mort, mais « le virus qui a empoisonné son esprit demeure vivant », a-t-elle dit. Plus encore : « Il est temps que les Saoudiens, les Qataris, les Koweïtiens et d'autres encore interdisent à leurs ressortissants de financer des organisations extrémistes (...), de soutenir des écoles religieuses, des mosquées qui prodiguent à travers le monde un enseignement extrémiste. »
Dans la foulée de l'intervention présidentielle, l'ancienne secrétaire d'État a, malgré tout, donné ce conseil à ses concitoyens : « Si le FBI vous surveille, cela ne vous donne pas pour autant le droit de vous précipiter dans une armurerie pour vous équiper d'un véritable arsenal. »


(Lire aussi : Déjà survoltés par la présidentielle, les Américains super à cran après la tuerie d’Orlando)

 

La relation de l'Amérique avec les armes à feu, tel est le problème récurrent qui se pose à chaque fois qu'un massacre est perpétré. La nuit du 11-12 juin (49 tués, 53 blessés) a éclipsé un autre bilan, tout aussi terrible, établi ce même week-end qui a vu se produire, dans 16 États de la Californie au Maine, 42 échanges de coups de feu qui ont fait 18 tués – dont cinq enfants – et 42 blessés, ainsi que le rapporte le « Gun Violence Archive », une organisation à but non lucratif qui s'occupe d'établir périodiquement un minutieux décompte d'une violence inhérente à la société US. Chaque jour, on dénombre une moyenne de 36 tués par des armes de poing, et le chiffre des agressions, au 14 juin de l'année présente, s'établit à 23 506, avec un bilan de 6 030 tués et de 12 347 blessés.
Il s'agit, nous répétera-t-on, d'un pays né dans la violence, mais cela justifie-t-il que l'on continue de vivre dans une violence qui atteint jusqu'aux universités ? On n'ira pas pour autant réveiller le souvenir de la vieille querelle autour du véritable nettoyage ethnique dont furent victimes les Peaux Rouges ou encore celui de l'hécatombe de la guerre de Sécession et les innombrables règlements de comptes entre bandes rivales, à Chicago ou ailleurs.


(Lire aussi : Orlando : quelles conséquences pour la cause homosexuelle aux États-Unis ?)

 

Reconnaissons tout de même que l'image d'un eldorado où tout n'est que richesse et félicité en prend un sacré coup. Et ce ne sont pas tous les hommes politiques lancés épisodiquement à l'assaut de la forteresse représentée par cette hyperpuissance qu'est la NRA (Nation Rifle Association) qui nous contrediront. D'où aujourd'hui la crainte que la brutalité de l'attaque par un forcené d'un bar gay ne conduise à la radicalisation d'une campagne électorale à nulle autre pareille, censée déboucher sur le scrutin du 8 novembre. Plus martial que jamais, Donald Trump avance, flamberge au vent et verbe haut, promettant de rendre au pays son lustre d'antan, alors que son adversaire entend, mais de moins en moins, faire dans la mesure. L'irascible républicain vient une fois de plus de nous montrer de quel bois il se chauffe, ainsi que le vénérable Washington Post en a fait l'expérience : ses journalistes n'ayant pas eu l'heur de lui plaire, il les a bannis de sa suite pour « malhonnêteté » et « comptes rendus inappropriés » (ce sont là les termes employés par l'intéressé). Le quotidien de la capitale fédérale n'est pas seul à mériter un tel traitement. Il y eut, avant lui, les sites Politico et Huffington Post. Gageons que d'autres médias et/ou personnes subiront les foucades du Père Ubu yankee. Rappelez-vous la remarque que met Alfred Jarry dans la bouche de son héros : « Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple. »
Un 18 Brumaire au pays de l'Oncle Sam... Avec sans doute l'aide de la National Rifle Association.

 

Blog : « Merville Post »

 

 

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