François Hollande en compagnie du président palestinien Mahmoud Abbas. Éric Fefe/AFP
Pourquoi la France a-t-elle pris l'initiative d'organiser une réunion internationale dont personne ne veut particulièrement – à part les Palestiniens – et dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle ne déboucherait pas sur grand-chose ?
La question mérite d'être posée, alors que Paris s'apprête à recevoir les principaux pays et organisations internationales concernés par le conflit israélo-palestinien – à l'exception des Israéliens et des Palestiniens qui, eux, n'ont pas été conviés – pour tenter de relancer un processus de paix totalement amorphe, si ce n'est inexistant.
Conscient que le dossier est extrêmement délicat et que les États-Unis s'y sont brûlé les doigts, Paris se veut réaliste et n'a pas annoncé de grandes ambitions. « Il faut redonner de l'espoir, recréer une ambiance internationale favorable à un processus », expliquait récemment le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. « La France n'a pas non plus vocation à être Don Quichotte », affirmait son prédécesseur, Laurent Fabius, il y a un an, au moment où l'idée d'organiser une conférence internationale sur le sujet prenait forme. En un an, le discours n'a pas changé sur le fond, même si Paris est revenu sur sa promesse de reconnaître l'État palestinien dans le cas où la voie diplomatique ne donnait rien. Cette condition aurait, semble-t-il, été comprise comme un chantage, peu diplomatique, par plusieurs pays européens, dont l'Allemagne, qui refusaient de s'associer à cette conférence dans ces circonstances.
Paris a lâché du lest sans renier sa première conviction : pour que la première réunion, visant à poser les bases d'une future conférence internationale réunissant les chefs d'État, permette de relancer le processus de paix, elle doit se faire sans les deux principaux concernés entre qui « le dialogue est aujourd'hui impossible ». Cette mise à l'écart n'a pas manqué de provoquer la colère des dirigeants israéliens, notamment celle du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui rejette toute approche multilatérale et se dit prêt à « négocier directement avec les Palestiniens ». Le calcul de M. Netanyahu est assez clair : Israël profite pleinement du statut quo actuel et le rapport de force est tellement à son avantage qu'il a tout intérêt à promouvoir des négociations bilatérales qu'il pourra mener comme il le souhaite. Les Palestiniens n'ayant de toute façon plus grand-chose à négocier, seule une intervention de la communauté internationale peut, à leurs yeux, redonner du sens au processus de paix.
(Lire aussi : La conférence de Paris sur le Proche-Orient reportée à juin)
Scepticisme américain
Désapprouvé par le gouvernement Netanyahu, soutenu par l'Autorité palestinienne, Paris a réussi à convaincre les pays arabes, en particulier l'Égypte, de l'intérêt d'une telle conférence. Mais, à défaut d'une unanimité européenne sur le sujet, pour avoir une chance de succès, Paris devra convaincre le troisième acteur le plus important de ce dossier : les États-Unis.
La conférence avait été prévue, au départ, pour le 30 mai, mais elle a été reportée en raison, officiellement, d'une indisponibilité du secrétaire d'État américain, John Kerry, à cette date-là. Ce report avait confirmé les doutes quant au scepticisme américain concernant cette conférence. Si M. Kerry sera finalement présent, tout laisse à croire, pour l'heure, que les Américains ne sont pas vraiment prêts à appuyer sérieusement l'initiative française. Peut-être voient-ils d'un mauvais œil cette concurrence sur un dossier dont ils détenaient jusqu'à présent le monopole. Ou peut-être ont-ils davantage conscience, compte tenu de leur expérience, que les grandes puissances sont très vite confrontées « à leur propre impuissance », pour reprendre une expression de Bertrand Badie, quand il s'agit du Proche-Orient.
Sans le soutien d'une Europe unie, de la Russie et surtout sans celui des États-Unis, Paris ne peut pas grand-chose pour la paix au Proche-Orient. L'initiative a toutefois le mérite de remettre au centre de l'actualité un dossier qui avait été très largement marginalisé ces dernières années en raison des printemps arabes, de la guerre en Syrie et du combat contre l'État islamique (EI). Si le conflit israélo-palestinien n'est plus aussi central qu'il l'était auparavant dans le monde arabe, il n'empêche qu'il demeure la source d'un sentiment de profonde injustice, matrice d'une certaine violence physique et verbale des deux côtés de la Méditerranée.
La France, en tant que pays européen, a un rôle, au moins symbolique, à jouer sur ce dossier et reste un interlocuteur privilégié ayant une image assez positive.
(Pour mémoire : Netanyahu propose un cours d'histoire au personnel de l'Onu: non merci, répond leur chef)
Paris a saisi l'opportunité de se présenter relativement comme une alternative à Washington. Mais cette initiative ne peut mener à rien si elle n'est pas stimulée par une véritable volonté politique, neutre et objective, visant à poser les bases d'une solution à deux États. Or la neutralité et l'objectivité de Paris restent à prouver alors que tout le monde a encore en mémoire les propos tenus par le président François Hollande dans les premiers jours de l'opération Bordure protectrice à Gaza en 2014 : « Il appartient à Israël de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces. »
Dans le même sens, la France ne peut se contenter, comme l'a fait Manuel Valls durant sa visite récente en Israël, de dire que « la colonisation doit cesser », en attendant que la situation se dénoue d'elle-même. Comme si les deux protagonistes étaient également responsables. Car comment promouvoir une solution à deux États quand le territoire censé constituer le futur État palestinien est colonisé par les Israéliens ? Il est bien là, le principal enjeu de cette conférence.
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commentaires (9)
Le processus de paix est inexistant et la cause palestinienne est déjà dans le monde de l’oubli
Sabbagha Antoine
18 h 02, le 02 juin 2016