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Liban - Rassemblement

Beyrouth a vibré hier avec Paris, pour la liberté et « Charlie Hebdo »

Le jardin Samir Kassir était noir de monde hier, à l'invitation de SKeyes, pour défendre la liberté d'expression et condamner l'odieux assassinat des caricaturistes de « Charlie Hebdo ».

Photo via Twitter (@carolmalouf)

« Je suis Charlie. Liberté d'expression. » C'est sur ce thème et en silence que plusieurs centaines de personnes se sont regroupées hier à 16 heures, au jardin Samir Kassir, au centre-ville de Beyrouth, et simultanément avec la manifestation de Paris, pour exprimer leur solidarité aux journalistes du magazine français humoristique Charlie Hebdo, assassinés mercredi dernier lors d'un attentat terroriste.

Brandissant des écriteaux, journalistes et étudiants, Libanais et étrangers, Français et Européens, grands et petits, ont répondu individuellement ou en famille à l'invitation lancée sur les réseaux sociaux par l'association SKeyes qui porte le nom du journaliste libanais assassiné, Samir Kassir.

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Pour la circonstance, pas de paroles, ni de discours ronflants. Les slogans, couchés sur des écriteaux, étaient suffisamment explicites. « J'ai mal à la plume », brandissait une jeune fille, Nour Rifaï, sur son fauteuil roulant. « Non, vous n'aurez pas ma liberté de penser, de prier, de m'exprimer, je suis Charlie », disait Rita Chémaly, une mère de famille blogueuse, venue avec son époux et son bébé, afin « d'assurer un avenir meilleur à leur fils ». Son mari, lui, affichait un « Oui à la liberté d'expression, je suis Charlie ». Plus loin, un jeune homme arborait un énorme « Je suis Ahmad ». Un slogan en anglais lançait aussi : « Nous n'avons pas peur », tandis qu'un autre soulignait : « Islam n'est pas égal à Daech ».

Journalistes, blogueurs, personnalités politiques

C'est dire la détermination silencieuse qui régnait hier après-midi au centre-ville de Beyrouth pour défendre la liberté d'expression. Au rendez-vous de cet événement, de nombreux journalistes libanais et étrangers, dont la journaliste May Chidiac, cible d'un attentat. « Je me sens directement concernée parce que je suis victime et française », a-t-elle dit avec émotion à L'Orient-Le Jour, avant de dénoncer « la réponse par le crime à la libre expression ». Étaient également présents Walid Kassir, frère de Samir Kassir, et Malek Mroué, fils du journaliste assassiné Kamel Mroué. Il faut dire que de nombreux journalistes libanais ont payé de leur vie leur libre plume : Gebran Tuéni, Salim Lawzi, Riad Taha, Moustapha Geha... La liste est longue et s'affiche en grand, sous le regard respectueux des manifestants, de même que ce slogan brandi bien haut par un manifestant : « Je suis la liberté d'expression meurtrie #charlie-samir-gebran ».

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Venue spécialement du Koura en famille « pour marquer le coup », l'universitaire et blogueuse Souha Tarraf assurait : « La liberté d'expression est essentielle pour moi, je me devais d'être là. » Un attentat avait pourtant touché Tripoli, la veille. Même détermination de la journaliste Bélinda Ibrahim, qui refuse la polémique créée par le slogan « Je suis Charlie » ou celle du journaliste syrien, Ammar Abed Rabbo, dont les photos de la guerre à Alep ont fait le tour du monde. Debout, souriant malgré sa « grande tristesse d'avoir perdu des confrères et amis, surtout Wolinski », Stavro, le caricaturiste, n'a pas hésité à montrer ses nouveaux dessins qui prônent la liberté d'expression, comme une preuve de sa solidarité envers ses collègues français assassinés. « Je ne m'arrêterai pas », a-t-il promis.

Au sein de Monsieur Tout-le-monde, nombre de personnalités ont répondu à l'appel, notamment le ministre de l'Information, Ramzi Jreige, et l'ancien ministre Walid Daouk, représentant l'ancien président de la République, Michel Sleiman. Faisant part de « sa solidarité avec le peuple français », le ministre Jreige a insisté sur la nécessité pour les pays « de s'unir pour faire face au terrorisme takfiriste dans le monde ». « Ce terrorisme ne fait pas la différence entre un humain et un autre, ni entre Français ou Libanais », a-t-il constaté.

