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Liban - Ouvrage

La psychiatrie au Liban, ou les « ratés » du cerveau humain

Le docteur Sami Richa entouré du père Scheuer, du Dr Akl (à gauche) et de M. Moukarzel (à droite).

« Balade au sein du cerveau humain à travers les maladies mentales ». C'est par cette phrase sommaire qu'est décrit l'ouvrage du Dr Sami Richa, chef du service de psychiatrie à l'Hôtel-Dieu, intitulé La psychiatrie au Liban, une histoire et un regard.
Publié aux éditions Dergham, l'ouvrage – une véritable anthologie de la maladie mentale et de son cadre institutionnel – raconte un « regard », celui de l'auteur, sur la souffrance engendrée par la pathologie, mais aussi sur celle que génère « le regard » de l'autre, pesant, stigmatisant et discriminateur. Est également décrypté le regard démissionnaire que jette l'État sur les malades mentaux, rechignant à « mettre en place une politique nationale de santé mentale » et à reconnaître « le droit de l'accès aux soins ».

C'est ce que relève pertinemment le père Michel Scheuer, directeur du Centre universitaire d'éthique de l'USJ et vice-recteur de l'USJ, en présentant l'ouvrage du Dr Sami Richa au Salon du livre francophone.
À travers un parcours historique de la psychiatrie au Liban, qualifié par le docteur Adel Akl de « radioscopie d'une certaine période de la psychiatrie », l'auteur dénonce les graves lacunes qui frappent encore la psychiatrie dans ce pays et stigmatise « une médecine à deux vitesses », sans toutefois cacher le caractère extrêmement développé de la pratique psychiatrique au Liban, comme le note encore le père Scheuer.

À travers les coulisses du monde psychiatrique et ses tribulations, le Dr Richa nous livre sa perception des souffrances rencontrées dans l'exercice de sa profession : la maladie mentale, la schizophrénie, le handicap, l'homosexualité et la drogue, toujours à travers le prisme de l'éthique, qui constitue « le fil conducteur de l'ouvrage ».
D'ailleurs, comment aurait-il pu en être autrement ? Altruiste, qui a su merveilleusement allier son humanisme à la médecine et son érudition à la science pour se pencher sur ce qu'il y a de plus troublant dans la nature humaine, l'auteur annonce en ces termes son intention dès la première page de l'ouvrage : « C'est le plus beau métier du monde dont j'essaye de mettre par écrit certaines de ses arcanes dans les pages qui viennent. J'ai décidé d'écrire pour ne pas oublier ces moments intenses où vous êtes plongé dans les histoires de femmes et d'hommes souffrant jusqu'à la lie... »

 

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L'auteur entraîne ses lecteurs dans les confidences douloureuses de certains de ses patients ou leurs proches, comme par exemple « ce jeune homme souffrant de trouble bipolaire, dont la femme vient d'accoucher d'un garçon et dont le père me questionnait : "Comment va-t-il cohabiter avec son fils, ne risque-t-il pas de le tuer ?" » Ou encore ce père « à la fois polygame, infidèle, zoophile et même nécrophile qui me dit à la fin de l'entretien : mais moi, au moins, "je ne suis pas homosexuel comme mon fils" ».
Et pourtant, dit Joe Moukarzel, doyen de la faculté d'information et de communication de l'Université antonine, en le citant : « L'auteur s'insurge : "Les malades souffrant d'un trouble mental n'ont rien fait, rien demandé pour que s'abattent les signes graves d'une maladie. Pour eux, pour leurs familles, en plus de l'acharnement du sort et du poids de la maladie, c'est l'imaginaire collectif qu'il va falloir combattre ainsi que son terme présupposé "la folie", qui de nos jours n'a plus aucun sens". »
M. Moukarzel ne peut s'empêcher de constater que « les "fous" les plus dangereux ne sont sûrement pas ceux qui sont au sein de l'asile ». Avant d'ajouter : « Par son livre, le Dr Richa nous offre cette occasion d'accéder à une sorte de sagesse qui nous donne la possibilité de nous sentir plus lucides dans un monde d'aliénés. »

« Unique dans son genre », note encore l'intervenant, ce livre fait à la foi œuvre de documentaire, de travail académique, de témoignage et de reconnaissance envers les pionniers, les maîtres à penser, « mais aussi d'une reconnaissance tendre envers ceux qu'il a soignés et avec qui "on forge une liaison si forte que l'on devient médecin, compère, confident, confesseur, presque parent du patient qui se réfugie chez nous" », poursuit M. Moukarzel en reprenant les propos de l'auteur.
Foisonnant « d'histoires souvent humoristiques, parfois dramatiques, mais continûment passionnantes », l'ouvrage, à l'aspect romancé, n'en recèle pas moins des données quantitatives et qualitatives sur les patients, leurs pathologies, le plaçant en même temps dans le contexte littéraire et celui de la recherche scientifique.
« Bref, un livre qui ne laisse personne indifférent puisqu'il traite des "ratés" du cerveau humain », conclut M. Moukarzel.

 

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