Des affrontements dans la province d’Idleb entre les forces loyalistes et les groupes rebelles armés. Omar Haj Kadhour/AFP
La prolongation du cessez-le-feu conclu le 22 août à Zabadani et Madaya, dans le Rif de Damas et dans les deux villages chiites de Foua et Kefraya, dernières localités aux mains du régime syrien dans la province d'Idleb, semble indiquer que les négociations tortueuses pour la conclusion d'une trêve de 6 mois se poursuivent.
Selon la chaîne de télévision du Hezbollah, al-Manar, le cessez-le-feu a été prolongé à Zabadani et Madaya ainsi qu'a Foua et Kefraya, dans le nord-ouest de la Syrie.
Cette prolongation intervient alors que des discussions entre les médiateurs iraniens et turcs et des représentants des groupes rebelles armés se tiendraient à Istanbul. Un document en langue arabe « fuité » par des sources proches du Hezbollah fait état d'un projet d'accord de 25 points toujours en cours de négociations.
(Lire aussi : Damas reçoit des « armes de défense et d'attaque » russes)
Le premier point prévoit la mise en œuvre de l'accord en deux phases sans délimitation claire des objectifs associés à chaque phase, mais mentionne néanmoins qu'une trêve de 6 mois serait appliquée au cours de la deuxième. Cette trêve concernerait, dans le Rif de Damas, les localités de Zabadani, Madaya, Bakin et Serghaya. Dans le Nord, elle s'appliquerait à Foua, Kefraya, Binnich, Taftanaz, Taoum, Maarret Masrin, la ville d'Idleb, Ram Hamdan, Zaradna et Chalakh.
Parmi les dispositions fondamentales du texte figure celle qui autorise le retrait de tous les combattants assiégés dans la ville de Zabadani, notamment ceux de l'Armée de la conquête (alliance de plusieurs groupes islamistes sous la direction d'Ahrar el-Cham et du Front al-Nosra, branche syrienne d'el-Qaëda) et leurs familles.
Mais la seule voie de sortie qui leur serait ouverte serait en direction d'Idleb, et donc uniquement vers le nord, pour empêcher toute velléité d'alliance circonstancielle avec les Brigades du front du Sud (un groupe de plusieurs milliers de combattants, affilié à l'Armée syrienne libre – ASL) dans la province de Deraa. En échange, les forces du régime et leurs alliés pourraient faire évacuer des villages chiites de Foua et Kefraya, les femmes, les enfants de moins de 18 ans et les hommes de plus de 50 ans, à condition que leur nombre ne dépasse pas 10 000, alors que l'on estime autour de 40 000 le nombre total de civils encore présents dans ces deux localités. L'évacuation devrait se faire simultanément et l'échange aurait lieu à Mourek, au nord de Hama.
Le texte se réfère également au principal point d'achoppement des discussions précédentes, à savoir la situation des combattants des groupes rebelles armés détenus par le régime, et prévoit la libération de 500 d'entre eux. Enfin, parmi ces 25 points, l'un des plus importants impose la mise en application de l'accord sous contrôle et supervision d'un groupe composé de médiateurs des Nations unies, de médiateurs iraniens et de représentants des groupes rebelles armés. Alors que les deux précédentes trêves (conclues du 12 au 15 août et du 27 au 29 août 2015), prévoyant le retrait des groupes armés rebelles de Zabadani en contrepartie de l'évacuation des civils de Foua et Kafraya, avaient été rompues à défaut d'accord, les développements sur le terrain et l'évolution des positions diplomatiques montrent que la pression s'accentue cette fois sur les deux parties belligérantes. L'heure n'est pas à la surenchère.
(Pour mémoire : Nouveau cessez-le-feu à Zabadani, Foua et Kafraya)
Risque trop élevé
Si les forces du régime, appuyées par leurs alliés du Hezbollah, ont lancé en juillet l'offensive pour reprendre Zabadani, point d'ancrage des groupes rebelles armés à proximité de la frontière avec le Liban, l'Armée de la conquête a de son côté encerclé les positions du régime à Foua et Kefraya et lancé des missiles et des obus de mortier. C'est précisément l'intensification de ces attaques et les neufs attentats à la voiture piégée dans ces deux villages, dont sept perpétrés par des kamikazes parmi lesquels des Ouïgours en provenance de Turquie et des Tchétchènes, le vendredi 18 septembre, qui ont renforcé la pression sur les forces du régime et leurs alliés. Compte tenu de la menace qui pèse sur les populations chiites et de l'urgence de la situation, la carte de la négociation Zabadani contre Foua et Kefraya est finalement jouée. Au cours des dernières semaines, les forces loyalistes et leurs alliés ont révisé leur stratégie (excluant toute attaque décisive pour reconquérir Zabadani) et tenté de gagner du temps. Il s'agissait de préserver la ville comme monnaie d'échange dans le cas d'une dégradation sérieuse de la situation. Laisser l'Armée de la conquête s'emparer des deux localités chiites entraînerait une défaite symbolique majeure pour l'Iran. Ces récents développements pourraient donc amener les représentants des groupes rebelles armés et la Turquie – dont le principal objectif est de faire tomber Bachar el-Assad – à rejeter une nouvelle fois le contenu de ce projet d'accord. Mais le choix de miser sur ces acquis et les évolutions cachées des rapports de force pourraient conduire à un isolement politique d'Ankara, dans un contexte de rapprochement américano-russe.
Secousse russe
En effet, ces négociations locales se déroulent essentiellement dans un contexte modifié par l'engagement actif de la Russie en Syrie. Comme l'explique Richard Labévière, expert des questions stratégiques, « il y a d'ores et déjà une coordination militaire dans l'espace aérien entre Moscou et Washington, et cette posture a eu des retombées importantes sur le terrain. Les Russes ont augmenté la livraison de matériel à l'armée syrienne non seulement à Damas, mais également à Homs, Hama et Alep, et convaincu les États-Unis de la nécessité d'une coordination militaire pour neutraliser les membres du groupe État islamique (EI). Ils ont donc imposé l'équation selon laquelle, pour lutter contre l'EI, il faut s'entendre avec Bachar ».
Dans cette configuration, la Turquie, qui selon M. Labévière est sortie perdante de l'accord sur le nucléaire, se retrouverait davantage affaiblie, « alors que l'objectif du président turc Recep Tayyip Erdogan reste la destruction du régime de Bachar el-Assad. La convergence entre les États-Unis et la Russie a également eu des conséquences sur la position française. Face à la Turquie, les Russes entendent relancer Genève I et Genève II, et les évolutions prendront forme au cours de l'Assemblée générale des Nations unies dans quelques jours ».
Pour mémoire
Pas de réédition du scénario Qalamoun ; Zabadani serait une guerre d'extermination
La prolongation du cessez-le-feu conclu le 22 août à Zabadani et Madaya, dans le Rif de Damas et dans les deux villages chiites de Foua et Kefraya, dernières localités aux mains du régime syrien dans la province d'Idleb, semble indiquer que les négociations tortueuses pour la conclusion d'une trêve de 6 mois se poursuivent.
Selon la chaîne de télévision du Hezbollah, al-Manar, le...
commentaires (4)
Sans oublier bien sûr, le plus dangereux mais surtout le plus "subtil" d'entre eux : l'haSSine 1er of Hârtéhrééék ! Yâ hassértéééh !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
11 h 51, le 23 septembre 2015