Rechercher
Rechercher

Campus

La commémoration de la guerre s’invite au Lycée Abdel Kader

Il est rare que les écoles se risquent à évoquer les années noires de la guerre civile libanaise. Pourtant, ce tabou historique a été levé avec courage par le Lycée Abdel Kader : le 13 avril dernier, plus de 150 élèves ont pu rencontrer cinq spécialistes de la question et apprendre de leur expérience. Retour sur cette journée de sensibilisation avec M. Sami Ouchane, enseignant d'histoire à l'origine de l'initiative, qui poursuit en parallèle un master en histoire à l'USJ.

M. Ouchane (à droite) et ses élèves devant un groupe de visiteurs au premier rang desquels l’ambassadeur de France au Liban, M. Emmanuel Bonne.

Environ 150 élèves des classes de seconde et de première étaient réunis dans l'amphithéâtre du Lycée Abdel Kader (LAK), ce mercredi 13 avril, pour marquer la commémoration de la guerre du Liban. Participaient à cet événement inédit Mme Nour el-Bejjani, administratrice adjointe au Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ), Mme Carmen Abou Jaoudé, journaliste et experte en justice transitionnelle, Mme Lamia Hitti, enseignante d'histoire et chercheuse en science de l'éducation, et enfin MM. Assad Chaftari et Ziad Saab, deux anciens miliciens travaillant désormais au sein de l'ONG Fighters for Peace. Une pièce de théâtre sur le thème de la folie causée par les souffrances de la guerre a également été présentée par Mme Marie Lagarrigue et ses élèves. Enfin, la rencontre s'est conclue par le visionnage du documentaire Badna Naaref, réalisé par Mme Carole Mansour, afin de questionner la place des jeunes libanais dans ce processus de commémoration.
Pour M. Sami Ouchane, enseignant à l'origine de cette initiative, il s'agissait « de donner aux élèves des éléments de réflexion sur ce qu'a été ce conflit, en l'inscrivant dans un vécu qui leur permettait de se sentir concernés par ces événements qu'ils n'ont pas connus ». Le travail réalisé en amont par les professeurs d'histoire et de français du LAK avait en effet souligné l'ignorance des élèves sur ce sujet. Dès lors, « ils devenaient malgré eux les porte-parole des rumeurs et fantasmes véhiculés par la société », poursuit-il. Pour pallier ces lacunes, les élèves de seconde ont donc consacré leur semestre à des recherches sur des thèmes liés au conflit. Une visite de Beit Beirut – la « maison jaune » de Sodeco, ancien quartier général des francs-tireurs – et la découverte de deux expositions photographiques réalisées par des jeunes libanais ont complété cette préparation.

Pour « une jeunesse à la hauteur des enjeux de demain »
« Jamais je n'avais vu mes élèves si attentifs et intéressés », s'étonne le jeune professeur, qui, à tout juste 23 ans, en compte déjà deux dans l'enseignement. « Ces quelques instants passés ensemble, dans un esprit de dialogue et de réconciliation, ont pour ainsi dire débloqué quelque chose », raconte-t-il, mentionnant encore « le sentiment de vivre un moment rare, pour ne pas dire unique ». Particulièrement marquée lors des témoignages des deux anciens miliciens ou encore durant le film, l'émotion était également palpable lorsque Mme Hitti, qui a consacré l'ensemble de ses travaux à la mémoire et l'enseignement de la guerre civile libanaise en milieu scolaire, a tenu à saluer l'initiative de son jeune collègue, qui « n'est pas libanais mais fait preuve de beaucoup de sensibilité pour notre histoire ». Franco-Algérien, M. Ouchane s'intéresse beaucoup en effet à cette période sensible, sur laquelle il a choisi de travailler dans le cadre du master d'histoire qu'il poursuit à l'USJ. « J'aborde bien entendu toutes ces questions avec une grande humilité et beaucoup de prudence, ou disons plutôt de méthode », explique le jeune homme, qui soutient cependant que cette distance par rapport à la vie politique libanaise et aux appartenances communautaires lui permet « une liberté de ton et de réflexion plus grande » que celle de ses collègues. Concédant néanmoins lucidement une moindre « légitimité à (s')exprimer sur les moments douloureux de leur histoire », il prône une collaboration ayant pour unique objectif la formation d'une « jeunesse à la hauteur des enjeux de demain ».
Il est rare que les établissements scolaires s'emparent de la thématique de la guerre civile, oubliée des programmes d'histoire qui de fait s'arrêtent en 1943. Un pari qui s'est avéré gagnant, à en croire le jeune homme, qui se projette déjà vers l'année prochaine : « Les réactions positives de tous nous ont confortés dans cette idée qu'il faut parler de la guerre avec les élèves, susciter la réflexion, permettre le dialogue, créer la rencontre et encourager l'engagement citoyen en vue d'un avenir meilleur. »

Environ 150 élèves des classes de seconde et de première étaient réunis dans l'amphithéâtre du Lycée Abdel Kader (LAK), ce mercredi 13 avril, pour marquer la commémoration de la guerre du Liban. Participaient à cet événement inédit Mme Nour el-Bejjani, administratrice adjointe au Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ), Mme Carmen Abou Jaoudé, journaliste et...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut