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Économie - Liban - Compte rendu

Liban : Comment stimuler l’investissement sans politique économique ?

Centrée sur la résilience financière et l'innovation technologique au Liban, la première conférence organisée par Euromoney avait tout pour séduire les investisseurs. Mais derrière cette vitrine, la vacuité de la politique économique s'est aussi fait remarquer...

Riad Salamé a rappelé les principaux axes de sa « stratégie pour soutenir la demande locale et contrebalancer la baisse de la demande externe depuis le début de la guerre en Syrie ». Photo : DR

Pour sa première conférence à Beyrouth, le groupe de presse britannique Euromoney a pris la peine de choisir le sujet à même de séduire les milieux financiers étrangers : l'investissement dans les nouvelles technologies. Un thème particulièrement en vogue depuis que la Banque du Liban a mis en place, en août 2013, un mécanisme autorisant les banques à investir dans les sociétés œuvrant dans « l'économie de la connaissance », plus connu sous le nom de la circulaire 331. Les banquiers libanais ont donc répondu présent. La participation étrangère – investisseurs et journalistes – était plus timide, représentant moins de 20 % des 300 participants annoncés.

Maintenir l'économie à flot
Il faut dire que le contexte global du pays n'est pas de nature à encourager les investissements, quoi qu'en dise le gouverneur de la BDL. Invité d'honneur, Riad Salamé, s'est voulu rassurant. Son discours a démontré une nouvelle fois le rôle prépondérant joué par la Banque centrale dans la sphère économique, par opposition à celui du gouvernement, qui devait être représenté par le ministre de l'Économie et du Commerce, Alain Hakim, remplacé finalement par son conseiller, Jassem Ajaka. Ce dernier a vaguement évoqué le soutien du ministère au secteur des nouvelles technologies. Le gouverneur a, lui, explicité les mécanismes mis en place par la BDL pour développer ce secteur, et plus généralement l'économie. Outre la circulaire 331, la BDL a adopté « une stratégie pour soutenir la demande locale et contrebalancer la baisse de la demande externe depuis le début de la guerre en Syrie ». Selon Riad Salamé, le conflit, en entraînant une baisse des exportations libanaises, du tourisme et des investissements étrangers, a eu un coût pour l'économie libanaise de 6 à 7 milliards de dollars, équivalent aux déficits cumulés de la balance des paiements depuis 2011.

Pendant que le gouvernement était, et demeure, aux abonnés absents, la Banque centrale mène depuis 2013 une politique économique contra-cyclique qui consiste à octroyer aux banques environ 1,5 milliard de dollars de crédits par an à un taux d'intérêt de 1 %, afin que ces derniers les reprêtent ensuite au secteur privé à des maxima de 6 %. Cette injection de liquidités, qui permet au passage au secteur bancaire d'employer plus facilement ses ressources, a soutenu essentiellement le secteur de l'immobilier, mais aussi « de nouveaux projets, notamment dans les énergies alternatives » a assuré Riad Salamé, en parlant de 6 000 emplois créés. Cette politique aurait ainsi contribué à maintenir l'économie à flot, avec une croissance prévue à plus 2 % pour 2015, une inflation proche de 0 %, une livre stable et des « liquidités importantes dans le secteur bancaire ». Ces liquidités permettront de continuer à alimenter un déficit public qui, lui, ne cesse de se creuser sans que l'exécutif n'ait besoin de s'en préoccuper.


(Lire aussi : L'inertie politique est une menace pour l'économie libanaise, avertit le FMI)

Incompétence économique
C'est ce qui fait la fameuse « résilience » du Liban dont de nombreux intervenants ce sont félicités à la conférence. Mais certain d'entre eux étaient bien moins enthousiastes. Le Liban semble certes à l'abri dans l'immédiat d'un éventuel choc financier, mais quelles perspectives offre réellement l'économie libanaise ? La croissance et l'investissement dépendent avant tout de la politique économique d'un pays et de la qualité de ses institutions, a souligné Alia Moubayed, économiste senior à la banque Barclays. Or, le Liban n'en a pas. « Cela ne date pas de la guerre en Syrie, le pays n'a pas de budget depuis 10 ans », a-t-elle ajouté. Or, le budget est censé refléter la vision et les choix économiques du gouvernement. Et si ce budget doit être voté par le Parlement, c'est pour garantir la participation des citoyens à ses choix, fondement de la démocratie. Ce qui n'est pas le cas des politiques menées par la BDL. « L'inertie politique a un coût énorme pour l'économie, qui fonctionne largement en sous-capacité alors qu'elle bénéfice d'un capital humain de qualité », a martelé l'économiste.
Un avis partagé par le directeur de la stratégie du groupe Bank Audi, Freddie Baz, qui a rappelé qu'avant 1975, le PIB libanais représentait 70 % de celui de Singapour. Aujourd'hui, le PIB de la cité-État avoisine les 300 milliards de dollars, contre moins de 50 milliards pour le Liban.

L'incompétence de la classe politique en matière économique, et sa tendance à privilégier les intérêts privés et clientélistes au détriment de l'intérêt général n'hypothèquent pas seulement le potentiel de l'économie, elles risquent aussi de mener le pays à l'implosion. La présence de 1,5 million de réfugiés syriens au Liban n'est pas un phénomène ponctuel que le gouvernement peut se contenter d'ignorer en attendant la fin de la guerre en Syrie. « En se basant sur l'expérience internationale, on ne peut pas espérer que le phénomène se résorbe à court ni à moyen terme, a souligné Alia Moubayed. Si le gouvernement ne mène pas une politique volontariste pour créer de la croissance et des emplois, le chômage, la pauvreté et l'insécurité vont exploser. »
Reste évidemment le rêve gazier, partagé par la plupart des intervenants et qui pourrait permettre au Liban de sortir de l'ornière. Mais, dans ce secteur, le pouvoir politique ne pourra pas s'en remettre à la BDL.

 

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Pour sa première conférence à Beyrouth, le groupe de presse britannique Euromoney a pris la peine de choisir le sujet à même de séduire les milieux financiers étrangers : l'investissement dans les nouvelles technologies. Un thème particulièrement en vogue depuis que la Banque du Liban a mis en place, en août 2013, un mécanisme autorisant les banques à investir dans les sociétés...

commentaires (2)

SANS SÉCURITÉ PAS D'ECONOMIE !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 19, le 10 juin 2015

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Commentaires (2)

  • SANS SÉCURITÉ PAS D'ECONOMIE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 19, le 10 juin 2015

  • sans gouvernement élu, sans Président, .... y a t il encore un cadre de developpement économique et financier ? Le Liban descend lentement, au rythme des coups de butoirs du Hezbollah, dans le marasme économique.

    FAKHOURI

    12 h 13, le 10 juin 2015

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