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Culture - Théâtre

Jalal Khoury n’a pas vieilli, « Fakhamat el-Ra’iss », un peu...

Vingt-sept ans plus tard, revoilà cette farce électorale toujours d'actualité de l'un des pères du théâtre contemporain libanais. Un « Monsieur le Président » qui n'a pas pris une ride. Même s'il présente, par moments, un air figé, peut-être mal lifté.

L’aspirant président (Assaad Haddad), son « bodyguard » (Bachir Maroun), sa femme (Sola Track) et l’amant journaliste (Charbel Ziadé)...

Le vieux barbon, la femme et l'amant. À partir de ce trio de base absolument «moliéresque», Jalal Khoury avait conçu... en 1988 un scénario particulier à la scène «politico-comique» libanaise. Une histoire de tromperie, de manipulation, d'ego surdimensionnés, de soif de pouvoir et de reconnaissance sociale tricotée à même la peau d'un personnage symbolique: le «maronite» qui rêve de devenir président.
Inspiré par la vacance présidentielle d'alors, l'auteur et metteur en scène avait imaginé son Fakhamat el-Ra'iss sous les traits d'un (nouveau) riche homme d'affaires (douteuses), aux manières mal dégrossies et aux ambitions présidentielles encouragées par les flagorneries d'un journaliste véreux, amant de sa femme. À travers cette figure caricaturale de l'aspirant président, le dramaturge, connu pour son théâtre sans concessions, dénonçait ainsi les magouilles politiciennes et les mœurs électorales libanaises de l'époque.
Et puis le personnage-clé était affublé – outre d'un tarbouche mal venu dans cette trame contemporaine – d'une épouse «trophée», frivole, capricieuse et obsédée par l'envie de paraître.
Tout comme il faisait graviter autour de ce trio les indispensables seconds rôles que sont la bonne, intronisée voyante de madame, et le garde du corps de monsieur. De quoi épicer cette comédie de mœurs électorales d'une cinglante critique sociale. Voire d'une railleuse, un brin misogyne, représentation de la femme libanaise...
De 1988 à 2015, les temps ont bien changé sur plus d'un plan: nouvelles technologies, nouveaux modes de vie, nouvel ordre mondial aussi peut-être... Seule la scène politique locale reste ancrée dans ses vieilles habitudes. Blocages, manœuvres, obédiences diverses à l'égard des grandes puissances et cette corruption généralisée. Le fauteuil présidentiel est toujours inoccupé, les ambitieux en rêvent toujours autant et les manipulateurs les manœuvrent à coups de fausses promesses, de corruption et de miroir aux
illusions.
De quoi donner l'envie à Jalal Khoury – qui fut l'un des pionniers du théâtre politique au Liban dans les années 60 – de reprendre sa pièce avec une nouvelle distribution et une mise en scène rafraîchie. Mais peut-être pas assez? Car si l'intrigue de Fakhamat el-Ra'iss n'a pas pris une ride, la mise en scène reste, elle, d'un classicisme quelque peu daté.
La pièce n'en offre pas moins de larges plages de rire véhiculées par un texte à l'ironie appropriée et des répliques bien troussées, malgré quelques longueurs. Elle est, de plus, littéralement portée par le jeu naturel, fluide, bien dosé d'Assaad Haddad qui excelle dans le rôle de ce cheikh Makhoul, tout à la fois cynique et sensible à la flatterie, qui rêve de devenir le premier des Libanais. Et, dans une moindre mesure, par l'hilarante performance de Bachir Maroun, qui habite littéralement son personnage de «bodyguard» caricatural. Les prestations des autres comédiens fluctuent au gré des scènes. Et de (longues) tirades, qui induisent chez certains une élocution
balbutiante...
Toujours est-il qu'on sort de la représentation le sourire aux lèvres, malgré le fond désenchanté du sujet, amusé notamment par cette ressemblance qu'on n'aura pas manqué de relever entre les protagonistes de la pièce et des personnes ayant réellement existé...
Un Fakhamet el-Ra'iss à (re)voir!

*Théâtre Gemmayzé, école des Frères du Sacré-Cœur, représentations les 4, 5, 11, 12, 17, 18 et 19 avril, à 20h30. Billets en vente à la librairie Antoine.

Le vieux barbon, la femme et l'amant. À partir de ce trio de base absolument «moliéresque», Jalal Khoury avait conçu... en 1988 un scénario particulier à la scène «politico-comique» libanaise. Une histoire de tromperie, de manipulation, d'ego surdimensionnés, de soif de pouvoir et de reconnaissance sociale tricotée à même la peau d'un personnage symbolique: le «maronite» qui rêve...

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