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Liban - Commémoration

« Nous ne permettrons pas au Hezbollah de décider de la guerre et de la paix »

Dix ans après l'assassinat de son père, l'ancien Premier ministre Saad Hariri s'est prononcé sur « la nécessité » du dialogue avec le Hezbollah malgré les divergences, affirmant haut et fort que « le Liban ne fait partie d'aucun axe ».

Saad Hariri prononçant un discours très attendu lors de la cérémonie du Biel. Photos Marwan Assaf

C'est dans une atmosphère survoltée que des milliers de partisans du Courant du Futur ont commémoré samedi, au Biel, les dix ans de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, avec une vingtaine d'autres personnes, dans une explosion en plein Beyrouth. Et pour cause : l'arrivée inopinée du chef du courant du Futur, l'ancien Premier ministre Saad Hariri, qui n'a été annoncée que le matin même. Celui-ci, en exil volontaire depuis près de trois ans, est entré au Biel sous un tonnerre d'applaudissements.
Les personnalités étaient elles aussi nombreuses à faire le déplacement, le seul parti majeur non représenté étant le Hezbollah. L'ancien président de la République Michel Sleiman, des représentants d'anciens présidents, le Premier ministre Tammam Salam, le député Abdellatif Zein, représentant le président du Parlement Nabih Berry, l'ancien Premier ministre Fouad Siniora, des chefs de partis dont Samir Geagea, président des Forces libanaises (FL), et son épouse, la députée Sethrida Geagea, ainsi que de nombreux ministres, députés et autres hommes politiques, des personnalités religieuses (notamment le mufti de la République et Mgr Boulos Matar, représentant le patriarche maronite Béchara Raï) et de nombreux ambassadeurs. Des députés et ministres du Courant patriotique libre (CPL), qui avaient autrefois boycotté cette cérémonie, étaient également présents, notamment le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil.

« Le plus grand danger, le vide présidentiel »
Dans son discours très attendu, Saad Hariri n'a pas ménagé le Hezbollah, avec lequel son parti tient actuellement des réunions de dialogue. Un dialogue qui « n'est pas un luxe politique ou une simple tentative de surmonter les obstacles qui nous séparent, mais tout simplement une nécessité à ce stade », selon lui. « Une nécessité islamique, a-t-il ajouté, pour atténuer la tension sectaire qui ne peut plus être négligée, et une nécessité nationale pour rectifier le processus politique et mettre fin à la vacance présidentielle. » Car « le plus grand danger reste le vide présidentiel », a-t-il insisté. « Certains se réjouissent peut-être de la vacance présidentielle et de la répartition des pouvoirs du président sur 24 ministres, a-t-il dit. Dans ce contexte, il est important de souligner que la présence de 24 ministres ne compense pas l'absence du chef de l'État et que le Conseil des ministres ne peut remplacer le président que dans des cas exceptionnels. »
Revenant sur le dialogue avec le Hezbollah, Saad Hariri a évoqué les différends qui demeurent, évoquant le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), la question de la légitimité des armes entre les mains de partis et les conflits régionaux, notamment en Syrie, au Yémen et au Bahreïn. Répondant, sans le nommer, au commandement du Hezbollah selon lequel le Liban fait partie de l'axe irano-syrien, Saad Hariri a déclaré : « Le Liban ne fait pas partie de cet axe. Il ne fait partie d'aucun axe régional, le pays ne servira jamais de carte politique. » « Nous ne permettrons pas au Hezbollah de décider de la guerre et de la paix au Liban, qui est du ressort exclusif de l'État libanais », a-t-il martelé.
Autre pomme de discorde, l'engagement du Hezbollah dans le conflit syrien. « Quel est l'intérêt de la jeunesse libanaise d'aller combattre en Syrie ? » s'est demandé Saad Hariri, réitérant son appel au Hezbollah de retirer ses hommes de ce conflit. « Toute tentative de sauver le régime syrien est une folie, a-t-il affirmé. La présence du Hezbollah dans le Golan est une folie aussi. Il faut se retirer de ce conflit pour sauver le Liban des incendies qui le guettent. Assez ! » Il faisait référence à l'implication du Hezbollah dans le Golan syrien, où un raid israélien le 18 janvier a fait six morts parmi les membres du parti, ce qui a enclenché une riposte du Hezb qui a tué deux soldats israéliens à la frontière quelques jours plus tard.
Tout en assurant que les efforts de son parti dans le cadre de ce dialogue sont « sérieux », l'ancien Premier ministre a affirmé que les raisons des tensions sont toujours présentes, citant plus précisément « le refus du Hezbollah de remettre à la justice les accusés dans l'assassinat de Rafic Hariri » et « le comportement de certains qui se sentent au-dessus de la loi et qui ne sont pas concernés par le plan sécuritaire du gouvernement. »

« Je suis un fanatique de la modération »
Commentant la vague islamiste dans la région, Saad Hariri a affirmé que son parti représente la modération et lutte aux côtés de l'État contre l'intégrisme religieux et le terrorisme. « Nous avons compris il y a longtemps qu'il n'existe pas de compromis entre la modération et l'intégrisme, ni un juste milieu entre l'armée et la milice, la paix et la guerre civile, a-t-il déclaré. Je suis venu vous dire que je ne suis pas un modéré, je suis un fanatique. Je suis un fanatique du Liban, de l'État et de la Constitution. Je suis un fanatique des institutions, de la légitimité, de l'armée, des Forces de sécurité intérieure, je suis un fanatique de la croissance économique, des opportunités d'emploi et d'une vie digne, je suis un fanatique de la coexistence et de la parité, je suis un fanatique de la construction d'un État civil, un État de droit, qui gouverne tous les citoyens par la loi, et seulement par la loi. (...) Je suis un fanatique de la souveraineté, de la liberté et de l'indépendance. »
M. Hariri s'est prononcé dans ce cadre pour un État civil rassembleur et pour la liberté de conscience et de croyance.

« Justice sera faite »
S'adressant directement à son père disparu, Saad Hariri lui a retracé la longue série noire d'événements qui ont frappé la région arabe en dix ans : la guerre israélienne contre le Liban en 2006 qui a rendu le pays « otage », puisque la décision de guerre et de paix n'est plus entre les mains de l'État, l'écroulement de régimes, la « destruction de la Syrie par (le président syrien) Bachar el-Assad », l'extrémisme qui sème la mort, le chaos au Yémen, l'abandon de la cause palestinienne par les Arabes, la chute de la Libye aux mains de milices...
« Mais nous ne renoncerons pas au rêve de Rafic Hariri, a affirmé le leader du courant du Futur. Nous ne baisserons pas les bras. Nous allons continuer à défendre la modération face à l'intégrisme et à la barbarie. » Car, a-t-il dit, les assassins de Rafic Hariri « ont voulu tuer un symbole de la réussite et de la reconstruction au Liban et dans le monde arabe », liant cet assassinat aux séismes successifs dans les pays arabes.
Saad Hariri n'a pas manqué, en cette dixième commémoration, d'évoquer le Tribunal spécial chargé d'enquêter sur l'assassinat de son père, se disant confiant que « justice sera faite et que les accusés seront enfin condamnés ».
Avant le mot de Saad Hariri, d'émouvants témoignages ont été donnés par d'anciens bénéficiaires de bourses qu'offraient Rafic Hariri aux étudiants à travers ses institutions. Ils ont mis en valeur l'importance que ce coup de pouce a eu dans leur vie ainsi que dans leur réussite. Par ailleurs, des personnalités et des partisans de Rafic Hariri ont défilé devant sa tombe durant la journée, à la mosquée Mohammad el-Amine au centre-ville. C'est là aussi qu'a eu lieu une cérémonie en sa mémoire en matinée, au cours de laquelle sa veuve Nazek Hariri et le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé se sont exprimés.

C'est dans une atmosphère survoltée que des milliers de partisans du Courant du Futur ont commémoré samedi, au Biel, les dix ans de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, avec une vingtaine d'autres personnes, dans une explosion en plein Beyrouth. Et pour cause : l'arrivée inopinée du chef du courant du Futur, l'ancien Premier ministre Saad Hariri, qui n'a été annoncée...

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