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Moyen Orient et Monde - Le point

Criminels et châtieurs

Dans la descente vers l'horreur absolue existe-t-il un ultime palier ? Si oui, alors il vient d'être franchi par les responsables de la mort atroce de Maaz al-Kassasbeh, forts nous dit-on de l'enseignement d'un théologien radical du XIIIe siècle, Ibn Taymiya, qui disait : « Si la mort horrible (...) permet de repousser l'agression, il s'agit d'un jihad légitime. » Ce doux vieillard condamnait alors les envahisseurs mongols qui prétendaient s'être convertis à l'islam alors qu'ils n'en suivaient pas les préceptes.
Il faut croire que les tortueux stratèges de l'État islamique ont estimé dépassé le recours aux formes d'exécution capitale – lapidation, décapitation, crucifixion – en cours depuis leur entrée en lice dans les guerres proche-orientales et qu'ils ont jugé propre à frapper l'imagination le retour au bûcher médiéval pour dissuader la Coalition de poursuivre ses frappes en Irak, en Syrie, au Yémen. Il s'avère qu'ils se sont trompés du tout au tout : depuis mardi, la colère ne cesse de monter d'un bout à l'autre du monde arabe et dans tout l'Occident, en même temps que les appels à en finir avec les hordes barbares « ennemies de l'islam », comme l'a dit un porte-parole officiel saoudien. Le grand imam d'al-Azhar, cheikh Ahmad al-Tayeb, a été plus loin, réclamant à l'encontre des impies « la punition prévue dans le Coran : la mort, la crucifixion ou l'amputation de leurs mains et de leurs pieds ». En outre, les voix qui critiquaient l'engagement de Amman dans les frappes aériennes contre les positions des terroristes ou encore la manière dont étaient menées les négociations pour la libération de l'otage se sont brusquement tues, laissant s'élever les appels à une mobilisation qui ne laissera aucun répit aux nouveaux Huns.
Ainsi donc, en recourant à une vidéo de vingt-deux minutes, destinée à « terroriser » l'ennemi, Abou-Bakr al-Baghdadi et ses psychopathes, autoproclamés justiciers de droit divin, auront réussi à mobiliser contre eux une opinion publique pourtant « mithridatisée » depuis longtemps et qu'avait fini, jadis, par ne plus émouvoir le spectacle des bonzes vietnamiens qui s'immolaient par le feu, sur la place publique, pour protester contre la guerre et ses méfaits, ou bien, hier encore, l'insoutenable vue des entassements de morts fauchés par les barils d'explosifs d'un tyran qui prétend défendre la civilisation.
Dix minutes après la diffusion du film montrant le supplice de l'aviateur jordanien, et comme s'il réalisait soudain la monstruosité de son acte, l'EI se fendait d'une liste de justifications destinées à expliquer, face aux critiques, ses mobiles. Les auteurs de cette bien étrange défense révélaient dans le même temps que le pilote avait été enterré vivant. On peut en douter car la victime affichait des traces évidentes de la torture subie durant ses multiples interrogatoires et marchait péniblement « comme s'il lui avait fallu répéter plusieurs fois la scène », selon les spécialistes qui ont examiné le film. Enfin, il est difficile, sinon impossible, à un organisme diminué par des jours de détention de résister longtemps aux flammes.
Selon la télévision jordanienne, Maaz al-Kassasbeh aurait été exécuté par ses geôliers il y a un mois, jour pour jour. Ce qui signifierait que, depuis, les daéchistes négociaient par voie indirecte avec le pouvoir hachémite, réclamant la libération d'une Irakienne détenue par les Jordaniens, alors qu'ils n'avaient plus à leur offrir en échange que l'un des deux otages japonais qu'ils détenaient. Le 9 novembre 2005, Sajida al-Rishawi et son époux, Ali Hussein al-Shamari, étaient entrés dans la salle des fêtes de l'hôtel Radisson de Amman, où se tenait une réception de mariage, pour y perpétrer un attentat. Contrairement au sien, le dispositif que portait son mari avait fonctionné, faisant 38 tués. Arrêtée, elle était passée aux aveux avant de se rétracter et de devenir l'icône de l'EI, puis de se balancer hier au bout d'une corde, en même temps qu'un certain Ziad Khalaf al-Karbouli, un Irakien paumé, prétendument membre d'el-Qaëda et même bras droit d'Abou-Moussaab al-Zarqaoui,qui avait assassiné un automobiliste jordanien.
Et maintenant ? Daech vient de se faire de nouveaux ennemis : outre les redoutables services de renseignements jordaniens, le peuple hachémite, l'importante tribu de Karak à laquelle appartenait l'infortuné pilote de F-16 et une opinion publique arabe qu'ont fini par lasser les abus de ceux qui, depuis longtemps, n'ont plus rien d'humain.
Au fait, ceux-là connaissent-ils Lamennais et son œuvre ? Elle est de lui cette pensée : « Pour la philosophie, le crime est une erreur ; pour la religion, l'erreur est un crime... »

