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Liban - Municipales

Au Liban-Sud, une crise de confiance entre le Hezbollah et l’électorat chiite

Les deux listes rivales à Kfarremmane, dans le caza de Nabatiyé. Photos Samir Sabbagh

À quelques jours des élections municipales du Liban-Sud, la préférence du Hezbollah et du mouvement Amal pour l'élection d'office – synonyme d'une unité populaire soudée par la résistance – convainc de moins en moins d'habitants. Dans les caza de Nabatiyé et de Marjeyoun, l'opposition au tandem chiite prédominant a traditionnellement persisté dans certains bastions de la gauche, comme Kfarreman et Houla. Elle semble s'élargir désormais aux sympathisants du Hezbollah.
En atteste d'abord d'un facteur objectif : la nette baisse du taux de conseils municipaux élus d'office cette année par rapport à un taux estimé à plus de 40 % en 2010. À Nabatiyé, par exemple, l'entente sur une liste élue d'office n'a pu être obtenue que dans trois villages jusqu'à hier soir, comme le rapporte à L'Orient-Le Jour un fonctionnaire habitant la région.


L'accord avalisé par les cadres d'Amal et du Hezbollah pour la gestion des municipales du Liban-Sud impose au binôme de former des listes communes, devant servir de base pour un consensus avec les familles et/ou les partis de gauche, notamment le Parti communiste. La difficulté d'obtenir des élections d'office, en dépit de la formation de listes chapeautées par les deux partis forts de la région, serait une particularité de l'échéance cette année. Plus d'un habitant rapporte à L'OLJ « des réunions jusqu'à l'aube, entre des responsables de ces deux partis et les candidats opposés pour tenter de les rallier à leur liste ou de les persuader de se retirer de la course ».


Les candidatures isolées qui sont en lice face au tandem chiite ont des motivations variées : il y a d'abord des candidatures qui résultent de rivalités familiales, ou d'intérêts pécuniaires (schéma récurrent au niveau des municipales). Mais leur fréquence cette année sur un terrain de prédilection du Hezbollah révèle un certain mécontentement des habitants à son égard. L'on conteste en premier lieu la méthode par laquelle le Hezbollah choisit ses candidats (des partisans rarement représentatifs de leur famille, et peu qualifiés). En second lieu, l'on est de moins en moins sûr que l'hégémonie politique du tandem chiite sur les municipalités soit bénéfique au développement : les doléances des habitants contactés par L'OLJ se recoupent sur « le favoritisme » au service d'entrepreneurs « peu compétents, qui vont finir par dénaturer le paysage de la région ». D'autres font état de terrains usurpés par des hommes proches du tandem, avec la bénédiction des municipalités.
Une idée en découle, qui se diffuse parmi un nombre accru d'habitants : contester la gestion locale du Hezbollah n'est pas trahir la résistance contre Israël.

 

(Lire aussi : De Baalbeck-Hermel au caza de Jbeil, la même contestation chiite)

 

Faire entendre « une nouvelle voix »
La motivation des principales listes qui s'opposent au Hezbollah et à son allié est donc de nature politique (au sens large du terme) : faire entendre « une nouvelle voix » au niveau des municipales afin de rompre avec l'idée préconçue, « absolutiste », selon laquelle cette voix serait antinomique de la résistance.
Les villages du Liban-Sud où les partis de gauche sont restés plus ou moins actifs sont susceptibles de servir de base à cette nouvelle dynamique civile.
De fait, en dépit de l'existence de batailles électorales menées contre des listes Hezbollah-Amal dans plus d'une municipalité moyenne ou grande (y compris la ville de Nabatiyé), les « véritables batailles », c'est-à-dire celles qui seront le plus à même d'ébranler l'hégémonie des partis forts, sont attendues à Kfarreman et à Dar al-Zahrani.


Dans le premier village, une liste d'opposition, « Kfarreman de demain », formée par le Parti communiste et des indépendants contre le tandem chiite, a été annoncée hier. Moins que l'aboutissement du scrutin – que l'on prévoit en faveur d'Amal et du Hezbollah – c'est la dynamique de contestation qui mérite observation. La liste de gauche aurait pu en effet se rallier une partie de la base du mouvement Amal, apprend-on d'un habitant. Le président sortant du conseil municipal, Kamal Ghibris, ou hajj Kamal, entrepreneur membre du mouvement Amal, décrit comme « un philanthrope » , aurait été disposé à favoriser une entente avec la gauche du village, quitte à atténuer l'influence des partis dont il répond. Ce qui n'a pas été sans mécontenter le commandement du parti, rapporte l'habitant. Le résultat a été la décision centrale d'Amal de l'écarter de la municipalité mais de lui confier le poste de responsable du mouvement dans le caza (qui le limiterait à un poste strictement politique, bien que prestigieux).


À Dar el-Zahrani (près de 3 400 inscrits et un taux d'affluence de 60 % en 2010), une liste incomplète de 13 membres présidée par Jamal Badrane (Parti communiste), et soutenue par les partis de gauche, fait face à la liste complète de quinze membres, parrainée par le tandem Amal-Hezbollah, et présidée par Hassan Zawawi (Amal), chef du conseil municipal sortant.
Ici, le scrutin est symptomatique de la méthode adoptée par les partis de gauche face à l'alliance électorale Amal-Hezbollah : refuser tout consensus qui spolierait la représentation des indépendants, c'est-à-dire ceux qui ne relèvent d'aucun parti, y compris communiste.
M. Badrane explique en effet à L'OLJ, que la première démarche du Hezbollah et de Amal a été de tenter un consensus auprès de lui. Ce que confirme d'ailleurs M. Zawawi. Sauf que pour le premier, « il était hors de question de limiter la formation de la liste à trois acteurs partisans : ce serait un fromagisme que la doctrine communiste refuse ». Résultat : M. Badrane, médecin, chef du service de pédiatrie dans un hôpital du caza, a décidé de réunir des membres actifs de la communauté (docteurs, ingénieur, entrepreneur, et une femme) pour mener la bataille municipale. Sa liste est restée incomplète « exprès » pour laisser la chance à des indépendants, qui ont présenté des candidatures isolées, de se faire élire. Il a ainsi préservé deux places vacantes pour ces indépendants qu'il soutient officiellement.


Cette démarche s'inscrirait dans le prolongement du rôle du Parti communiste à Dar el-Zahrani : en 1998, le PCL s'était rallié à un Hezbollah que le mouvement Amal tentait d'isoler ; en 2004, il s'est allié à Amal que le régime syrien tentait d'aliéner, en faveur du Hezbollah. « Nous refusons l'accaparement du pouvoir », explique M. Badrane. C'est en cela que sa campagne est d'abord une « campagne pour la démocratie ». Et sa légitimité populaire à la mener découlerait de sa filiation « à un résistant du Parti communiste, responsable des opérations en 1972 et assassiné en 1982 ».
Pour M. Zawawi en revanche, « la démocratie, c'est d'abord la vérité, c'est-à-dire la reconnaissance des accomplissements de notre municipalité en termes de développement, que seul le visiteur est à même d'évaluer de ses propres yeux ». Il met en doute par ailleurs la nature véritable des candidatures indépendantes, laissant entendre qu'elles s'inscrivent dans le prolongement du PCL.

 

(Lire aussi : L’esprit du changement était dans l’air, mais n’a pas été traduit dans les urnes)

 

Rapports incertains avec Amal
À en croire toutefois des lectures concordantes, le nombre de candidatures indépendantes de chiites sympathisants résulterait d'une crise de confiance entre le Hezbollah et sa base, d'une part, et le Hezbollah et Amal, de l'autre (deux crises qui seraient étroitement liées).
Un habitant de Nabatiyé constate ainsi que le consensus électoral est obtenu plus facilement dans les villages où l'influence du mouvement Amal prédomine. C'est ce qui expliquerait qu'à Tyr, le nombre d'élections d'office soit supérieur à celui enregistré à Nabatiyeh et Marjeyoun.
C'est en effet au Hezbollah et non à Amal que revient la responsabilité de l'expulsion récente de chiites des pays du Golfe (des chiites contraints au retour et dont la voix doit s'exprimer dans les urnes). C'est aussi le Hezbollah qui s'est embourbé dans une guerre fratricide en Syrie, à laquelle Amal s'est abstenue de prendre part, en dépit de nombreuses sollicitations d'aide par son allié.


Ceci n'a pas manqué de semer le doute dans les rapports entre le Hezbollah et Amal.
Une thèse soutenue par un constat objectif, confirmé par les partis intéressés : cette année, l'accord entre les deux partis pour la gestion des municipales du Liban-Sud a exclu les élections des moukhtars.
Selon un habitant, c'est là le premier signe d'une alliance politique fragilisée. Pour un autre, « ces municipales seront les dernières avant la fin du tandem chiite ». Il y aurait une rumeur selon laquelle les craintes de panachages mutuels sont sérieuses, au point que le Hezbollah aurait décidé d'imposer la démission de tous les membres éventuellement élus, si la liste Hezb-Amal est infiltrée.

 

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commentaires (5)

Parfois dans les mariage forcés ...il arrive ...qu'il y est de l'eau dans le gaz...(selon l'expression) ,ce que ne dit pas l'expression ,c'est que le gaz est inflammable ..et l'eau en "principes" moins...;-)

M.V.

11 h 12, le 19 mai 2016

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Commentaires (5)

  • Parfois dans les mariage forcés ...il arrive ...qu'il y est de l'eau dans le gaz...(selon l'expression) ,ce que ne dit pas l'expression ,c'est que le gaz est inflammable ..et l'eau en "principes" moins...;-)

    M.V.

    11 h 12, le 19 mai 2016

  • L,HEGEMONIE... NE PEUT PLUS VOUER AUX GEMONIES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 53, le 19 mai 2016

  • "C'est en effet à ce héZébbb et non à Amal que revient la responsabilité de l'expulsion récente de chiites libanais des pays du Golfe et contraints au retour au bled ! C'est aussi ce héZébbb qui s'est embourbé dans une guerre fratricide en Syrie, à laquelle Amal s'est abstenue de prendre part !". Et dire qu'on disait régulièrement, qu'ils étaient ; en effet ; franchement lents à la détente....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 27, le 19 mai 2016

  • "Bédréééne, (communiste?) explique que la 1ère démarche de ce héZébbb et de Amal a été de tenter un consensus. Sauf que pour lui, (le communiste!), il était hors de question d'accepter ce fromagisme que (Sa doctrine? communiste!) refuse ! Résultat : Bédréééne, médecin (communiste?) et en sus chef du service de pédiatrie dans un hôpital du Caza, a décidé de réunir des membres mais (Mâles) actifs de la communauté (docteurs, ingénieur, entrepreneur), et seulement Une Seule et Unique.... FEMME ! Pour lancer (Sa Bataille).... prolétarienne ! Une SEULE femme ? "Sacré" STALINIEN, va ! Yâ hassértéééh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 18, le 19 mai 2016

  • "Une idée en découle, qui se diffuse parmi un nombre accru d'habitants : contester la gestion locale de ce héZébbbollâh-là n'est pas trahir la résistance contre Äsraël." ! Eurêka ! Wâllâh yâ äâmméhhh, enfin un darébbb zakâââh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 05, le 19 mai 2016

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