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Liban - Interview

« Assad a définitivement perdu sa légitimité », affirme un haut responsable du département d’État

La conclusion de l'accord nucléaire avec l'Iran n'implique pas un rétablissement de la confiance.

Nathan Tek : Le P-O reste au centre des préoccupations des États-Unis.

C'est pour répondre aux craintes et appréhensions qui hantent certains esprits dans le monde arabe sur la politique étrangère des États-Unis que le porte-parole du département d'État pour la région, Nathan Tek, a accepté de répondre aux questions d'un groupe de journalistes libanais lors de son passage à Beyrouth.
Lors de l'entretien accordé dans le cadre d'un séminaire sur la lutte contre l'extrémisme dans ses manifestations violentes, M. Tek a démonté les « préjugés sur le désengagement US » présumé dans la région en affirmant que ce sont, en définitive, les actions de son gouvernement qui expriment le mieux sa ligne politique dans cette partie du monde.

Jonglant avec les arcanes de la langue arabe qu'il maîtrise parfaitement, le diplomate s'est attelé à expliciter la stratégie américaine au Proche-Orient au lendemain de l'intervention russe en Syrie et de l'accord nucléaire conclu avec les Iraniens. Dans un style parfois imagé mais non moins direct, le diplomate a expliqué comment la politique de son gouvernement s'est édifiée autour du refus de mener des guerres par procuration, notamment en Irak et en Syrie. La politique étrangère du président Barack Obama devrait plutôt être comprise dans une logique de soutien et de renforcement des capacités militaires, politiques et culturelles des gouvernements locaux et de la société civile de la région, plutôt que dans l'optique d'un étalage de muscles dont le gouvernement américain précédent avait fait preuve, a indiqué en substance le porte-parole lors de l'entretien.

On en retiendra principalement ces quelques affirmations sommaires qui résument la politique étrangère US, à la vie désormais courte puisque le président Obama devra bientôt rendre le tablier : tout d'abord, l'idée que l'administration US reste convaincue que Bachar el-Assad a perdu sa légitimité et ne pourra jamais récupérer l'ensemble du territoire syrien perdu. La seule issue de sortie du bourbier syrien se trouve par conséquent à la table de dialogue à Genève.
Autre idée forte qui caractérise cette politique étrangère : le fait de négocier et de conclure un accord avec l'Iran sur le nucléaire n'implique pas nécessairement « le rétablissement de la confiance avec ce pays », encore moins le renoncement au soutien des alliés arabes pour contrer les « ingérences infructueuses et déstabilisantes » de la République islamique dans la région.


(Lire aussi : « Washington ne doit plus s'embourber dans les marécages du Proche-Orient »)

 

L'inspiration de Moutanabbi
C'est d'ailleurs grâce à une citation du célèbre Aboul Tayyeb el-Moutanabbi, poète arabe du Xe siècle, que M. Tek a répondu aux interrogations sceptiques sur la conclusion d'un accord sur le nucléaire avec l'Iran et ses effets sur le monde arabe.
« Si vous voyez le lion montrer ses crocs, ne croyez surtout pas qu'il vous sourit », lance Nathan Tek en réponse à une question sur la nature de la relation qu'entretiennent les USA avec la République islamique suite à cet accord. La règle suivie est celle de « tester en permanence les intentions de cet État, sans nécessairement lui faire confiance », a-t-il martelé. « Nous avons des divergences majeures avec les Iraniens. Cela ne nous empêche pas pour autant de continuer à dialoguer avec eux. Cela ne signifie pas non plus offrir des concessions, encore moins une normalisation des relations », a-t-il ajouté.

Dans le cas de figure où l'Iran aurait réussi à obtenir l'arme nucléaire, celle-ci aurait été brandie comme une arme de pression sur les pays avoisinants, et « les crises auraient empiré dans la région », a encore dit M. Tek avant d'insister sur l'effet plutôt salvateur de cet accord.
D'ailleurs, les USA n'ignorent aucunement la série d'« actes subversifs entrepris par la République islamique en Syrie, en Irak ou au Yémen ». C'est dans cette logique qu'il faut comprendre la collaboration étroite des USA avec leurs partenaires dans la région et dans le Golfe en vue de la constitution d' « une force de dissuasion face à l'Iran », notamment à l'aide d'un système de défense évolué.

