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Liban - Patrimoine

Au diable l’histoire et la mémoire, Adloun veut jouer la carte des loisirs

Refusant de brader le patrimoine naturel et culturel, les ministres Araiji et Machnouk ont demandé l'arrêt des travaux du port de Adloun, en attendant les résultats d'une étude d'impact éco-archéologique.

Une nécropole antique taillée dans ces rochers.

Le 14 septembre 2014, le ministère des Travaux publics et des Transports avait donné son feu vert pour l'aménagement d'un port de plaisance et de pêche à Adloun, village situé au Liban-Sud, à cinq kilomètres de Sarafand. Les travaux ont commencé la semaine dernière, suscitant une polémique.
Lieu d'une vieille colonisation humaine et un des derniers sanctuaires des tortues de mer, la côte de Adloun est composée d'une étendue de rochers percés de toutes parts de caveaux funéraires datant du Ve siècle avant l'ère chrétienne. Cette nécropole dite phénicienne a été fouillée par Renan, lequel démontra qu'elle était également en grande partie chrétienne. Dans le volume 4 du mensuel de l'Académie des inscriptions, année 1861, publié par les Presses universitaires de France, Renan relate que « les chefs métualis ayant bien voulu faire déblayer pour moi quelques caveaux connus des habitants du pays, et ornés de peintures, je me suis trouvé, non sans étonnement, au milieu des symboles de l'âge chrétien (...) Des croix et des inscriptions grecques qui se voient au-dessus de l'entrée de plusieurs caveaux qui ont exactement la même forme que ceux plus anciennement creusés (...) »


L'historien et archéologue Robert Donceel souligne dans Recherches et travaux archéologiques récents au Liban (année 1967, volume 36), que » les villages de Adloun, Saksakié et Dahr el-Zaatar sont considérés comme des « sites archéologiques importants que Roger Saidah, archéologue de la DGA, a eu l'occasion de fouiller en 1962 et 1964, mettant au jour des tombes romaines au mobilier assez modeste ». Donceel ajoute que « Adloun est connu avant tout par ses caves ou abris, des grottes de petites dimensions, importantes par leurs gisements pré-aurignaciens (moustériens tardifs, vieilles de 45 000 ans) pour la connaissance du paléolithique proche oriental ».

 

(Lire aussi : Sit-in contre la construction d'un port touristique à Adloun)

 

400 yachts et feloukas
Or l'installation du port promue par le ministère des Travaux publics et la municipalité de Adloun va grignoter une petite partie de la zone antique, relève le directeur général des Antiquités Sarkis Khoury. Il souligne qu'à la demande du ministre de la Culture Rony Araiji, une commission formée d'archéologues, de représentants du ministère des Travaux publics et de l'entrepreneur, se penche actuellement sur une étude d'impact pour évaluer les effets du projet sur le patrimoine. En fonction des résultats de l'étude, le ministère des Travaux publics pourrait être appelé à changer le plan d'aménagement afin de le rendre compatible avec la conservation des vestiges. Le rapport sera remis au ministère de la Culture et à la DGA d'ici à une semaine, ajoute encore M. Khoury.


D'autre part, vu le potentiel archéologique de la zone, il a été décidé lors d'une réunion qui a regroupé vendredi dernier le ministre des Travaux publics Ghazi Zeaïter, le ministre Araiji et la Direction générale des antiquités d'entreprendre des prospections sous-marines avant le lancement des travaux. L'opération permettra de recueillir des données archéologiques et de sauvegarder les éléments éventuellement présents sur le site où sera construit le port.


Par ailleurs, les travaux entamés par le ministère des Travaux publics sont illégaux, fait observer le ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk. S'appuyant sur la loi 2002/444 et le décret 2012/8633 qui stipulent la nécessité de préparer une étude d'impact environnemental avant la mise en œuvre de tout projet, le ministre Machnouk a demandé l'arrêt immédiat des travaux. La côte de Adloun fera l'objet d'une évaluation environnementale, afin de déterminer les incidences de l'éventuel ouvrage sur le milieu naturel.
Alors que Adloun ne compte que quinze pêcheurs, dont la plupart sont inactifs, selon les militants de l'ONG Green Southern, le projet de port de plaisance et de pêche semble devoir être imposant : il comprend neuf bassins pouvant accueillir 400 yachts et feloukas, et deux digues d'une longueur de 240 et 600 mètres de long. Il occupera une superficie d'environ 150 000 m2 dont une partie sera acquise en grignotant des milliers de mètres carrés sur la Méditerranée.
Décidément, on n'en finit plus d'ériger le bétonnage de la côte et le remblaiement de la mer en principe. Voilà le Liban...

 

Pour mémoire

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Le 14 septembre 2014, le ministère des Travaux publics et des Transports avait donné son feu vert pour l'aménagement d'un port de plaisance et de pêche à Adloun, village situé au Liban-Sud, à cinq kilomètres de Sarafand. Les travaux ont commencé la semaine dernière, suscitant une polémique.Lieu d'une vieille colonisation humaine et un des derniers sanctuaires des tortues de mer, la...

commentaires (5)

Les fossoyeurs de l'histoire du Liban ...sont capables de vendre les derniers cèdres du pays ...pour quelques dollars de plus....

M.V.

10 h 02, le 26 janvier 2016

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Commentaires (5)

  • Les fossoyeurs de l'histoire du Liban ...sont capables de vendre les derniers cèdres du pays ...pour quelques dollars de plus....

    M.V.

    10 h 02, le 26 janvier 2016

  • Le dollar....toujours le dollar....rien que le dollar....

    Tabet Karim

    09 h 02, le 26 janvier 2016

  • Tout cela finira par quelques liasses vertes au fond de quelques poches, comme d'hab.

    Christine KHALIL

    08 h 38, le 26 janvier 2016

  • "Dans le mensuel de l'Académie des inscriptions, année 1861 publié en France, Renan relate que les chefs métualis (chïïtes, quoi.) ayant bien voulu faire déblayer pour moi quelques caveaux connus par eux et ornés de peintures, je me suis trouvé, non sans étonnement, au milieu des symboles de l'âge chrétien." ! Par ailleurs, les travaux entamés par le ministère des Travaux publics sont illégaux, surtout que le ministre en question est aussi chïïte, encore cette fois-ci !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 42, le 26 janvier 2016

  • "Le bétonnage" a détruit partout les beautés naturelles de ce pays. C'est le règne de la laideur maintenant.

    Halim Abou Chacra

    06 h 27, le 26 janvier 2016

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