Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Reportage

« Les Kurdes ont compris que seul eux peuvent empêcher Erdogan d’instaurer un régime présidentiel »

À Istanbul, les manœuvres des dirigeants de l'AKP et la guerre lancée contre le PKK laissent les citoyens lambda perplexes.

Dimanche fin de l’après-midi dans un café à Istanbul, journalistes, universitaires, étudiants, quelques hommes d’affaires tous anciens élèves d’un lycée prestigieux réunis dans leur café favori après leur match hebdomadaire de football prennent du thé, regardent la télévision et discutent entre eux. Photo archives AFP

Dimanche, fin de l'après-midi à Galatasaray, un quartier de loisirs au Péra d'Istanbul. Journalistes, universitaires, étudiants, quelques hommes d'affaires, tous anciens élèves d'un lycée prestigieux, sont réunis dans leur café favori après le match de football hebdomadaire. Ils prennent le thé, regardent la télévision et discutent entre eux. Onze des 19 chaînes nationales transmettent en direct le grand rassemblement d'Istanbul avec le Premier ministre Ahmet Davutoglu et le président de la République Recep Tayyip Erdogan. Des millions de souffles, une seule voix contre le terrorisme est le titre officiel du meeting organisé par une ONG proche du gouvernement, vite transformé en meeting électoral de l'AKP.

« T'as entendu ça ? Il parle de 550 députés locaux et nationaux », lance l'un d'entre eux. « Auparavant, il voulait 400 députés pour le régime présidentiel, maintenant, il veut la totalité de l'Assemblée nationale », ajoute-t-il.
Un autre lui répond : « Vous allez les faire perdre, ils seront en dessous du seuil et nous serons encore au pouvoir. C'est clair : HDP en dessous des 10 % et AKP tout seul au pouvoir. »
Et la discussion s'enchaîne : « Malgré tous les efforts du gouvernement et du président de la République les votes de l'AKP sont toujours en chute libre. » « Les Kurdes, il faut l'admettre, ont bien résisté et le HDP recueille toujours plus de 13 % selon les enquêtes », ajoute un des habitués du café.

 

(Lire aussi : Novembre meurtrier pour Erdogan ?)


« Mais personne ne comprend pourquoi tout d'un coup, juste après les élections du 7 juin, les accrochages ont repris entre les Kurdes et l'armée turque », se demande l'un d'entre eux. « Les Kurdes qui votaient pour l'AKP (Parti de la justice et du développement d'Erdogan, au pouvoir depuis 2002, 258 députés) voteront désormais pour le HDP, c'est sûr... », surtout que depuis un mois le bilan est quand même très lourd : 53 membres des forces de sécurité et 27 civils ont été tués.
« N'oublie pas qu'il y a eu également au moins 94 terroristes séparatistes qui ont été tués. » Et un des présents de lui rétorquer : « Oui, c'est le chiffre officiel de l'armée, mais je ne le crois pas. Ça devient de pire en pire, non ? »

« C'est comme à l'époque militaire »
À peu près trois mois et demi après les élections du 7 juin et à un mois et demi des élections anticipées du 1er novembre, la situation politique en Turquie est de plus en plus tendue à cause essentiellement des déclarations antikurdes du président Erdogan, estime le professeur Eser Karakas, économiste de l'Université d'Istanbul. Le président de la République devrait être, selon la Constitution turque, une personnalité neutre et indépendante des partis politiques. « M. Erdogan qui avait déjà violé la Constitution lors de la campagne du 7 juin commet désormais un crime constitutionnel », poursuit le professeur Karakas.

 

(Lire aussi : Erdogan et Davutoglu promettent de « continuer d'anéantir » la guérilla kurde)

 

« Les Kurdes, je veux dire le HDP, malgré les morts, malgré les initiatives de lynchage et malgré toutes les campagnes médiatiques de la presse progouvernementale, sortent renforcés des attaques d'Erdogan », pense Seyhmus Diken, écrivain de Diyarbakir. Car « ils ont compris que seul eux peuvent empêcher Erdogan d'instaurer un régime présidentiel », poursuit-il. « D'ailleurs les votes du HDP sont en hausse selon les dernières estimations », rappelle-t-il. « Les attaques armées contre les civils kurdes ont eu un effet boomerang. Les opérations de l'armée turque menées contre le PKK au sud-est du pays et en Irak ne peuvent pas affaiblir le PKK, comme dans le passé, parce qu'une armée régulière et des forces aériennes ne peuvent pas remporter une victoire militaire contre la guérilla », conclut-il.

 

(Lire aussi : « Il n'y a aucun espoir, la liberté de la presse décline en Turquie »)



Orhan Miroglu, député kurde d'AKP, a prévu dès maintenant devant les caméras le futur proche : « Si le HDP dépasse le seuil des 10 %, les accrochages vont se poursuivre. » Déclaration réfutée par l'ensemble des habitués du café : « Si Erdogan organise encore quatre meetings comme ça, alors le HDP dépassera les 15 % », lance l'un d'eux.
« Mais c'est comme à l'époque militaire. Les partisans d'Erdogan le saluent avec le slogan: Voilà l'armée, voilà le commandant ! » rétorque un deuxième.

Toutefois, Selahettin Demirtas (leader du HDP) a affirmé hier que dans les conditions actuelles de la violence au sud-est il sera très difficile d'organiser les élections.
« Le 1er novembre le choix sera entre Demirtas et Erdogan », lance son ami qui conclut : « Le slogan de l'AKP serait Un mort/un vote. Ils croient qu'ils peuvent gagner les élections grâce à la guerre contre les Kurdes avec ce discours nationaliste. »

 

Pour mémoire
Erdogan maintient son pari risqué de convoquer des élections dans un climat délétère

La Turquie ne peut venir à bout de la rébellion du PKK

Erdogan promet de débarrasser la Turquie du PKK

Ankara accuse la BBC de "soutenir le terrorisme" dans un reportage sur le PKK

Un journal qui s'est moqué d'Erdogan en une est perquisitionné

Dimanche, fin de l'après-midi à Galatasaray, un quartier de loisirs au Péra d'Istanbul. Journalistes, universitaires, étudiants, quelques hommes d'affaires, tous anciens élèves d'un lycée prestigieux, sont réunis dans leur café favori après le match de football hebdomadaire. Ils prennent le thé, regardent la télévision et discutent entre eux. Onze des 19 chaînes nationales...

commentaires (2)

ET ILS LE FERONT...

LA LIBRE EXPRESSION

21 h 57, le 22 septembre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • ET ILS LE FERONT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    21 h 57, le 22 septembre 2015

  • hier c'était les arméniens, aujourd'hui ce sont les kurdes Ou va la Turquie ? Pas en Europe, en tout cas

    FAKHOURI

    13 h 53, le 21 septembre 2015

Retour en haut