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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Attentat en Turquie : quatre suspects, un responsable

Avec un bilan d'au moins 95 morts et 507 blessés, l'attentat qui a frappé samedi Ankara est le plus meurtrier de l'histoire de la Turquie. En visant une manifestation pour la paix, organisée par des syndicats de gauche et le Parti démocratique des peuples (HDP), les deux fortes explosions avaient un objectif assez clair : accentuer le climat de tension, de peur et d'insécurité qui règne en Turquie depuis l'attentat de Suruç du 20 juillet dernier.

Si l'attaque n'a toujours pas été revendiquée, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a cité trois mouvements susceptibles d'en être l'auteur : l'organisation État islamique (EI), le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et le Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C).

Longtemps accusée d'entretenir des relations ambiguës avec l'EI, la Turquie avait clarifié sa position à l'égard de l'organisation jihadiste en menant des frappes aériennes contre ses positions, au lendemain de l'attentat de Suruç, attribué par le gouvernement à l'EI. Un revirement susceptible de justifier les représailles des jihadistes qui disposent, d'après les experts, de nombreuses cellules dormantes en Turquie. La similitude entre l'attentat d'Ankara et celui de Suruç fait de l'EI un suspect crédible, d'autant que l'organisation, qui connaît parfaitement les sociétés qu'elle frappe, sait comment semer le chaos en fonction du contexte politique de chaque pays. Interrogé par l'AFP, Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), considère que « rien n'est impossible, mais je ne crois pas que ce soit aujourd'hui dans leur agenda de cibler des attentats en Turquie même ».


(Reportage : Des cadavres, de la colère et des larmes près de la gare d'Ankara)


Alors que le gouvernement d'Ankara est en guerre ouverte contre le PKK depuis juillet dernier, les médias favorables au régime ont pointé du doigt le groupe kurde et accusé Selahattin Demirtas, le leader du HDP, vitrine légale du PKK, de vouloir « tirer profit des morts » avant les élections législatives de novembre. Mais compte tenu de la cible visée, il semble peu probable que le PKK ait orchestré ces attentats. D'autant qu'il a déclaré samedi la suspension de ses activités jusqu'aux élections du 1er novembre, sauf en cas de légitime défense. « En ce qui concerne le PKK, c'est assez absurde, c'est une réaction pavlovienne des autorités turques (...) Ce ne sont pas les modalités opératoires du PKK, qui a mené des actes terroristes, mais plutôt ciblés sur des policiers, des membres de l'armée et quasiment jamais sur des civils au milieu d'une foule », prokurde qui plus est, estime pour sa part M. Billion.

À l'instar du PKK, le DHKP-C n'a jamais visé de foules et a toujours cherché en priorité à toucher des symboles du capitalisme ou de l'État turc, ainsi que des intérêts étrangers, souvent américains. Il n'est donc pas très crédible de considérer qu'il puisse être l'auteur des attentats de samedi.

(Pour mémoire : La Turquie, en proie à de nouvelles violences, s'apprête à retourner aux urnes)

 

Prudence

Reste un suspect, non évoqué par M. Davutoglu, mais jugé crédible par plusieurs experts : le gouvernement lui-même. Le chef de file du HDP Selahattin Demirtas a mis en cause dès samedi un « État mafia » et « un État dont la mentalité le pousse à agir comme un tueur en série ». Pour M. Billion, « il y aurait une logique politique » à ce que « l'État profond, composé de quelques cellules clandestines, cachées dans les rouages de l'appareil d'État, notamment au sein de l'armée mais aussi de la police, et dont on sait qu'il a pu commettre des attentats, des opérations de déstabilisation (...) de façon à tenter de ressouder les rangs autour du pouvoir en place », soit derrière l'attentat d'Ankara. Même son de cloche pour Samim Akgonul, chercheur au CNRS et enseignant au département d'études turques à l'Université de Strasbourg, interrogé par RTL, qui considère qu'il « serait impossible, quasiment impossible de perpétrer un tel attentat à un kilomètre du ministère de l'Intérieur, à trois kilomètres de la présidence de la République sans qu'il y ait une implication directe ou indirecte de ce qu'on appelle "l'État profond" en Turquie ».

Cette hypothèse doit toutefois être envisagée avec beaucoup de prudence, d'autant plus qu'il n'est pas certain que le Parti de la justice et du développement (AKP), du président Erdogan, profite électoralement de ces attentats. Pour l'instant, les instituts de sondage le créditent de 38 à 40 % des voix, un peu moins que les 41 % qu'il avait obtenus en juin dernier.

Hier, la foule a largement conspué M. Erdogan et son gouvernement, accusés de ne pas avoir, délibérément, assuré la sécurité du rassemblement prévu samedi. « Erdogan meurtrier », « l'État rendra des comptes », ont-ils scandé, encerclée par les forces de l'ordre. Il faut dire qu'après la tentative de « présidentialiser » le régime, la relance de la guerre ouverte contre le PKK, la stratégie ambivalente en Syrie, la censure de la presse, la bataille contre son ancien allié Fethullah Gülen, M. Erdogan, dont le pouvoir est de plus en plus autocratique, apparaît comme le principal responsable de ces attentats. Et cela, quels qu'en soient les commanditaires...


Pour mémoire
Quand un ministre turc "souhaite mourir en martyr

Et si le chef historique du PKK avait la solution ?

 

« Pousser la Turquie à la guerre civile turco-kurde, c'est pousser le pays à la catastrophe »

 

 

Avec un bilan d'au moins 95 morts et 507 blessés, l'attentat qui a frappé samedi Ankara est le plus meurtrier de l'histoire de la Turquie. En visant une manifestation pour la paix, organisée par des syndicats de gauche et le Parti démocratique des peuples (HDP), les deux fortes explosions avaient un objectif assez clair : accentuer le climat de tension, de peur et d'insécurité qui règne...

commentaires (4)

double jeu, voire triple, Erdogan a récolté le fruit de ses actes incohérents qui ont permis de se maintenir au pouvoir

FAKHOURI

00 h 20, le 13 octobre 2015

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Commentaires (4)

  • double jeu, voire triple, Erdogan a récolté le fruit de ses actes incohérents qui ont permis de se maintenir au pouvoir

    FAKHOURI

    00 h 20, le 13 octobre 2015

  • Devons nous comprendre ...que le nouvel empire ottoman d'Erdogan se fissure....où Est-ce déjà une réalité validée ...?

    M.V.

    13 h 28, le 12 octobre 2015

  • ERDOGAN n est pas idiot....il ne fait que suivre le bon exemple de son homologue syrien a qui tout reussit...assassinats perpetres par les propres services de renseignement ....et dire ensuite...".c est moi avec les pleins pouvoirs ou le chaos"

    HABIBI FRANCAIS

    13 h 06, le 12 octobre 2015

  • CLAP CLAP CLAP !!1 Excellente analyse Mr Samrani . Il est imposible que l'etat turc erdogarien ne puisse pas etre responsable quelque soit le cas de figure . Il croit pouvoir se servir des bacteries venues d'occicon contre la Syrie legitime , il croit pouvoir venir a bout des kurdes , seules forces a les affronter et ouvre sa grande gueule contre la Russie , pousse en cela par l'otan , comme les europeens avaient fautes en Kiev republique . La turquie d'erdocon glisse assez rapidement dans un scenario de guerre civile , et on pourra voir comment lui , danseur du ventre patente pourra se servir de cet art pour s'en sortir, sur la base des conseils qu'il nous donnait . bye bye erdo! je ne t'ai jamais aime .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 01, le 12 octobre 2015

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