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Liban - Coopération

Chrétiens, musulmans, Libanais, Syriens : « L’agriculture nous a réunis »

« PEACE », un projet lié à l'agriculture et financé par l'UE, a permis à de jeunes Libanais et Syriens de se rapprocher et de coopérer ensemble. Un exemple à suivre.

Le professeur expliquant la manière de tailler un olivier.

On dit souvent que le commerce réunit les peuples. Au Liban, c'est l'agriculture qui a réuni Libanais et Syriens, chrétiens et musulmans. Cela grâce à «PEACE» (Peaceful and Comprehensive Education in Seven Districts of Lebanon), un projet financé à 90 % par l'Union européenne qui dure depuis décembre 2013 et s'étendra jusqu'à décembre 2015. Les 10% restants sont financés par la fondation AVSI. Celle-ci œuvre en partenariat avec le ministère de l'Agriculture, avec l'ONG Biladi qui gère l'aspect culturel du projet et la Fondazioni Minoprio qui le supervise.

«L'idée du projet est liée à la présence des refugiés syriens au Liban. Son but est de fournir, à travers l'agriculture, une éducation pour la paix à des élèves libanais et syriens», affirme Marina Molino Lova, responsable du projet à AVSI. Sept écoles techniques ont été choisies, réparties sur tout le territoire libanais, du Nord au Sud.

«Le projet a débuté par des sessions de formation adressées aux professeurs chargés de l'éducation des jeunes », explique Samar Khalil, d'AVSI. Selon elle, la principale difficulté a été de former les 131 professeurs des sept écoles, ceux-ci n'étant plus habitués à de telles formations. En effet, ajoute-t-elle, le secteur est quasiment délaissé par l'État depuis longtemps.

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Le principal apport de ces formations a été de doter ces professeurs d'un nouveau matériel éducatif et de nouvelles approches sur le plan pédagogique et technique. Un autre point positif a été l'échange d'informations et d'expériences entre les écoles elles-mêmes.

«Cette mise à niveau a été efficace non seulement dans le cadre de ce projet, mais dans un cadre de développement durable aussi, puisqu'elle aura des répercussions positives sur le curriculum normal enseigné dans les écoles», explique pour sa part Jean Chihane, lui aussi chargé d'exécution de ce projet à AVSI. Selon lui, le but des sessions éducatives est de former des personnes qui assureront un lien efficace entre les ingénieurs agricoles et les ouvriers, en grande partie des Syriens. «Nous avons constitué des groupes d'une vingtaine d'élèves par école, Libanais et Syriens des deux sexes, âgés entre 17 et 25 ans. Quelque 120 jeunes ont déjà terminé la première session. Ils ont reçu un diplôme d'études sur les principes agricoles», explique Jean Chihane. Il ajoute que seize d'entre eux ont décidé de s'inscrire à l'école pour poursuivre leurs études.

Une plus-value pour le marché du travail

Haya, Fatma, Zaynab, Rouba, Mariam... Elles étaient en tout 14 filles libanaises et syriennes à suivre cette formation à l'école agricole de Nabatiyeh. Quatre garçons suivaient également les cours, dont Mahmoud, un jeune Syrien d'Idleb d'à peine 13 ans. Il est la mascotte de la classe. Mahmoud peut réciter tout le cours sur les maladies qui touchent les plantes avec leur nom scientifique sans broncher. Toujours souriant, les yeux brillant de curiosité et de malice, le jeune Mahmoud ne pense qu'à aider le plus efficacement possible son père dans les champs.

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Quant aux jeunes filles, âgées de 14 à 20 ans, elles ont unanimement apprécié les cours de musique et les activités organisés par Biladi qui visent, à travers des activités culturelles, à créer des liens entre Libanais et Syriens, en les sensibilisant aux traditions communes aux deux peuples.
À les entendre, outre ce point commun, chacune des filles a été attirée par un enseignement particulier: les plantes florales, la taille des arbres ou encore la cueillette. Certaines jeunes Syriennes espèrent retourner dans leur village et aider leurs parents, d'autres préfèrent acquérir assez d'expérience pour chercher du travail dans un magasin de fleurs, etc. Toutes ont également trouvé les cours sur la prévention, la sécurité personnelle et les soins d'urgence en cas de blessure, très instructifs.

Les élèves libanais, eux, ont profité de cette session de formation pour approfondir les exercices pratiques sur le terrain. Une option qu'ils n'ont pas dans le curriculum scolaire normal qu'ils suivent. À noter que le projet financé par l'UE a permis à l'école de Nabatiyeh de louer un petit terrain près de l'école et à monter une tente agricole pour que les élèves puissent appliquer sur le terrain ce qu'ils apprennent en théorie. Pour le Libanais Mohammad Hayek, 18 ans, «dans ce secteur, le diplôme à lui seul ne suffit pas». «Les entreprises agricoles recherchent toujours l'expérience, ajoute-t-il. Les cours que nous avons suivis ici nous ont donné cette plus-value, qui nous aidera à trouver du travail, une fois nos études terminées.»

De la littérature à l'agriculture

«Au début, Libanais et Syriens se regroupaient séparément, une certaine défiance les divisait, explique Samar Khalil. Petit à petit, les élèves ont commencé à mieux se connaître. Les différences suscitent désormais de la curiosité et non plus de la crainte. L'amitié a remplacé les divergences politiques.»
C'est particulièrement le cas à l'école de Khyam, où les élèves (Syriens et Libanais) viennent de plusieurs villages environnants (Hasbaya, Chebaa, Marjeyoun, etc.). Ils constituent un échantillon du tissu confessionnel libanais.

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Première «success story» découlant de ce projet: trois des sept participants à cette formation ont décidé de poursuivre leurs études et de s'inscrire pour l'année scolaire prochaine.
Deuxième succès pour ce petit groupe: chacun d'entre eux a trouvé un travail à la fin de la formation. C'est notamment le cas de Ihsan Daher, 30 ans, de la ville frontalière de Chebaa. Ihsan avait fait des études de littérature arabe. Il donne souvent des leçons particulières à des élèves en difficulté.

«Je me suis intéressé à l'agriculture en remarquant qu'il y a beaucoup de terrains cultivables délaissés dans notre village, affirme Ihsan. Tous les jeunes ont quitté les zones rurales pour la ville. Il faut cultiver notre terre pour rester dans notre village et y vivre dignement. Grâce à la formation que je viens de recevoir, mon père m'a autorisé à cultiver une parcelle de terrain dans laquelle j'ai planté des oignons. Mon initiative a poussé plusieurs villageois à me faire confiance en me louant à prix bas des terrains pour les exploiter.»

La troisième réussite majeure du projet s'est matérialisée par le renforcement des liens personnels et professionnels tissés entre les élèves, même après la fin des cours. Un groupe a été créé sur les réseaux sociaux par les anciens élèves de Khyam qui l'utilisent pour communiquer entre eux et échanger leurs expériences professionnelles et s'entraider pour trouver des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent. «L'agriculture nous a réunis», affirme fièrement Ihsan.


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