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Lifestyle - Destination émotions

Et si on dansait un dernier tango à Paris ?

Ce n'est pas un carnet de voyages dans le sens exact du terme : il n'y a pas d'adresses, pas de numéros de rues ou de noms d'établissements. C'est plutôt un carnet d'émotions, une invitation au voyage à travers cinq sens, exacerbés, irrités, mais heureux. Et une constante : l'envie, irrépressible, de revenir. Deux fois par mois, « L'Orient-Le Jour » vous emmène, sans visa et sans ceinture de sécurité...

Cadenas d’amour sur les ponts de Paris. Photos C.H.

Ils l'ont tous aimée, tous chantée. De Piaf à Montand, de Gréco à Léo Ferré, Zizi Jeanmaire, Maurice Chevalier, Nougaro, Trenet ou Dutronc. Elle a enchanté, séduit, fasciné. Ville de toutes les lumières, de toutes les ombres aussi, un magnifique clair-obscur qui absorbe élégamment les couleurs, et surtout celles de l'automne, Paris occupe nos souvenirs, notre nostalgie, nos désirs et nos passions. Nos regrets aussi...

Et même si chacun des visiteurs qui vient la sentir, la renifler et la posséder pour quelques jours se croit le seul à danser ce tango ensorcelant avec elle, même si c'est à chaque fois la première fois et la dernière, et que c'est tellement bien comme ça, Paris reste notre plus belle histoire d'amour. Ce qui la rend si attachante, c'est l'ensemble, les détails, la musique qui va avec, les paroles, les textes, le silence. Les histoires vécues. Celles imaginées. Et puis les personnages, les grandes âmes, les belles plumes. Aragon, Sartre, Simone de Beauvoir, Camus, Gainsbourg, qui ne sont jamais loin. Et toutes ces images de cinéma ou d'ailleurs. Le journal le matin, dévoré en solitaire sur un banc entouré de pigeons. Le café crème et le croissant, gras à souhait, aux Deux Magots. Le demi adossé au zinc d'un café noyé dans le souvenir de Gauloises sans filtres. Jean-Paul Belmondo à bout de souffle; Jeanne Moreau partagée entre Jules et Jim; Juliette Binoche et son amant du Pont Neuf; Vincent, François, Paul, Claude (Sautet) et les autres, se retrouvant dans un bistrot; Amélie Poulain traînant à Montmartre et Zazie dans le métro.

Paris, c'est aussi une tranche de notre existence. Un passage obligé, un exil forcé devenu rapidement une seconde vie, un choix, une évidence. La certitude de ne pas s'être trompé. D'aimer encore, d'aimer toujours les visages si différents de cette ville, entre bourgeoisie, bobo, entre mode et dernières tendances, mai 68, rappeurs ou néohipsters. Des styles qui se partagent les arrondissements, les traditionnels Auteuil Neuilly Passy, la vieillissante avenue Victor Hugo, les charmantes rues de Rennes, de Sèvres, rue du Four, rue Madame, rue Montorgeuil. L'ardente Bastille, la nonchalante et si longue rue de l'Université, la Goutte d'or, terre d'exilés, Belleville, terre d'exilés mais aussi d'artistes. L'imprononçable Oberkampf qui a remplacé ses ouvriers par des bobos, les Champs-Élysées qui se livrent au plus offrant et l'incontournable Marais. Souvenirs, émotions, si bien murmurés par la très Parisienne Catherine Deneuve, sur une chanson de Malcom McLaren, Paris Paris, évidemment: «Barman dans le shaker, d'abord de l'élégance, un trait de Sacré-Cœur et deux doigts de Doisneau, une Piaf, quelques moineaux et Joséphine Baker...»

Mécanismes affectifs
L'arrivée, depuis tant d'années, dans la ville de tous les frissons, subtiles frissons, se fait dans un même rituel presque inconscient. On recouvre ses repères, on marque son territoire. On redevient pour quelques jours l'adolescent qui n'est jamais parti. À l'aéroport, déjà, l'odeur qui flotte sur le tarmac sonne l'heure des retrouvailles. Puis le taxi, le bruit sourd du moteur, le (non) sourire du chauffeur et son regard inquisiteur. La ville qui se découvre peu à peu. Le Palais des Congrès, où Starmania a été joué pour la première fois, l'avenue de la Grande Armée ouverte sur l'Arc de triomphe et la place de l'Étoile.

Quelques jours suffiront pour revisiter les musées, et nos préférés, le Musée Rodin, pour Camille Claudel surtout, le Grand Palais, le Musée du Luxembourg, Beaubourg, Orsay, le Louvre. Quelques longues heures pour découvrir la Fondation Louis Vuitton, se perdre chez les antiquaires qui veillent sur la place des Vosges. Faire une petite prière à Notre-Dame du Bac et de grandes prières au Bon Marché. Se poser dans un parc, un jardin, au bois de Boulogne, à la recherche du temps perdu. Observer en souriant les gens retrousser leurs manches et dévoiler leur peau pour un soupçon de soleil. Prendre un bus pour longer les quais, caresser du regard les ponts qui veillent sur la ville. Hanter Paris même sous une pluie fine qui lui va si bien, contourner la place de la Concorde et fredonner, encore, en duo avec Deneuve: «Mettez trois notes de jazz dans un Quartier latin, un menu sur l'ardoise au fond d'un bar-tabac et la résille d'un bas sur un genou qu'on croise, Paris Paris...» Emprunter un interminable couloir puant, se précipiter pour rattraper le dernier métro, décider d'aller au Père-Lachaise saluer les absents, et chanter encore, le long d'un trajet bercé par le bruit des rames: «Saupoudrez, pour finir, de poussière de métro, mais n'en prenez pas trop, Paris, Paris, Paris perdrait son âme.»
N'en prenez pas trop. L'âme de Paris est un peu la nôtre.

 

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Super

Abi - Nader Pierre

07 h 07, le 10 octobre 2015

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  • Super

    Abi - Nader Pierre

    07 h 07, le 10 octobre 2015

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