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Liban - Architecture

Entre Babel et Lucullus, la tour de Lina Ghotmeh trônera au cœur de Paris

Vitrine d'une écologie urbaine et écrin d'un programme sur l'alimentation, « de la fourche à la fourchette », la tour de Babel dessinée par l'architecte libanaise Lina Ghotmeh culminera à 50 mètres dans le ciel de Paris.

Vue de la tour et de la gare Masséna. Photos DGT

Lancée en novembre 2014 par la mairie de Paris, la gigantesque opération Réinventer Paris a été considérée comme un des concours « les plus ambitieux » du moment en Europe. L'appel à « projets urbains innovants » destiné à dessiner la ville de demain sur 22 sites abandonnés avait attiré 815 candidatures du monde entier. C'est pour l'un de ces sites, la gare désaffectée de Masséna, dans le XIIIe arrondissement, qu'un jury exceptionnel d'élus, d'experts et d'académiciens (Harvard, MIT, etc.) a sélectionné le projet de l'architecte libanaise et fondatrice de l'agence DGT Lina Ghotmeh. Intitulé « Réalimenter Masséna », il propose 2 000 m2 de surface bâtie et occupera une position stratégique dans le Paris Rive Gauche, l'un des plus importants secteurs d'aménagement de la ville.


Dédiée à l'alimentation, la tour sera tout autant un régal pour les yeux. Conçue en bois et sur le mode de l'économie circulaire, elle portera 1 000 m2 d'espaces verts et une gaine de plantes grimpantes sur toute la façade. De même, 250 mètres linéaires de jardins investissent les rampes qui relient les 14 niveaux du bâtiment et ceinturent la gare attenante. Au moins 1,2 tonne de produits comestibles seront produits. Car dans ce cadre, où la poésie ne sera jamais très loin, « on va cultiver et se cultiver », explique Lina Ghotmeh dans un entretien avec L'Orient-Le Jour.


Comme le nom du projet l'indique, le programme ambitionne d'instaurer une « pratique concrète de l'écologie urbaine et l'exploration au quotidien du cycle complet de l'alimentation ». Un sujet aux enjeux majeurs pour l'avenir. « Dans moins de trois décennies, nous serons plus de 9 milliards d'individus sur terre et il faudra deux fois et demie la planète pour subvenir à nos besoins si nous continuons à ce rythme. Il est urgent de réfléchir aux moyens de se réapproprier la terre, notre source nourricière ; d'investir dans la biodiversité et de développer la résilience des systèmes agricoles », souligne l'architecte. Elle affirme que « s'il existe de nombreux instituts de recherche de par le monde qui travaillent sur ces sujets, leurs travaux restent cloisonnés et inaccessibles au grand public. Notre projet sera un lieu unique d'échanges et de débats, mais aussi une base avancée de recherches proposant au public les expériences les plus innovantes des exploitants agroalimentaires ».

 

Une première en France
Avec cette opération, Lina Ghotmeh fait coup double : concevoir un lieu à la fois innovant par ses enjeux, sa programmation et son architecture, et créer un projet ouvert à la transformation, à la mutabilité. L'ensemble, mûrement réfléchi, a mobilisé « une formidable équipe transversale de professionnels et d'institutionnels », qui s'est penchée sur tous les aspects, enjeux, programme, fonctionnement, schéma économique, matériaux, impact, etc. « Il n'était plus question de mettre en forme un cahier de charges préétabli, mais d'ouvrir la forme vers l'avenir. »


« En tant qu'architecte, je voyais mon rôle gagner un sens encore plus profond et plus conséquent : porter haut l'ambition de concevoir le bâtiment autrement, de manière plus responsable et durable. Son habillage en bois et le réemploi de plus de 80 % des déchets du chantier affirment notre démarche durable. Bio-sourcé en France, le bois permet de réduire considérablement les émissions de carbone. Jusqu'à ce jour, il n'existe pas en France de projet de tour construite en matériau bois regroupant les différentes activités que nous proposons », affirme-t-elle.

 

Black Box
Les plans prévoient un marché offrant un rapport direct avec les producteurs ; des ateliers pédagogiques, et une cantine interactive où l'on cuisine selon un concept destiné à lutter contre le gaspillage alimentaire et la malbouffe.
Il y a aussi cette Black Box où sont abordés et diffusés les débats des spécialistes de l'agriculture et économistes de l'alimentation, mais où l'on peut aussi aller vers du plus léger, vers un véritable entertainment : la Black Box est appelée à devenir un lieu de divertissement pour les habitants du quartier. La tour abritera également des logements pour chefs cuisiniers, artistes, chercheurs, etc. De même, un espace à ciel ouvert sera consacré à une galerie street art. Dans la gare attenante, s'installe la Ruche Lab, ou La ruche-qui-dit-oui, une plateforme qui connecte les producteurs et les agriculteurs et vise à rapprocher ces derniers des consommateurs, tout en donnant accès à une alimentation de qualité. La Ruche associe la tendance des circuits courts et celle de l'économie collaborative.
Il ne reste plus qu'à construire... La livraison du chantier est prévue pour 2019. En attendant, les projets sélectionnés sont exposés au Pavillon de l'Arsenal, 21 boulevard Morland, Paris 4e, jusqu'au 8 mai.

Architecte visionnaire


Après un parcours entre Beyrouth, Paris et Londres, et une collaboration avec les Ateliers Jean Nouvel, Lina Ghotmeh lance en 2006, à Paris, son agence DGT fondée en association avec l'Italien Dan Dorell et le Japonais Tsuyoshi Tane. Ce trio gagnant d'architectes a remporté le concours international de la construction du Musée national d'Estonie, qui sera inauguré en septembre prochain.
Lina Ghotmeh est lauréate du prix Najap 2007-2008, décerné par le ministère français de la Culture et de la Communication, du prix de la Ressegna Lombardia di Archittettura 2008 et du Red Dot Award. En 2010, elle est sélectionnée par la European Architects Review dans sa liste des « 10 architectes visionnaires pour la nouvelle décennie ». Lina Ghotmeh, qui travaille l'architecture sous toutes ses formes (installations et scénographies), donne des conférences dans diverses institutions comme la Royal Academy of Arts à Londres ou la Columbia University à New York.

 

 

L'équipe et les exploitants de « Réalimenter Masséna »
Conception architecture : Lina Ghotmeh (DGT).
Investissement et promotion : Hertel.
Exploitation et coprogrammation : Alimentation générale / Polychrone / Engie Ineo / AgroParisTech / La Ruche-qui-dit-oui / Sous Les Fraises / galerie Magda Danysz / NQ13.
Consultants : Bollinger+Grohmann / Élan / Apex / Lasa / Artelia / Virgil / Adc.

 

 


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