Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Héritage d’émotions libanaises stéréotypées ?

La culture et le patrimoine du pays du Cèdre célébrés dans la capitale française après une première présentation à la Beirut Art Fair.

« Beirut vs Layal H. » par David Hury, in « The Beirut Book » (éd. Tamyras, 2014) / « Beyrouth, avant de casser tes vieilles bâtisses, vérifie que mon âme n’est pas à l’intérieur. Layal H. ».

Une exposition qui fait converger quatorze artistes autour d'une préoccupation : « La célébration du Liban, son histoire, sa culture, ses traditions et aussi ses contradictions. » Un vaste programme, imaginé par un jeune commissaire d'exposition, Lara Saab, étudiante à la Paris School of Business. Avec le support de l'organisation NGO Work in Progress (qui a pour mission la reconstruction des sociétés de conflit et d'après-conflit à travers la culture et l'éducation), elle a pu réunir un corpus d'artistes autour du thème « Heritage of Emotions ». Après une première présentation à la Beirut Art Fair en septembre 2015, c'est la galerie Nikki Diana Marquardt, place des Vosges à Paris, qui accueille l'exposition collective jusqu'au 14 février.

 

Besoin d'oxygène
L'espace, immense et lumineux, promet beaucoup, mais cet avantage n'est hélas pas assez exploité, les œuvres se cantonnant les unes à la suite des autres le long des murs, laissant un vide déséquilibré au centre. Cette disposition ne met pas en valeur la diversité des travaux proposés, qui sont improprement catalogués au même niveau, privés de mise en relief. Ainsi, l'installation burlesque et sarcastique de Lara Nasser, qui donne vie à une paire de chaussures marchant inlassablement sur place, gagnerait en puissance à bénéficier d'une certaine « respiration » à ses alentours. Par ailleurs, les photographies de Gaïa Squarci, empreintes de discrètes et sensuelles narrations, sont injustement reléguées sur le mur des escaliers ou dans des coins, supprimant la possibilité d'une prise de recul. Enfin, la vidéo de Sahar Assaf perd largement en lisibilité faute de matériel sonore et visuel correctement installé...
Passé ces regrets, le visiteur peut tout de même apprécier la qualité de certaines propositions, sans pour autant oublier leur caractère plus ou moins amateur. Les compositions colorées d'Isabelle Manoukian, pour le moins surprenantes, font entrer le spectateur dans une série de portraits de Beyrouth au style plutôt kitsch. Mêlant diverses techniques, telles que gouache, aquarelle et encre noire, l'artiste joue avec le cadre de ces scènettes, hors champ graphique en contraste avec le sujet présenté. La photographe Lara Zankoul met en scène des compositions dramatiques, chorégraphiant ses modèles, nombreux, dans l'espace de l'image. Inspirée par la peinture de la Renaissance, elle construit de monumentales scènes où rythme et équilibre sont soigneusement étudiés. Dans les apparitions picturales de Clarisse Chalhoub, une fantomatique et obsédante tour de contrôle émerge à travers les couleurs et la lumière qui vibrent à la surface de la toile, scandée de régions vierges.

 

Pub touristique ?
Ces expériences plastiques, foisonnantes et inventives, sont malheureusement contextualisées dans une stérile quête de valorisation du Liban. Il semble que l'exposition, bien intentionnée, ne s'adresse en définitive qu'à une diaspora candide et aveuglément séduite par une joyeuse connivence nationale. Dommage que l'énergie soit déployée à de superficiels liens entre Occident et Orient dans les peintures de Moushegh Karavartanian. On y voit des versions masculines de l'Olympia de Manet et de la Vénus de Botticelli, grossière conception de l'histoire de l'art européenne... La série de projections de la forme géographique du Liban, dans des compositions de Khaled Saab, ressemble plus à une campagne publicitaire anecdotique qu'à une fine analyse de l'identité libanaise. De même que les citations en hommage à la ville de Beyrouth recueillies par David Hury, gravées sur des panneaux bleus comme ceux permettant d'indiquer le nom de ses rues, que l'on imaginerait volontiers dans un magasin de souvenirs... On retient ainsi de ce patchwork inégal un manque d'exigence plastique et une curation pauvre conceptuellement. Peut-être n'est-il pas pertinent, ni nécessaire (en tout cas pas si aisé), de chercher si frontalement une vérité identitaire et artistique libanaise ?

Galerie Nikki Diana Marquardt, 9 place des Vosges/10 rue de Turenne, jusqu'au 14 février.

 

 

Lire aussi
Feu d'artifice pictural en hommage à Beyrouth

Le Liban, une balade en musique

Une exposition qui fait converger quatorze artistes autour d'une préoccupation : « La célébration du Liban, son histoire, sa culture, ses traditions et aussi ses contradictions. » Un vaste programme, imaginé par un jeune commissaire d'exposition, Lara Saab, étudiante à la Paris School of Business. Avec le support de l'organisation NGO Work in Progress (qui a pour mission la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut