Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian et son homologue russe ont convenu, au cours d'une rencontre qui s'est tenue lundi à Moscou, d'une coordination militaire sur le sol syrien. Moins d'un mois après la visite du chef de l'État français François Hollande en Russie, les deux pays ont ainsi prévu d'intensifier les échanges d'informations militaires, notamment celles qui se rapportent à la présence des combattants étrangers en Syrie. Réaffirmant leur objectif commun d'éradiquer l'EI, ils ont franchi un pas concret dans la relance d'une coordination amorcée par la rencontre de François Hollande et son homologue russe Vladimir Poutine le 26 novembre dernier. Igor Delanoë, directeur adjoint de l'Observatoire franco-russe, expert des questions stratégiques russes et chercheur associé au Harvard Ukrainian Research Institute à l'université de Harvard et au Center for International and European Studies à l'Université Kadir Has d'Istanbul, analyse le contenu de cette réunion.
Cette visite était-elle programmée dans le prolongement de celle qui s'est déroulée le mois dernier ou s'est-elle imposée à la suite des récentes évolutions sur le terrain en Syrie ?
J'ai plutôt l'impression qu'il y a une forme de continuité dans la mesure où la visite à Moscou du président français a impulsé une dynamique de coopération militaire franco-russe à travers la question syrienne. C'est un tournant majeur, puisque cette coopération était gelée depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014. Il est vrai que le rapport de force a évolué sur le terrain et que la situation s'est améliorée un peu plus en faveur des alliés de la Russie, mais je pense que cette visite était programmée et qu'elle serait intervenue indépendamment de la transformation de la donne sur le terrain. Rappelons que François Hollande après les attentats de Paris avait relancé le projet de formation d'une coalition unique, proposée par Vladimir Poutine le 28 septembre dernier à l'Assemblée générale des Nations unies, mais ce projet s'est heurté au principe de réalité. Il était difficile de réunir au sein de la même coalition les États-Unis et la Russie, et improbable de parvenir à rassembler l'Iran et Arabie saoudite, membre de la coalition occidentale en Syrie, bien que ces deux derniers pays ne participent pas effectivement aux frappes. En plaçant la barre très haut, l'objectif recherché était celui de la mise en place d'une coordination a minima réelle et réaliste.
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La France et la Russie auraient prévu de « renforcer les échanges de renseignements » sur les combattants présents sur le sol syrien. Cette mesure concerne-t-elle exclusivement les combattants de l'EI ou risque-t-elle à s'étendre à d'autres groupes ?
Cela ne ressort pas très clairement. Je pense que la coopération qui va s'intensifier porte essentiellement sur les combattants francophones et russophones de l'EI. Il semble que le russe soit la deuxième langue officielle du groupe, et les combattants russophones constituent le 3e contingent de l'organisation. La coordination est donc arrêtée en ce qui concerne l'EI. En revanche, ce serait plus problématique si elle devait s'étendre à d'autres groupes, puisque certains, identifiés comme terroristes par Moscou, sont tout à fait fréquentables pour Paris. Il faut voir si cette coordination va s'articuler sur le processus international visant à établir une liste des organisations acceptables qui feront partie de la transition politique en Syrie. On note cependant que lundi, Russes et Français ne sont a priori pas parvenus à se mettre d'accord sur les cibles à bombarder.
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Cette coordination militaire peut-elle résoudre le principal problème de l'absence de cible identifiée de l'EI qui compromet l'efficacité d'une campagne aérienne ?
Il faut préciser qu'il n'y a pas beaucoup de communication autour de cette rencontre, du moins dans la presse russe qui rapporte l'événement de façon laconique. Mais on sait que la coopération sera pilotée par les organes de renseignements militaires des deux États. La question de la désignation des cibles relève du renseignement opérationnel. On a constaté avec la coopération américaine que le renseignement au sol a son importance et les troupes déployées du côté du Kurdistan syrien sont notamment affectées à cette tâche. Le problème qui se pose dans le cadre de la coordination franco-russe est que les services de renseignements russes collaborent avec le renseignement iranien et le régime syrien, donc toute la difficulté consistera à compartimenter et faire le tri dans les informations reçues.
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commentaires (4)
Ne jamais oublier ...dans l'histoire de notre pays qu' avant la dernière guerre mondiale... ... c'est grâce( ou a cause) de la prise d'Odessa par les marxo/socialistes soviets ...que Beyrouth est devenu Beyrouth internationale ...! et a atteint en quelques années , sa stature de place financière et commerciale au M.O....!actuellement... la "nouvelle " géostratégie de la Russie nous indique....de nouveaux repères ...seront nous assez mature , pour en bénéficier...?? enfin pas immédiatement ...car la bananeraie sans banane ... est très occupée par l'exportation des ordures ...
M.V.
13 h 19, le 23 décembre 2015