L'Europe, une présence en force

Le monde diplomatique n'était pas en reste et s'est mobilisé en nombre impressionnant pour dire « non » au terrorisme et « oui » à la liberté d'expression. Porte-parole de l'ambassade de France en l'absence de l'ambassadeur Paoli qui se trouve à Paris, le chargé d'affaires, Jérôme Cauchard, a salué l'initiative de la société civile libanaise. « Pour nous, Français, tout ce qui vient du Liban est important, vu l'amitié entre les deux pays, a-t-il assuré à L'Orient-Le Jour. De plus, le Liban a payé un lourd tribut pour la liberté d'expression. » Preuve de la reconnaissance de la France, la participation à l'événement de la quasi-totalité des membres de l'ambassade.

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Même mobilisation de l'Union européenne qui a vu la présence de nombreux ambassadeurs et représentants, parmi lesquels l'ambassadeur de Belgique, Alex Lenaerts, soucieux de défendre « la liberté de pensée et d'opinion, la tolérance et le vivre-ensemble ». Arrivée aux côtés de l'ambassadeur d'Arabie saoudite, Ali Awad Assiri, l'ambassadrice de l'Union européenne, Angelina Eicchorst, clamait haut et fort : « Nous sommes là pour montrer que nous n'avons pas peur et que la liberté d'expression doit être défendue à tout prix et par tout le monde. Nous ressentons d'ailleurs une force énorme qui monte en puissance pour dire que cela suffit. » De son côté, M. Assiri a présenté ses condoléances à la France et aux familles des victimes, avant de condamner « cet acte terroriste en particulier et tout acte terroriste ». « Le monde a besoin d'une stratégie internationale pour faire face au terrorisme. Car le terrorisme n'a rien à voir avec la religion et n'a pas de religion », a-t-il souligné à L'Orient-Le Jour.

Toujours sur place malgré la nuit qui tombait, trois adolescentes binationales, Nay, Tala et Alicia, regrettaient qu'il n'y ait pas eu plus de monde et surtout plus de Libanais.

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Mais pour Ayman Mehanna, organisateur de l'événement et porte-parole de SKeyes, le rassemblement, lancé sur les réseaux sociaux, était « beau et plein de classe », car il a « transmis le message en faveur de la liberté d'expression ». « Nous avons aussi voulu dire à la France que nous ne connaissons que trop bien la douleur de ceux qui perdent des proches au nom de la liberté d'expression », a-t-il souligné, mettant en exergue le caractère symbolique de ce sit-in, à Beyrouth, ville où ont été assassinés de nombreux journalistes. « C'était enfin, a-t-il poursuivi, un rassemblement contre tous les " mais... ", car il est important de ne pas banaliser le meurtre contre la liberté d'expression. »

Cerise sur le gâteau pour l'organisateur, la présence positive de l'ambassadeur d'Arabie saoudite. Une présence, qui, espère Ayman Mehanna, sera accompagnée de progrès dans le domaine de la liberté d'expression, d'autant qu'elle survient au « lendemain de la flagellation du blogueur Raïf Badaoui ».


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commentaires (2)

Bravo à cette Beyrouth et à ses bons Beyrouthins !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 24, le 13 janvier 2015

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Commentaires (2)

  • Bravo à cette Beyrouth et à ses bons Beyrouthins !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 24, le 13 janvier 2015

  • On a fait dire à Samir Kassir “Je suis Charlie”, en tête de liste, au-dessus des autres noms qui sont morts (ou ont failli mourir) non pas de rire, mais de pleurs pour leur pays. Comme si on savait ce qu’aurait dit Samir Kassir. S’il aurait dit « Je suis Charlie » ou pas. On a décidé pour lui et on lui a fait dire ce qu’il n’aurait pas dit. Ou il l’aurait dit autrement… ou avec un « mais »...Samir Kassir n’était pas, à ce que je sache, pour la liberté d’expression libertaire, la liberté tyrannique, insultante, offensante, vulgaire, triviale ; la liberté d’expression hypocrite, à deux poids, deux mesures. Samir Kassir était respectueux de la liberté (ou la non liberté) des autres, de la liberté de croyance, entre autres, et n’utilisait pas son stylo pour provoquer et narguer, mais pour éclairer. C’était un féru de la liberté d’expression responsable, et pas son contraire. Cessez de faire dire à Samir Kassir ce qu’il n’aurait jamais dit ou lui faire adopter des attitudes contraires à sa nature et à ses principes. Il n’est malheureusement pas là pour confirmer vos dires. Dans l’absence, on s’abstient.

    Ronald Barakat

    01 h 03, le 13 janvier 2015

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