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Moyen Orient et Monde - Focus

« La guerre en Syrie viole l’ensemble du droit international humanitaire »

Face à une situation catastrophique, les ONG sont en première ligne. Demandées, critiquées, elles deviennent aussi des cibles de choix.

Un jeune réfugié syrien fouille dans les poubelles à Gaziantep, en Turquie. Bulent Kilic/AFP

Le conflit syrien autorise aujourd'hui assez peu de certitudes. Qui bombarde qui ? Quels sont les alliés et les ennemis ? Comment régler cette guerre qui dure depuis près de cinq ans ? On en débat, on en parle, on se dispute à grands coups de chiffres et d'experts et puis... le temps passe. De ces diatribes éloquentes il ne reste souvent qu'un maigre vœu pieux, celui d'anéantir l'organisation État islamique (EI). Mais dans le contexte des négociations pour un cessez-le-feu, en vue d'une reprise des discussions à Genève, un autre vœu revient sur le devant de la scène : répondre à la catastrophe humanitaire syrienne. La catastrophe est double. Il y a les populations déplacées, déjà massivement présentes en Jordanie, au Liban et en Turquie, qui affluent vers l'Europe. Et puis il y a la catastrophe interne. 260 000 morts depuis le début du conflit, 500 000 habitants assiégés, des dizaines de milliers d'autres massés dans des camps le long de la frontière turque...

Longtemps délaissé par la communauté internationale (moins concernée), le volet humanitaire du dossier syrien a ressurgi dans le débat au cours de la Conférence de Munich, le 12 février dernier. L'objectif déclaré était d'acheminer davantage de nourriture, d'eau et de matériel sanitaire vers les populations civiles. Contactée par L'Orient-le Jour, la porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Moyen-Orient, Dibeh Fakhr, confirme ces besoins pressants : « La situation est catastrophique et, pire encore, elle se détériore. Les services d'accès à l'eau ne fonctionnent plus dans la province d'Alep, nous manquons de tout. La situation est très grave. »
Toutes les grandes ONG internationales vont dans ce sens. Dans un communiqué, Médecins sans frontières (MSF) affirme que « l'obligation de protéger les civils contre les violences de guerre n'est pas respectée ». De son côté, Amnesty International affirme que « la situation des civils est désespérée. Ils sont coincés entre les frappes aériennes et des conditions humanitaires désastreuses ».

La situation empire, certes. Mais il faut aussi voir dans l'empressement récent des puissances occidentales à aider les populations civiles syriennes un aveu d'impuissance politique. Pour Philippe Ryfman, chercheur en sciences politiques à la Sorbonne à Paris et expert de la question humanitaire : « Plus les pays impliqués mettent en avant les besoins humanitaires, plus ils évitent de répondre au problème premier, qui est politique. Ils compensent. Si ça peut aider les populations civiles, c'est bien, mais à long terme ça n'arrange rien. »

(Lire aussi : Syrie : pourquoi l’accord russo-américain risque (encore) d’échouer ?)

 

Attaques délibérées contre les hôpitaux
Les associations humanitaires sont en première ligne. Pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Dans la région nord d'Alep, quand le danger est constant, que les soins sont rares et que la population souffre, le moindre centre de soins revêt une importance démesurée. C'était le cas de l'hôpital de Maarret el-Naaman, bombardé le 15 février, qui délivrait à 40 000 personnes un accès aux soins, selon MSF. Dommage collatéral ? Erreur de cible ? Non, il s'agissait de quatre roquettes tirées au même endroit avec 20 ou 30 minutes d'intervalle entre chaque tir. MSF n'hésite pas à parler « d'attaque délibérée » et pointe du doigt le régime syrien ou son allié russe. Dans une conférence donnée à Paris, Oubaïda al-Moufti, médecin syrien, déclare qu'« entre août 2012 et décembre 2015, 330 structures sanitaires en Syrie ont été détruites, incluant 177 hôpitaux. Lors de ces attaques, 697 membres du personnel de santé ont été tués ».


(Lire aussi : La Russie dément avoir bombardé des hôpitaux dans le nord de la Syrie)


Quand la journée n'est rythmée que par les bombes qui tuent ici ou là, quand les rues de ces villes deux fois millénaires crient division, et qu'un néant institutionnel semble établi, un centre de soins neutre et indépendant devient vite une cible. L'exemple de Maarret el-Naaman est flagrant. Il montre l'importance stratégique des centres de santé. Le détruire, c'est forcer l'ensemble des populations avoisinantes à fuir. C'est ce que soutient MSF : « Une proportion inquiétante d'attaques touchant des infrastructures médicales et leur personnel semble faire suite à une stratégie militaire connue sous le nom "d'attaques à double impact" qui consistent à maximiser le nombre de victimes en ciblant les services de secours, y compris les intervenants médicaux. »

Pour Dibeh Fakhr, « la guerre en Syrie viole l'ensemble du droit international humanitaire. Tous les acteurs l'enfreignent ici ou là. Un hôpital ne peut être pris comme cible militaire ». Les critiques envers le régime de Damas et son allié russe se sont multipliées sur ce sujet. En réponse, l'ambassadeur du régime aux Nations unies, Bachar el-Jaafari a accusé MSF de travailler pour les services de renseignements français.
Enjeu politique pour les puissances impuissantes, enjeu militaire pour les combattants conquérants, l'action humanitaire en Syrie paie le lourd tribut de son travail depuis cinq ans. Plus que jamais, l'indépendance et la neutralité restent les gardiennes de sa crédibilité.

 

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Le conflit syrien autorise aujourd'hui assez peu de certitudes. Qui bombarde qui ? Quels sont les alliés et les ennemis ? Comment régler cette guerre qui dure depuis près de cinq ans ? On en débat, on en parle, on se dispute à grands coups de chiffres et d'experts et puis... le temps passe. De ces diatribes éloquentes il ne reste souvent qu'un maigre vœu pieux, celui d'anéantir...

commentaires (3)

ET JE CONTINUE : AUXQUELLES S,EST AJOUTEE LA BARBARIE OURSIENNE !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 30, le 25 février 2016

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Commentaires (3)

  • ET JE CONTINUE : AUXQUELLES S,EST AJOUTEE LA BARBARIE OURSIENNE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 30, le 25 février 2016

  • LES BARBARIES DES DAESCH ORIGINAL ET COPIE... AUXQUELLES S,EST AJOUTE CELLE

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 36, le 24 février 2016

  • Déjà par l'envahissement d'un pays par 90 autres.

    FRIK-A-FRAK

    19 h 56, le 24 février 2016

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