Ce n'est plus un Parlement. C'est un viager.
La Constitution libanaise a tellement été violée, giflée, que le jour où elle se fera respecter, dans son esprit et dans sa lettre, elle n'en reviendra pas. Il sera alors temps de la remplacer. En attendant, rien ne ressemble davantage à du cannibalisme que cet amendement constitutionnel pour la seconde fois seulement, à titre exceptionnel, de la Loi fondamentale. Défendue, avec la certitude absolue que le ridicule ne tue pas, par un Nicolas Fattouche désorbité, cette chierie a atteint une dimension mystique. Surréelle. Et du coup, particulièrement drôle.
Les Libanais sont tellement habitués à devoir choisir, exclusivement, entre peste et choléra, qu'ils ne se rendent absolument plus compte que c'est désormais à l'unisson que les deux maux, indistinctement, les frappent de plein fouet. Préférer la prorogation au vide constitutionnel : les Forces libanaises, et avec elles le courant du Futur, se mettent le doigt dans l'œil jusqu'aux omoplates. C'est bonnet marron et marron bonnet.
Ici plus que partout ailleurs, la démagogie, le populisme, le poujadisme et, plus que tout, la mauvaise foi ont atteint des Everest stratosphériques. Rien au monde ne peut désormais battre le refus ostentatoirement exhibé des députés CPL, et Kataëb pour le coup, de voter la prorogation du mandat parlementaire. Si au moins ils démissionnaient, juste pour le principe, ces principes qu'ils n'ont plus, ou n'ont jamais eus. Si au moins, en ce qui concerne ce CPL, ils ne bloquaient pas la présidentielle avec l'équation la plus stupide qui ait jamais été imposée à ce pays : ou Aoun ou le vide – même Mikhaïl Daher s'en sortait mieux... Parce que, tout le monde le sait, à peine un président de la République est élu que les dates du scrutin législatif seraient automatiquement fixées.
Il y a un problème dans ce pays : plus personne ne craint le ridicule.
Surtout pas le Hezbollah. Le Hezb s'en tape : président ou pas président, gouvernement ou pas gouvernement, Parlement ou pas Parlement, il n'en a rien à cirer : il a ses miliciens au-dedans et ses mercenaires au-dehors.
Au Burkina Faso, la population a donné : ils ont éjecté Blaise Compaoré de la présidence et l'ont exilé dans une cage dorée en Côte d'Ivoire parce qu'il entendait piétiner la Constitution. Les burkinabés sont fiers de ce qu'ils ont fait. Les Libanais, excepté cette poignée de braves irréductibles, shootés à la tomate et à l'œuf pourri, ont pratiquement abdiqué. Il faut dire qu'après avoir construit pierre par pierre l'un des plus beaux jours de l'histoire du Liban, c'était un 14 mars 2005, et après avoir vu se défaire, mois après mois, année après année, l'œuvre de toute une vie, ils ont décidé, résignés, épuisés, aquabonistes ou menfoutistes, qu'on ne les y reprendra plus.
Pourquoi voudrait-on, alors qu'ils n'ont jamais eu à rendre le moindre compte à ceux qui les ont faits princes, que ces 127 élus de la nation (décédé, le député Michel Hélou n'a toujours pas de successeur à Jezzine) soient plus royalistes que les rois, c'est-à-dire que ces Libanais qui ont eu la malencontreuse idée de voter pour eux en 2009 ? Pourquoi voudrait-on qu'ils scient la branche, en or massif, sur laquelle ils sont vautrés depuis des années ?
D'autant que s'ils démissionnaient, ou que si des législatives étaient fixées sans que la loi ne soit intelligemment et définitivement modifiée, sans que les mentalités ne commencent ne serait-ce qu'un minimum à évoluer, l'hémicycle les reverrait, dans leur immense majorité, débouler de nouveau avec leurs grands sourires très niais.
Ce n'est pas la Suisse qui a enfanté des Suisses. Ce sont les Suisses qui ont créé la Suisse.
Ce n'est plus un Parlement. C'est un viager.La Constitution libanaise a tellement été violée, giflée, que le jour où elle se fera respecter, dans son esprit et dans sa lettre, elle n'en reviendra pas. Il sera alors temps de la remplacer. En attendant, rien ne ressemble davantage à du cannibalisme que cet amendement constitutionnel pour la seconde fois seulement, à titre exceptionnel, de...
commentaires (6)
Quand un peuple ne bouge pas , ce sont les politiciens qui sauront bien se moquer de lui en jouant la comédie de la prorogation.
Sabbagha Antoine
21 h 39, le 08 novembre 2014