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Moyen Orient et Monde - Disparus syriens

« Vous au Liban, vous savez ce que c’est, ce genre d’enlèvements par le régime »

Amnesty International sort aujourd'hui un rapport sur les disparitions forcées perpétrées par le pouvoir syrien au cours des quatre dernières années.

La prison de Palmyre, symbole de la répression du régime syrien depuis les années 80, a été détruite en mai 2015 par le groupe État islamique. Archives AFP

La guerre syrienne est celle de toutes les horreurs. La récente vidéo montrant des civils, probablement des alaouites, enfermés dans des cages et utilisés comme des boucliers humains, par le groupe le plus puissant de la banlieue de Damas, Jaych-al islam, en est une nouvelle preuve. Des exactions d'une violence totalement débridée se poursuivent dans les deux camps et reçoivent un traitement médiatique qui, s'il peut être inégal, n'en reste pas moins important. Les victimes de cette double répression sont identifiables. Il est possible de connaître leurs noms, leurs visages mais aussi la date et les conditions de leurs décès. C'en est tout autrement pour « les grands oubliés » de cette tragédie qu'est la guerre syrienne : les disparus. Comme s'ils étaient des fantômes, personne ne sait vraiment combien ils sont, pourquoi ils ont été arrêtés et s'ils sont, ou non, encore vivants.

L'ONG Amnesty International sort aujourd'hui un rapport sur les disparitions forcées en Syrie intitulé Entre la prison et la tombe.
« Les disparitions forcées commises par le gouvernement font partie d'une attaque généralisée et froidement calculée, menée contre la population civile. Il s'agit de crimes contre l'humanité qui s'intègrent dans une campagne soigneusement orchestrée destinée à semer la terreur et à écraser le moindre signe de dissidence à travers le pays », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty International. Ce sujet a d'ailleurs fait l'objet du film documentaire, Disparus, la guerre invisible en Syrie, de Sophie Nivelle-Cardinale et Étienne Huver, diffusé mardi dernier sur Arte.

Le phénomène n'est pas nouveau puisqu'il est avéré que depuis la prise de pouvoir de Hafez el-Assad, des dizaines de milliers de personnes sont portées disparues, et ce parfois sans aucune raison légale. Depuis le début de la guerre civile en 2011, cette pratique a considérablement augmenté.
Selon Amnesty, par le biais du réseau syrien des droits de l'homme, plus de 65 000 personnes, dont près de 58 000 civils, ont été répertoriés comme toujours portées disparus, entre 2011 et 2015. » Nous estimons qu'ils sont bien plus nombreux «, affirme Nicolette Boehland, chercheuse sur la Syrie, pour Amnesty, contactée par L'Orient-Le Jour. « Beaucoup de familles craignent de témoigner ou de déclarer disparus l'un de leurs membres, de peur de représailles. 71 parents, amis ou collègues de personnes disparues ont été contactées par l'ONG, ainsi que 8 personnes détenues par le régime mais libérées depuis », poursuit la chercheuse.

(Pour mémoire : "J'ai vu des policiers violer des enfants devant leurs parents" : des transfuges syriens témoignent)

 

Graciés le jour du Fitr
L'un d'entre eux, Hussein Ghrer, a été libéré à l'occasion de la fête musulmane du Fitr, le 17 juillet dernier, après trois ans de détention bénéficiant d'une amnistie de la part du gouvernement. Quelques semaines plus tard, il gagne la Turquie où il réside actuellement. « J'appelle toutes les personnes qui ont subi une disparition forcée ou leurs proches à témoigner. Il ne faut pas passer cela sous silence, sinon la communauté internationale ne peut pas agir », explique le militant contacté par L'Orient-Le Jour.
Hussein Ghrer avait été emprisonné en février 2012 avec deux de ses compagnons, le journaliste et militant de renom Mazen Darwiche et Hani Zaitani. Blogueur et employé au Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression, Hussein Ghrer a été accusé de « propagation du terrorisme ». « Une partie de notre travail consistait à répertorier les agressions contre les journalistes », affirme-t-il. En février 2012, des dizaines de moukhabarat armés ont encerclé les locaux et ont procédé à des arrestations. « Neuf hommes et 6 femmes ont été emmenées dans un centre d'interrogatoire. Ils nous ont demandé avec quelles organisations internationales nous coopérions », poursuit-il. Il est ensuite emprisonné dans le centre de détention de Adra, au nord-est de Damas. S'ensuivent des coups quotidiens et des privations de nourriture, dans une cellule de 2 mètres carrés partagée avec 5 autres codétenus. Sa famille n'a pu avoir de ses nouvelles qu'après 6 mois, par le biais d'un ami.

