Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Interview express

Dans le Nagorny-Karabakh, le cessez-le-feu de 1994 « n’est plus valable »

Vicken Cheterian, auteur et politologue, répond aux questions de « L'Orient-Le Jour » sur les enjeux de la dernière flambée de violence entre les troupes arméniennes et les forces azerbaïdjanaises dans la région contestée.

Un homme inspectant un immeuble détruit dans le village de Talish, hier. Karen Minassian/AFP

Pourquoi y a-t-il eu une escalade soudaine sur le terrain entre les troupes arméniennes et azerbaïdjanaises? Ce n'est pas la première fois que des escarmouches ont lieu et des incidents se produisent chaque semaine. Qu'est-ce qui diffère cette fois ?
L'escalade militaire entre les deux camps est directement liée à la crise interne en Azerbaïdjan. Le cessez-le-feu dans le Nagorny-Karabakh (signé en mai 1994) et la stabilité interne de l'Azerbaïdjan ont tous deux été conditionnés par l'économie pétrolière de ce pays. Le développement des exportations de pétrole azerbaïdjanais coïncide avec l'arrivée au pouvoir d'Ilham Aliev en 2003, mais au cours des dernières années, le modèle économique de l'Azerbaïdjan a été érodé en raison de la diminution de la production de pétrole en mer Caspienne et de l'effondrement des prix internationaux du pétrole. Suite à la dévaluation du manat, la monnaie nationale, le citoyen moyen a perdu environ un tiers de son revenu, causant beaucoup de troubles sociaux depuis le début de l'année. Par conséquent, Ilham Aliev est confronté à une crise sociale, mais aussi à une crise de légitimité. Il est arrivé au pouvoir parce qu'il était le fils de Haidar Aliev, l'ancien président. Tout comme la Syrie, l'Azerbaïdjan est une « république dynastique » moderne. Pendant le boom pétrolier, il a investi des milliards dans l'achat d'armes, et en lançant la plus récente escalade militaire, il visait à détourner l'attention de l'opinion publique azerbaïdjanaise des problèmes économiques et des scandales financiers, tout en gagnant du territoire pour renforcer sa légitimité. Le fait que le premier jour de combats, les militaires azerbaïdjanais ont avancé de 200-300 mètres sur 8 différents fronts prouve que l'Azerbaïdjan a initié l'offensive, qu'elle était prévue et ce fut une attaque massive.


(Lire aussi : Les partis arméniens font assumer à Bakou la détérioration de la situation)

 

Quel est l'enjeu du Nagorny-Karabakh pour les différentes parties impliquées (Arménie, Azerbaïdjan, Russie, Turquie...) ?
Le Haut-Karabakh a joué un rôle constitutif dans l'émergence des États arménien et azerbaïdjanais modernes. Ce fut d'ailleurs la cause principale autour de laquelle les deux populations se sont mobilisées en 1988-89. Il est leur « Alsace-Lorraine », ce qui complique une solution négociée. Ceci dit, en 2001, Haidar Aliev et Robert Kocharian ont été près d'aboutir à un accord de paix.
Pour la Russie, cette région contestée lui permet de projeter son influence sur les anciennes républiques soviétiques : l'Arménie et l'Azerbaïdjan dépendent tous deux de l'armement russe. La Turquie, elle, n'a qu'une influence limitée sur l'Azerbaïdjan et n'entretient pas de relations avec l'Arménie. La déclaration déséquilibrée du président turc Recep Tayyip Erdogan sur son plein soutien à l'Azerbaïdjan a manqué de tact et de diplomatie, mais ne peut pas avoir beaucoup d'impact sur le terrain.

Un nouveau conflit d'ampleur est-il à craindre?
Je pense que nous devrions craindre une guerre tous azimuts, dans le cas où les tendances actuelles se poursuivent. Le cessez-le-feu de 1994 était en grande partie stable jusqu'en 2014, mais il n'y a pas de force internationale de maintien de la paix. Au cours des deux dernières années, il y a eu une escalade dans les affrontements, qui deviennent chaque fois plus violents. Il est évident que le cessez-le-feu de 1994 n'est plus valable. Donc soit les parties vont négocier un nouvel accord, soit la prochaine escalade pourrait déclencher une nouvelle guerre.

 

Lire aussi
Quand le Kremlin tente d’utiliser l’Arménie dans son conflit avec Ankara

Il n'y a plus de cessez-le-feu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, estime Erevan

L'Arménie emprunte 200 millions de dollars à la Russie pour lui acheter des armes

Pourquoi y a-t-il eu une escalade soudaine sur le terrain entre les troupes arméniennes et azerbaïdjanaises? Ce n'est pas la première fois que des escarmouches ont lieu et des incidents se produisent chaque semaine. Qu'est-ce qui diffère cette fois ?L'escalade militaire entre les deux camps est directement liée à la crise interne en Azerbaïdjan. Le cessez-le-feu dans le Nagorny-Karabakh...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut