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À La Une - Irak-Syrie

Guerre contre l'EI : Téhéran incontournable "pour le meilleur et pour le pire"

"En réalité, Khamenei a fait de Téhéran le partenaire silencieux de l'Amérique au Moyen-Orient".

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, le 4 juin 2014. Photo AFP

L'implication de l'Iran dans la guerre contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) confirme la place de Téhéran comme acteur régional incontournable, mais souligne aussi les ambiguïtés d'une lutte internationale qui rassemble des pays aux agendas contradictoires, selon des experts.

Mardi, le Pentagone a révélé que des chasseurs-bombardiers iraniens, des F-4 Phantom, avaient au cours des derniers jours mené des raids aériens contre des positions du groupe jihadiste sunnite dans l'Est de l'Irak, près de la frontière iranienne. Toute frappe iranienne contre l'organisation Etat islamique en Irak "a un effet qui, au final, est positif", a réagi mercredi à Bruxelles le secrétaire d'Etat américain John Kerry.

Même si Washington et Téhéran prennent grand soin d'affirmer qu'aucune coordination directe entre leurs forces armées n'est à l'ordre du jour, cette escalade de l'implication iranienne sur le théâtre d'opérations irakien montre que la coalition anti-EI peut et doit compter avec les initiatives iraniennes.

L'implication de Téhéran dans la crise irakienne n'est pas nouvelle, et antérieure aux frappes de Washington en Irak, rappellent les experts, qui soulignent que sans la pression iranienne l'ancien Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, honni par les sunnites, n'aurait jamais quitté le pouvoir.
"Les Iraniens ont été plus rapides que les Américains pour répondre aux besoins de défense des Irakiens et ont déployé certaines de leurs forces sur le terrain bien avant le début des frappes américaines" le 8 août, rappelle Rosemary Hollis, professeur à l'université londonienne City University.

"Paradoxalement, l'Iran et les Etats-Unis sont devenus des alliés objectifs contre Daech" (autre appellation de l'EI), confie à l'AFP Denis Bauchard, de l'Institut français de relations internationales (Ifri). "Cela confirme ce que l'on savait déjà: l'Iran est un acteur incontournable sur tous les grands dossiers régionaux".

 

(Lire aussi : Les défis des États-Unis au Moyen-Orient)



Pour Didier Billion, directeur-adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), "il ne s'agit pas encore d'une alliance, mais Washington et Téhéran ont un intérêt commun, lutter contre Daech. On peut d'ailleurs imaginer que si ces frappes ont eu lieu, il y a eu des contacts préalables entre Etats-Unis et Iran".
"Ce dernier développement prouve en tout cas une chose: sur tous les dossiers régionaux, Téhéran est absolument incontournable, pour le meilleur et pour le pire", ajoute-t-il.

"Coopération opérationnelle"
Des "contacts préalables" et directs semblent peu probables, mais lors d'une conférence de presse à Washington le contre-amiral John Kirby, porte-parole du Pentagone, a insisté sur le rôle du gouvernement irakien dans la coordination des frappes aériennes menées par les différents pays participant à la coalition anti-EI dirigée par les Etats-Unis.

Les liens étroits entretenus entre le gouvernement chiite irakien et les autorités chiites iraniennes laissent donc supposer que la coordination des actions militaires entre les armées américaine et iranienne peut passer par Bagdad. D'autant que le centre de commandement aérien américain, basé au Qatar, ne peut pas ne pas avoir détecté les mouvements des Phantom iraniens au moment même de leur décollage.

"Téhéran a effectivement permis une coopération opérationnelle avec les Etats-Unis", écrivait récemment, dans un rapport de l'Institut Brookings, l'Américain Michael Doran, ancien sous-secrétaire adjoint à la Défense sous l'administration Bush. "En réalité, (le guide suprême iranien Ali) Khamenei a fait de l'Iran le partenaire silencieux de l'Amérique au Moyen-Orient", soulignait cet expert, rappelant notamment les contacts secrets engagés entre Washington et Téhéran sur le dossier nucléaire iranien.

Mais s'ils sont des alliés objectifs dans la lutte anti-EI en Irak, Washington et Téhéran n'en ont pas moins des agendas divergents sur bien des dossiers, à commencer par la lutte anti-EI en Syrie, où l'Iran soutient sans faille le président Bachar el-Assad, officiellement au ban des Occidentaux.

En outre, les alliés sunnites de Washington dans la région, au premier rang desquels l'Arabie saoudite, voient d'un mauvais œil cette réintégration de facto de l'Iran sur la scène internationale.
"Il sera impossible d'obtenir un véritable soutien des Etats arabes sunnites si la coalition et les Etats-Unis ferment les yeux sur les milices chiites (soutenues par l'Iran) qui nourrissent la tension sectaire en Irak et en Syrie", avertissait en septembre Riad Kahwaji, responsable du centre de réflexion Inegma à Dubaï.

 

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