Un business juteux
Obtenir des informations sur un proche disparu est un risque indéniable pour ces familles qui risquent d'être arrêtées ou soumises elles-mêmes à une disparition forcée. C'est ainsi qu'un marché noir de l'information s'est peu à peu mis en place. Des individus exploitent la détresse des proches afin de leur soutirer de l'argent pour la moindre information, selon le rapport d'Amnesty. Toujours selon ce document, des familles ont cédé toutes leurs économies ou vendu leurs biens immobiliers pour payer des dessous-de-table afin de savoir ce qu'il était advenu de leurs proches disparus – parfois en échange de fausses informations. Un homme dont les trois frères ont disparu en 2012 a dit à Amnesty International qu'il a emprunté plus de 150 000 dollars pour tenter de savoir, en vain, où ses frères se trouvaient. Il est actuellement en Turquie où il travaille pour rembourser ses dettes. « Des négociateurs ou intermédiaires rackettent des familles désespérées, et le nombre impressionnant de disparus n'a fait qu'accroître ce phénomène de marché noir. Toutes ces personnes sont en lien direct avec des membres du gouvernement. Ce sont des militaires, ou des chefs de communautés », explique Mme Boehland. Un avocat de Damas a notamment dit à Amnesty International que ce système constitue « une poule aux œufs d'or pour le régime (...) une source de financement sur laquelle il s'est mis à compter ».

Sans nouvelles
Si certains réchappent des geôles du régime, ou sont graciés, comme le blogueur Hussein Ghrer, d'autres n'ont toujours pas montré le moindre signe de vie. C'est le cas de la famille Yassine. En 2009, celle-ci décide de quitter Riyad, en Arabie saoudite, où elle résidait depuis plusieurs années, pour revenir en Syrie. « Ma sœur, Rania, qui est dentiste, y a ouvert sa clinique. Tout se passait bien. Personne ne s'attendait à ce qui allait se passer », confie sa sœur Naila al-Abbassi, qui réside toujours à Riyad. Le 9 mars 2013, les moukhabarat arrêtent le mari de Rania. La maison est vidée le lendemain de tous ses biens. Le 11 mars, c'est au tour de la femme et de ses 6 enfants, dont un à peine âgé d'un an et demi, d'être incarcérés. Depuis ce jour, la famille est sans nouvelles. « Vous savez, en Syrie, il n'y a pas de mandat d'arrêt. On vous arrête par décision militaire, il n'y a pas véritablement de justice. Tout le monde sait ce que veut dire être détenu en Syrie. On ne connaît ni la raison ni même où ils se trouvent », poursuit Mme al-Abbassi.

Une famille supposément sans problèmes et n'en cherchant aucun. « Elle n'avait pas le temps ! Imaginez-vous bien, avec six enfants et une clinique dentaire à gérer. Comment aurait-elle pu participer à une quelconque manifestation anti-régime ? », déplore la sœur. Et de poursuivre : « Si ma sœur s'était sentie en danger, elle aurait pu s'enfuir pour retrouver ses proches en Arabie saoudite, après que son mari ait été capturé ».
« Vous au Liban, vous savez ce que c'est, ce genre d'enlèvements par le régime », ironise-t-elle. (Pendant l'occupation syrienne au Liban, de nombreuses personnes ont été enlevés par Damas).

Le reste de la famille se trouvant en Syrie n'a pas osé demander la moindre explication. « Mais moi, je suis loin », s'explique Naila Alabbasi sur le fait de témoigner auprès d'Amnesty et des médias qui la sollicitent, « et d'ailleurs, qu'est-ce qui peut m'arriver de pire que cela ? ».