 

(Lire aussi : Heurs et malheurs de la politique étrangère de Barack Obama)

 

L'incontournable Russie
C'est également sous le chapitre de la communication et des solutions constructives qu'il faut placer les rapports russo-américains actuels dans le contexte de la crise syrienne.
Après avoir fermement critiqué, dans ses débuts, « l'ingérence de la Russie pour protéger le président Assad », une ingérence condamnée à se limiter à une courte durée à cause des difficultés économiques monstres auxquelles Moscou était confronté, le gouvernement américain considère actuellement le rôle du président russe, Vladimir Poutine, auprès de son allié syrien « nécessaire » pour pousser Assad à s'asseoir à la table des négociations.

« Au début de la crise, nous avons clairement dit que la Russie commettait une erreur stratégique du fait de sa vulnérabilité économique », a-t-il noté. « Nous ne partageons absolument pas la vision avancée par beaucoup selon laquelle les Russes ont conforté la position du régime sur le terrain. Bachar el-Assad a complètement perdu sa légitimité et ne peut plus récupérer l'ensemble du territoire. C'est une chose impossible », a insisté M. Tek, avant de rappeler que la seule issue pour Assad est désormais des négociations conduisant à la mise en place d'un gouvernement de transition politique. À l'instar de l'Iran, les engagements de la Russie à ne pas s'ingérer pour aider Assad durant la trêve sont également testés, a ajouté en substance le porte-parole.

 

(Lire aussi : Moscou-Washington, les enjeux eurasiatiques de la crise syrienne)


À la question de savoir pourquoi les USA n'ont pas été plus fermes à l'égard de la Russie et de son intervention auprès de son allié syrien, afin de laisser Assad s'épuiser avant de le traîner à la table des négociations, il a affirmé : « Les USA ne feront pas une guerre à la Russie par procuration en Syrie. Il n'y a pas de solution militaire facile. Nous ne pouvons résoudre le problème en Syrie avec une baguette magique. »
« Nous suivons de très près ce qui se passe dans cette région. Mais, en même temps, nous sommes conscients de la nécessité de renforcer les capacités des pays arabes à se défendre face aux menaces extérieures et intérieures. Cette logique est au cœur de la politique US », a ajouté le responsable, rappelant que son gouvernement continuera à soutenir l'armée libanaise, notamment face à la menace terroriste.
C'est ce qui se passe en Irak, où les USA se sont imposés comme « partenaire sécuritaire » privilégié de ce pays, en offrant le soutien requis pour libérer le territoire de l'emprise de l'EI.

Le porte-parole a enfin infirmé toutes les « rumeurs » portant sur les velléités de diviser la région que l'on impute parfois aux Américains. « Il y a beaucoup de théorie de complot actuellement sur un nouveau Sykes-Picot et je ne sais trop pourquoi », a soutenu M. Tek, avant de préciser que les USA sont attachés à l'unité de l'Irak et de la Syrie parce qu'ils sont attachés au principe de la non-ingérence et au respect de la souveraineté des pays.
« Nous n'avons pas le droit d'intervenir à ce niveau comme si nous étions une force colonisatrice », a conclu Nathan Tek, en soulignant que l'expérience qui s'est produite sous le mandat du président George W. Bush, en Irak notamment, n'est plus de rigueur. « Aujourd'hui, nous devons traiter avec la nouvelle réalité héritée », a-t-il conclu.

 

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C'est pour répondre aux craintes et appréhensions qui hantent certains esprits dans le monde arabe sur la politique étrangère des États-Unis que le porte-parole du département d'État pour la région, Nathan Tek, a accepté de répondre aux questions d'un groupe de journalistes libanais lors de son passage à Beyrouth.Lors de l'entretien accordé dans le cadre d'un séminaire sur la lutte...

commentaires (3)

IL A FAIT DE LA SYRIE UN ABATTOIR...

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 26, le 19 avril 2016

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Commentaires (3)

  • IL A FAIT DE LA SYRIE UN ABATTOIR...

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 26, le 19 avril 2016

  • C'est drôle ,les pays arabes utilisent la même méthode...d'ailleurs, plus ou moins discrètement...."tester en permanences les intentions des USA"....Bon, c'est bien normal la confiance est parfois dans le temps et l'espace orientale ,une substance anxiogène......

    M.V.

    09 h 03, le 19 avril 2016

  • "Ce porte-parole a infirmé toutes les « rumeurs » portant sur les velléités de diviser la région. Et comme quoi il y a beaucoup de théorie de complot sur un nouveau Sykes-Picot avant de préciser que les USA sont attachés à l'unité de l'Irak et de la Syrie mais qu'ils devront traiter avec la nouvelle réalité héritée." ! Petit "malin", va ! En fait, "réalité héritée" d'un Irak et d'une Syrie déjà divisés....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 24, le 19 avril 2016

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