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Moyen Orient et Monde - Israël

La grande muette et le petit bavard

Le ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon, a démissionné la semaine dernière avec fracas. Menahem Kahana/AFP

On se calme !
Cet appel à la raison, nul pour l'heure ne se hasarde à le lancer. Et pourtant, il y a péril en la demeure, israélienne d'abord – ce qui résoudrait nombre de problèmes... –, mais aussi proche-orientale. La dérive droitière atteint un tel degré que le hideux visage de la guerre pointe désormais à l'horizon. Guerre contre les Palestiniens de Gaza, guerre contre les chiites du Hezbollah libanais, guerre enfin contre les Palestiniens de Cisjordanie, à coups de confiscations et de destructions accélérées du peu de biens qu'il leur reste. Et tout cela à cause de ce que l'on a fini par appeler l'affaire Elor Azariah, du nom de ce sergent accusé d'avoir achevé un Palestinien de 21 ans, Abdel Fattah Yousri el-Charif, blessé et agonisant sur la chaussée après une attaque au couteau contre un autre militaire dans le centre de Hebron.
À partir de là, les événements vont se précipiter, atteignant progressivement une intensité telle qu'il importe aujourd'hui de parler de crise existentielle, encore une dans la vie de l'État hébreu. Après avoir condamné ce qu'il faut bien appeler un meurtre commis de sang-froid, le Premier ministre rétropédale : « Nos soldats, nos enfants, déclare-t-il, doivent faire face à des attaques meurtrières de la part de terroristes et ils doivent prendre des décisions sur-le-champ. » Puis il téléphone au père du sergent pour lui exprimer son soutien, imité en cela par un certain Avigdor Lieberman, qui fait sa réapparition publique en plein tribunal réuni pour juger l'affaire. Et absoudre le tueur en uniforme.

Là-dessus, l'armée s'en mêle, ravivant des rancœurs vieilles de plusieurs décennies. Un porte-parole du général Gadi Eisenkot, chef d'état-major, réagit sévèrement : « Ce ne sont pas là, juge-t-il nécessaire de rappeler, les valeurs de notre institution. » Un autre galonné, Yair Golan, chef d'état-major adjoint, choisit la veille de la commémoration du souvenir de l'Holocauste pour affirmer : « Sur certains points, Israël ressemble à l'Allemagne des années 30. » Il aura beau, plus tard, revenir sur ce jugement, la cassure est évidente entre l'armée israélienne et Benjamin Netanyahu qui se désole face à cette « injustice » et à cette « banalisation » du massacre commis par le régime nazi de 6 millions de Juifs. En bon ministre de la Défense et ancien haut gradé, Moshé Yaalon ne peut que se ranger au côté de l'armée. Il est aussitôt convoqué « pour explications » par « Bibi » qui le pousse vers la sortie, une voie que l'intéressé se dépêche de prendre.

Fin du psychodrame ? Au contraire, ce n'est là qu'un début. M. Yaalon est remplacé par Avigdor Lieberman, un homme honni par l'ensemble de la gauche, connu pour ses jugements à l'emporte-pièce et toujours prêt à actionner le tocsin de la guerre. S'il ne tenait qu'à lui, on bombarderait le barrage d'Assouan, on assassinerait les chefs du Hamas puis, dans la foulée, ceux de l'Autorité palestinienne et tout Arabe d'Israël soupçonné de tiédeur. L'homme, il faut le comprendre, fut videur avant de faire sienne la chose publique. L'espace de deux consultations électorales, Israel Beitenou, sa formation, est passée d'un score insignifiant à six députés, de quoi assurer une majorité confortable à un gouvernement de coalition qui ne recueillerait sans cela que 61 voix sur les 120 que compte la Knesseth. D'où le branle-bas de combat (purement politicien dans ses intentions) qui a suivi l'affaire Azariah, le lynchage médiatique du malheureux Moshé Yaalon, qualifié de « marionnette de la gauche », la pluie de sondages favorables au Likoud...

Entre militaires et politiques, la crise de confiance est plus profonde qu'il n'y paraît. C'est de détestation qu'il faudrait parler. Collaborateur du New York Times Magazine, journaliste au Yediot Aharonot et fin connaisseur du Mossad, le sujet d'un ouvrage en préparation, Ronen Bergman cite, dans un article du NYT paru il y a deux jours, cette confidence de Meir Dagan, un ancien patron de l'agence, à propos de Netanyahu : « J'ai démissionné parce qu'il me dégoûtait. » Un sentiment partagé, semble-t-il, par d'autres officiers supérieurs, inquiets en outre de voir, dans les rangs de l'armée, s'élargir le fossé entre conscrits de gauche et de droite.
Peu avant de prendre une retraite anticipée, Moshé Yaalon donnait ce conseil aux recrues : « Dites ce que vous pensez, même si cela contredit les orientations du gouvernement. » Au fait, à quelle grande muette s'adressait-il, celle qui brandit les principes humanistes ou celle des fidèles du site d'ultradroite 0404 ?

Blog : « Merville Post »

 

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commentaires (3)

Quitte à ce qu’il aspire ce Lieberman-Poison, et cet Ibn-Yâmmîne perdra enfin alors ses Vénéneuses actions.

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 43, le 24 mai 2016

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Commentaires (3)

  • Quitte à ce qu’il aspire ce Lieberman-Poison, et cet Ibn-Yâmmîne perdra enfin alors ses Vénéneuses actions.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 43, le 24 mai 2016

  • Je trouve que ce qu'il manque à l'olj c'est qu'on ne donne pas assez la parole aux pacifistes juifs israéliens , et ils sont ostracisés comme les palestiniens sinon même plus . " L'opposition syrienne" par contre est citée à longueur de journée , alors qu'en israel les opposants à la politique du videur et natibaba et ses 40 voleurs en font plus pour les palestiniens et que n'importe quel pays arabe de la honte du golfe .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 57, le 24 mai 2016

  • Des journalistes comme vous qui osez , on ne demande et redem

    FRIK-A-FRAK

    13 h 52, le 24 mai 2016

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