 

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commentaires (8)

Cauchemardesques et horribles ces "narrations" à vous faire croire qu'il s'agit d'un film d'horreur mis en scène et produit par tous les dictateurs du Monde, ceux qui ont marqué l'histoire par leurs crimes contre l'humanité et ceux qui émergent et sont en train de suivre l'exemple de leurs prédécesseurs! Peut être le fanatisme religieux est une des causes de l'injustice qui est commise au nom de Dieu, mais la misère, l'analphabétisme, l'ignorance et la faim, donnent à ces brigands qui se partagent le pouvoir dans la région du Moyen Orient, toutes les libertés de massacrer des peuples victimes de leurs sales et si dégoûtantes ambitions. Ce que ces pauvres gens endurent est incroyable mais malheureusement vrai. La lecture de toutes ces atrocité donne la chair de poule.

Zaarour Beatriz

13 h 57, le 06 novembre 2015

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Commentaires (8)

  • Cauchemardesques et horribles ces "narrations" à vous faire croire qu'il s'agit d'un film d'horreur mis en scène et produit par tous les dictateurs du Monde, ceux qui ont marqué l'histoire par leurs crimes contre l'humanité et ceux qui émergent et sont en train de suivre l'exemple de leurs prédécesseurs! Peut être le fanatisme religieux est une des causes de l'injustice qui est commise au nom de Dieu, mais la misère, l'analphabétisme, l'ignorance et la faim, donnent à ces brigands qui se partagent le pouvoir dans la région du Moyen Orient, toutes les libertés de massacrer des peuples victimes de leurs sales et si dégoûtantes ambitions. Ce que ces pauvres gens endurent est incroyable mais malheureusement vrai. La lecture de toutes ces atrocité donne la chair de poule.

    Zaarour Beatriz

    13 h 57, le 06 novembre 2015

  • On oublie de citer Staline et les régimes communistes !!!! De 1920 à 1989 , Staline et le communisme ont exécuté ou fait périr 50 millions d'êtres humains dans des conditions souvent horribles. Impunément Staline / Hitler même modèle de parcours de criminels impunis.

    FAKHOURI

    20 h 31, le 05 novembre 2015

  • certains comparent un peuple libre et digne a des prisons de certains pays ?!?! allez comprendre pq alors que le pb est bien les ENLEVEMENTS ..

    Bery tus

    15 h 52, le 05 novembre 2015

  • Et dire que des milliers de pauvres chiites libanais vont se faire tuer en Syrie pour défendre le régime des ASSAD qui entre temps n'a jamais reconnu le Liban comme pays indépendant et souverain. Ah oui j'ai oublié, ce sont des résistants qui meurent en martyr pour défendre le territoire libanais contre une invasion israélienne.

    Achkar Carlos

    14 h 59, le 05 novembre 2015

  • Lors de notre guerre "à nous". L'ONG Amnesty International ne se manifestait pas avec autant de vigueur..Nous avons eu des réfugiés, simplement à l’intérieur du territoire. Proportionnellement les disparus chez nous ont été plus nombreux, d'autant qu'il était hors de question de demander une explication aux occupants syriens..Et il me semble que nous avons montré un peu plus de dignité face aux événements.

    C…

    14 h 13, le 05 novembre 2015

  • Il ne suffit pas de montrer l'horreur pour se rendre compte qu'elle existe . Ouvrons les prisons bahreinis , bensaoudos , israeliennes et toutes celles ou les pays incrimines sont allies des us/sionises/bensaoudiques et faisons un juste compte des horreurs . Avant de soffusquer hypocritement avec des larmes d'alligators .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 39, le 05 novembre 2015

  • la SYRIE des assad ,sur le podium de l horreur avec la coree du nord des kim et le cambodge de pol pot...

    HABIBI FRANCAIS

    10 h 00, le 05 novembre 2015

  • Peut-il y avoir un régime plus monstrueux en matière de crimes contre l'humanité ? Et dire que c'est un tel régime que l'Iran, le Hezbollah et la Russie tiennent à sauver !

    Halim Abou Chacra

    05 h 33, le 05 novembre 2015

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