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Économie - Interview

« Pour développer l’éolien au Liban, il faudrait sécuriser les investisseurs »

Fondateur de H2Air, une société française de construction et d'exploitation d'éoliennes, le Libanais Roy Mahfouz a inauguré hier dans l'Aube le projet Seine-Rive-Gauche Nord, qui devient ainsi le troisième parc éolien de France.

Photo D.R.

Que représente cet important parc éolien pour une jeune société comme la vôtre ?
Nous avons initié le projet Seine-Rive-Gauche Nord en 2008, un an après la création de H2Air et la phase de construction a débuté l'année dernière. C'est une initiative entièrement privée menée en partenariat avec l'entreprise allemande Nordex et financée par des fonds d'investissements à hauteur de 127 millions de dollars.
Ce nouveau parc éolien est unique par sa taille : il compte 30 éoliennes qui ont chacune une puissance de 2,5 MW, soit l'équivalent la consommation d'environ 46 000 foyers, selon une estimation conservatrice. Ces éoliennes font partie d'une zone de développement qui comprend un autre parc plus petit que nous avons construit en 2012 d'une puissance de 32 MW. Donc aujourd'hui, la capacité de production de cette zone atteint 107 MW sur les 140 MW de l'ensemble du parc éolien géré par H2Air. Lorsque nous avons débuté le projet, nous n'étions que six employés. Aujourd'hui, nous sommes une trentaine avec un chiffre d'affaires qui devrait atteindre plus de 20 millions de dollars cette année.

Comment commercialisez-vous l'énergie produite ?
Sa tarification est-elle suffisamment rentable ?
L'énergie produite par les éoliennes sera directement injectée dans le réseau électrique national via un poste de raccordement privé. Électricité de France (EDF) rachète l'électricité produite à 9,3 euros le kWH, ce qui situe la France dans une bonne moyenne au niveau mondial. Ce tarif dépend de multiples variables telles que le gisement éolien, la sécurité de l'investissement, la durée du contrat, les taux d'intérêt, etc. Aujourd'hui, les projets éoliens bénéficient de tarifs d'achat fixe sur 15 ans, ce qui correspond en général à la durée d'amortissement des éoliennes.
Mais la question du maintien de tarifs fixes n'a pas été spécifiquement réglée par la loi pour la transition énergétique votée cet été, ces tarifs seront réglementés ultérieurement par décret. Si leur stabilité était remise en cause, nous pourrions avoir des difficultés de financement auprès des banques. En tant que PME, nous avons besoin de stabilité afin de continuer à nous développer.

Que peut apporter l'énergie éolienne au Liban ?
De manière générale, les énergies renouvelables sont une réponse au réchauffement climatique, dans le cas libanais c'est également une réponse à la sous-production électrique. Actuellement, EDL loue par exemple deux centrales thermiques flottantes turques rattachées aux centrales de Zouk et de Jiyeh, qui coûtent plus cher que l'éolien. Le Liban paie aussi le fioul, sans compter la pollution. C'est scandaleux !
Idéalement, le Liban pourrait arriver à un ratio de 50 % d'énergie renouvelable en 20 ans, et une certaine part de cette production pourrait être assurée par l'éolien. Certes, il ne serait pas évident de mettre partout des éoliennes mais, au contraire de l'énergie solaire, l'éolienne produit plus de puissance sur un espace restreint. Si des panneaux photovoltaïques sont installés dans une surface agricole, on tue l'agriculture, alors qu'on peut exploiter la terre autour de l'éolienne.
L'éolien a d'autres atouts. Au Liban, c'est une réponse à la pollution locale, qui se ressent entre 10 et 15 km autour des centrales qui produisent du fioul. Avec l'énergie éolienne, le tarif d'achat pour le consommateur est beaucoup moins élevé. L'éolien est en général moins cher que le solaire, selon les projets, la différence peut passer de 30 % à 100 %, même si cette différence tend aujourd'hui à s'estomper. Enfin, c'est une production durable qui ne consomme que le vent et elle contribue à l'indépendance énergétique du pays.

Le Liban offre-t-il des conditions légales et tarifaires attractives pour le développement des énergies renouvelables ?
Malheureusement non. Pourtant, il y a du potentiel et malgré son étroitesse, le marché libanais m'intéresse énormément. J'y ai des projets, mais je ne peux pas en parler pour l'instant, parce qu'ils restent en attente que le marché commence à bouger. Même si la volonté de produire 200MW d'ici à 2020 à travers les énergies renouvelables est sincère, elle doit être accompagnée d'un vrai plan de développement que je ne vois pas.
Le monopole légal d'Électricité du Liban (EDL) sur la distribution et la production électrique reste problématique. Pour développer l'éolien de manière dynamique, il faudrait plus de sécurité pour les investisseurs, c'est-à-dire une loi qui prévoit une production électrique décentralisée qui serait injectée dans le réseau national. Mais aujourd'hui, on n'a pas le droit de produire de l'électricité en privé. Le plan global pour l'énergie lancé par l'ex-ministre de l'Énergie Gebran Bassil proposait des astuces intelligentes afin que cela soit possible, comme la location des centrales et un loyer dépendant de la production. Mais, hélas, ce programme n'a pas abouti. Pour l'instant, seule la centrale solaire de Nahr Beyrouth est directement reliée à EDL. C'est un projet que je salue quand même, car il est intelligent.

 

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