Au terme d'une période de huit mois marquée par des rues inondées d'ordures ménagères, celles-ci sont finalement collectées pour être emmenées à la décharge de Naamé, dans le cadre du plan de sortie de crise adopté récemment par le gouvernement. La solution ainsi avalisée – qui a mis fin, il faut bien le reconnaître, à une (très) longue attente désespérée et angoissée des Libanais – a fait grincer bien des dents, en dépit du fait que, malgré tout, elle a tourné la page du cauchemar des dépotoirs sauvages qui se sont répandus par centaines dans les villages du Mont-Liban et les quartiers du Grand Beyrouth. Le problème des déchets ménagers est-il radicalement et définitivement réglé pour autant ? Rien n'est moins sûr puisque l'on demeure dans la logique du plan d'urgence, et que l'avenir reste incertain.
C'est dans ce contexte que L'Orient-Le Jour se propose de lancer, avec ce Spécial comme point de départ, une démarche médiatique soutenue visant à mettre en valeur, lorsque le cas se présente, les initiatives positives entreprises à travers le pays dans le domaine du traitement des ordures ménagères. D'autant que le dernier plan d'urgence adopté par le gouvernement présente, contrairement à celui adopté en 1997, et en dépit de nombreuses lacunes, un grand avantage : celui de donner aux municipalités et aux collectivités locales le choix d'entreprendre des projets ne dépendant pas des solutions centralisées proposées par l'État.
Le succès sera-t-il au rendez-vous ? Les fonds alloués aux municipalités leur seront-ils versés pour qu'elles puissent, si elles le souhaitent, atteindre une certaine autonomie dans le domaine de la gestion des déchets ? Combien d'entre elles feront-elles cet effort ? Autant de questions qui se posent constamment et qui placent la presse et les médias face à leurs responsabilités dans l'objectif de soutenir les initiatives locales.
Comme première étape, il demeure nécessaire de tirer les leçons de cette crise des déchets qui a constitué un échec cuisant autant pour le gouvernement (qui s'est retrouvé avec un nouveau plan d'urgence ne couvrant qu'une partie du Liban, au lieu du plan durable qu'il promettait à la population) que pour la société civile dans ses multiples composantes, qui n'a pas su avancer des propositions constructives et réalisables – se cantonnant, le plus souvent, dans un négativisme obstructionniste – et qui n'a pas su aussi faire valoir les valeurs fondamentales qu'elle se proposait de défendre.
Mais au-delà des échecs et des perspectives offertes par les nouvelles solutions centralisées (notamment les incinérateurs), le progrès dans la gestion locale des déchets reste un combat de longue haleine, mené par des soldats souvent inconnus et méconnus. C'est à eux que revient le mérite de changer les mentalités, de faire un pas de géant vers l'avenir.
De fait, le problème des déchets n'est pas qu'un casse-tête au Liban (même s'il a été mêlé, dans ce pays, aux différentes failles du système). Il représente en quelque sorte l'un des grands problèmes « culturels » de notre temps, si l'on peut s'exprimer ainsi. Ce que le gouvernement a souvent négligé, et qu'il est de notre devoir de mettre en évidence dans ces colonnes, c'est que ce problème-là est l'affaire de tous. Il doit être réglé de manière rationnelle et sereine, loin des surenchères et de l'effervescence qui ont régné jusque-là.
Ce Spécial présente un historique de la crise des déchets ainsi que l'impact de cette crise au plan de la santé, avant d'exposer des expériences pilotes mises en chantier dans ce domaine ainsi que les deux programmes lancés par l'Union européenne au bénéfice des régions périphériques. Il marque dans ce cadre le coup d'envoi d'une série d'articles et de reportages, étalés dans le temps et portant sur des projets privés ou municipaux, qui seront mis en relief dans la mesure où ils constitueront des solutions possibles et innovantes, adaptées aux besoins des communautés locales, dans le respect des normes universellement reconnues de l'environnement.
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LA LIBRE EXPRESSION
18 h 55, le 12 avril 2016