Dans la descente vers l'horreur absolue existe-t-il un ultime palier ? Si oui, alors il vient d'être franchi par les responsables de la mort atroce de Maaz al-Kassasbeh, forts nous dit-on de l'enseignement d'un théologien radical du XIIIe siècle, Ibn Taymiya, qui disait : « Si la mort horrible (...) permet de repousser l'agression, il s'agit d'un jihad légitime. » Ce doux vieillard...

commentaires (3)

Ce qui me gene dans cet article et qui fait tout son interet , c'est l'opposition violence/philosophie , en ne prenant pas soin de ne pas "manicheeiniser" les debats . La violence etant du cote arabo salafo wahabite binsaoud et la philosophie de la non violence du cote occidental . Merville aurait bien pu faire l'effort de nous citer des philosophes arabes ou persans contre toute forme de violence (soufisme ) et on ne se serait poser aucune question , mais voila , meme l'appel du grand Imam d'Al Azhar qui demandait a reagir a la violence barbare des salafowahab par la violence dite islamique est mal ressenti parce que si Romain Roland nous dit :la violence n'est le credo d'aucune religion, Jean Pierre Guay vous repond Merville : dis moi quelle violence est pire que le silence ?

FRIK-A-FRAK

10 h 58, le 05 février 2015

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Commentaires (3)

  • Ce qui me gene dans cet article et qui fait tout son interet , c'est l'opposition violence/philosophie , en ne prenant pas soin de ne pas "manicheeiniser" les debats . La violence etant du cote arabo salafo wahabite binsaoud et la philosophie de la non violence du cote occidental . Merville aurait bien pu faire l'effort de nous citer des philosophes arabes ou persans contre toute forme de violence (soufisme ) et on ne se serait poser aucune question , mais voila , meme l'appel du grand Imam d'Al Azhar qui demandait a reagir a la violence barbare des salafowahab par la violence dite islamique est mal ressenti parce que si Romain Roland nous dit :la violence n'est le credo d'aucune religion, Jean Pierre Guay vous repond Merville : dis moi quelle violence est pire que le silence ?

    FRIK-A-FRAK

    10 h 58, le 05 février 2015

  • "Un doux vieillard, le théologien du XIIIe siècle Ibn Taymiya" ? C'est par l'inspiration de la "théologie" assassine de cet homme que les islamistes takfiristes commettent au 21e siècle tous les crimes, toutes les barbaries, toutes les monstruosités possibles et imaginables.

    Halim Abou Chacra

    05 h 51, le 05 février 2015

  • Dès que la séparation des églises et de l’État dans les sociétés évoluées est soumise au questionnement ; dès que, par conséquent, celui-ci s'élève à des problèmes véritablement humains, il se trouve en dehors du Statisme Sectaire Oriental ; à moins de prendre son objet par le petit côté : Le rapport du monde confessionnel en général au monde profane est un problème capital des temps modernes. Mais sous quelle forme ce problème commence-t-il à préoccuper ces simples Orientaux ? Et bien, sous la forme archaïque du système prohibitif réactionnaire et rétrograde. "L’Arabisme" niais avait ainsi placé en orbite des hommes à lui dans la stratosphère, si bien qu'un beau jour certains de ces éleveurs-nomades de la chèvre, du chameau et du fameux crapaud se crurent métamorphosés en demi-dieux ! En fait, on commence à peine en Orient à essayer de vouloir reconnaitre la souveraineté d’une certaine séparation des "églises" et de l’État, dans le but inespéré de tenter d’ôter à ces "églises" de tous ordres leur monopole sur les "âmes" au sein de cet Orient. On commence donc à faire en cet Orient arriéré, ce par quoi l'on a fini chez les peuples évolués ! L'ancien système pourri contre lequel ces mêmes peuples se révoltent toujours tant en théorie qu’en pratique et qu'ils supportent encore simplement comme l'on supporte des menottes, est toujours salué en Orient ici comme l'aube naissante d'un "bel" avenir qui ose même encore passer de la théorie astucieuse à la - b r u t a l e - pratique !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 27, le 05 février 2015

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