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Moyen Orient et Monde

Pourquoi les murs frontaliers sont un échec

La barrière de séparation érigée par Israël en Cisjordanie coûte quelque 700 000 dollars par kilomètre.

2015 sera donc l'année des murs frontaliers. Cette année, l'Estonie, la Hongrie, le Kenya, l'Arabie saoudite et la Tunisie ont annoncé la construction, ou ont déjà commencé à construire, des murs le long de leurs frontières. Nous vivons peut-être à une époque de mondialisation, mais de nombreux pays semblent surtout soucieux de restreindre la libre circulation des personnes.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il n'y avait que cinq murs frontaliers dans le monde. Aujourd'hui, selon Elisabeth Vallet de l'Université du Québec à Montréal, il y en a 65, dont les trois quarts ont été construits ces 20 dernières années. Aux États-Unis, les candidats présidentiels républicains en ont promis de nouveaux. Le favori républicain, Donald Trump, a proposé à de nombreuses reprises d'édifier un mur sur toute la longueur de la frontière sud avec le Mexique. Et lors d'une émission télévisée, un autre candidat républicain, le gouverneur du Wisconsin Scott Walker, a qualifié la construction d'un mur le long de la frontière avec le Canada de « question légitime que nous devrions étudier ».
Pourtant, les murs existants ne sont ni bon marché ni efficaces. La barrière de séparation érigée par Israël en Cisjordanie coûte quelque 700 000 dollars par kilomètre. Selon le Bureau américain des douanes et de la protection des frontières, la construction et l'entretien des 1 000 kilomètres environ de clôtures existantes entre les États-Unis et le Mexique coûteront 6,5 milliards de dollars sur leur durée de vie prévue de 20 ans. À ce prix, fortifier les 2 000 kilomètres restants coûtera plus de 12,6 milliards de dollars. Ériger un mur le long de la frontière avec le Canada, soit près de 8 900 kilomètres, se chiffrerait à presque 50 milliards de dollars et il traverserait une piste d'atterrissage, un opéra, les maisons et les entreprises actuellement situés à cheval sur la frontière.
Il n'est pas non plus prouvé que ces murs frontaliers donnent les résultats escomptés. Évidemment, les prisons démontrent que des murs relativement courts et bien gardés peuvent être très efficaces pour limiter la liberté de mouvement. Mais même les murs de prisons ne sont efficaces que si les gardes chargés de leur surveillance le sont, et les gardes sont sensibles aux pots-de-vin. L'évasion récente du baron mexicain de la drogue Joaquin « El Chapo » Guzman d'une prison mexicaine révèle une autre vulnérabilité des murs frontaliers : les tunnels. Depuis 1990, les patrouilles frontalières américaines ont recensé 150 tunnels creusés sous la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Ceux qui ont les moyens réussiront toujours à franchir la frontière, que ce soit grâce à de faux papiers, des pots-de-vin ou des infrastructures novatrices.
En fait, la fortification des frontières sert surtout à stopper les migrants et les réfugiés pauvres. Et même dans ce cas, plutôt qu'empêcher les migrants d'entrer, les clôtures les rabattent vers des points de passage plus dangereux, avec pour conséquence une augmentation de décès prévisibles. L'Organisation internationale pour les migrations estime qu'entre 2005 et 2014, quelque 40 000 personnes sont décédées en tentant de franchir une frontière.
Contrairement aux périmètres des prisons, les frontières peuvent être longues de milliers de kilomètres et de ce fait, difficiles à surveiller adéquatement. Les États-Unis emploient plus de 20 000 gardes-frontières ; mais même s'ils étaient tous à leur poste en même temps, chacun d'entre eux devrait surveiller plus de 500 mètres de la frontière.
Bien entendu, les caméras de vidéosurveillance, les détecteurs de mouvement, les drones, hélicoptères et véhicules permettent aux patrouilles d'inspecter des tronçons importants de la frontière. Mais le fait qu'il faille surveiller les murs frontaliers soulignent l'une de leurs caractéristiques fondamentales : ils se sont, de tous temps, avérés assez inutiles. Les parties les plus célèbres de la Grande Muraille de Chine ont été prises d'assaut et franchies quelques décennies à peine après leur construction. Lorsque les troupes allemandes ont envahi la France durant la Seconde Guerre mondiale, elles ont simplement contourné la Ligne Maginot. Le mur de Berlin est tombé 30 ans après avoir été construit.
En fait, les gardes-frontières et leur équipement peuvent être tout aussi efficaces sans barrières physiques. Dans le meilleur des cas, les murs et les clôtures ne font que ralentir ceux qui souhaitent passer et présentent donc un piètre investissement au plan sécuritaire. Ils sont tout aussi inutiles dans une perspective militaire. Les missiles et les avions peuvent les survoler et les tanks les réduire à néant.
Et pourtant, malgré leur coût élevé et leur manque d'efficacité, les législateurs et les politiciens continuent à préconiser l'érection de murs frontaliers, preuve impressionnante et tangible qu'ils agissent en matière de migrations. Une surveillance au moyen d'équipement de pointe et des patrouilles sur le terrain peuvent être plus efficaces pour empêcher les migrants de franchir les frontières, mais les murs peuvent servir à des fins politiques.
Si Trump a un jour l'occasion de construire le mur qu'il projette, il faudrait qu'il soit vraiment beau, comme la Grande Muraille de Chine. Il pourrait ainsi devenir une attraction touristique majeure – et enfin avoir une utilité.

Traduit de l'anglais par Julia Gallin
© Project Syndicate, 2015.

2015 sera donc l'année des murs frontaliers. Cette année, l'Estonie, la Hongrie, le Kenya, l'Arabie saoudite et la Tunisie ont annoncé la construction, ou ont déjà commencé à construire, des murs le long de leurs frontières. Nous vivons peut-être à une époque de mondialisation, mais de nombreux pays semblent surtout soucieux de restreindre la libre circulation des personnes.À la fin...

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