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Liban - Rencontre

Le mufti Deriane : Il n’y aura pas de discorde entre sunnites et chiites au Liban

La délégation présidée par Élias Aoun, hier, en compagnie du mufti Deriane à Dar el-Fatwa. Photo Dalati et Nohra

Centrisme, modération, des mots qui reviennent souvent dans les propos du nouveau mufti cheikh Abdellatif Deriane, élu à la suite d'une médiation égypto-saoudienne. Il est donc l'homme d'une situation et d'une mission dont il révèle les contours à la délégation du conseil de l'ordre des journalistes.
Le pas vif et les yeux mobiles, le nouveau mufti tient à faire la bise à chaque membre de la délégation du syndicat des rédacteurs (sauf l'élément féminin bien sûr). Pour entamer sa mission, il veut mettre tous les atouts de son côté et la presse écrite en fait partie. Il a d'ailleurs préparé un discours pour la circonstance qu'il prononce dans le salon d'apparat de Dar el-Fatwa, où la lumière tamisée qui passe à travers les vitraux donne encore plus de solennité au lieu. Après l'hommage que lui adresse le président du syndicat Élias Aoun, le mufti Deriane prend donc la parole, insistant sur le fait que Dar el-Fatwa n'est pas seulement un lieu pour les musulmans, mais pour tous les Libanais. Le mufti affirme que Dar el-Fatwa a des constantes nationales qui représentent en quelque sorte « la conscience des Libanais » et sont l'expression de leurs soucis.


Tout en assurant que la transition à cette fonction a eu lieu de façon civilisée, car, selon lui, Dar el-Fatwa est attachée au principe de l'alternance, le mufti tient à mettre en avant la cohésion intermusulmane. Il place ainsi en tête de ses priorités la nécessité de « mettre en ordre la maison », sans préciser s'il s'agit de la communauté sunnite ou musulmane dans son sens large. Mais il ajoute que quelles que soient les divergences entre les différentes confessions musulmanes, ce qui les unit reste plus important que ce qui les divise. Le mufti Deriane déclare encore qu'après avoir apaisé la famille musulmane, il faudra chercher à renforcer les relations islamo-chrétiennes pour atteindre enfin le concept de citoyenneté qui regroupe tous les Libanais.
Le mufti ajoute que ce qui se passe dans le monde arabe « nous attriste, et face aux tempêtes qui frappent les pays voisins, nous devons resserrer les liens entre nous ».

 

(Lire aussi : Nasrallah : Ce n'est pas vrai que nous voulons entraîner le pays vers le vide...)


Tout en critiquant l'organisation Daech sans la nommer, le mufti affirme que l'islam n'a rien à voir avec ces gens-là. « L'islam que nous connaissons et que nous enseignons, dit-il, est synonyme de modération et de centrisme. Les actions de certains qui se disent musulmans ne frappent pas seulement les chrétiens. Elles frappent les musulmans et nuisent à l'islam. »
Le mufti est aussi convaincu qu'entre l'islam et le christianisme, il y a de nombreux points communs puisque ces deux religions célestes tournent autour de l'homme. Le Prophète est ainsi l'envoyé de Dieu sur terre et chargé de répandre sa parole. Le mufti Deriane insiste ainsi sur le fait que l'islam est une religion d'ouverture et de tolérance. Il affirme, dans ce cadre, son intention de poursuivre le dialogue islamo-chrétien. Mais, selon lui, il ne s'agit pas de parler à l'infini. Il faut désormais passer à l'action et la pratique. Il faut donc établir entre les religions une coopération concrète sur la base des points communs humains et nationaux.
Le mufti est convaincu que le respect de ces principes assure la stabilité du pays. Chaque confession et chaque religion ont leurs particularités qu'il faut préserver et nul ne doit intervenir dans les affaires internes de l'autre. Mais tous doivent se retrouver autour des principes nationaux communs.
Le mufti rappelle que le Liban a obtenu son indépendance grâce à l'action de certaines personnalités. « Notre responsabilité, déclare-t-il, est de préserver cette indépendance, dans le cadre d'un État de droit qui respecte toutes les communautés ».


Le mufti affirme encore que les chrétiens et les musulmans ont fondé ensemble le Liban et composent ensemble l'Orient. « On ne peut pas imaginer un Orient sans les chrétiens ou sans les musulmans, dit-il. Nous devons préserver cette civilisation et cet héritage. Il s'agit d'une responsabilité historique que nous devons assumer tous ensemble. Nous devons donc voir ce qui entrave notre mission et chercher à le régler. »
Le mufti rappelle que c'est ce même esprit d'entente et d'unité qu'il a voulu insuffler dans ses discours au moment de la prise en charge de ses fonctions. « Au Liban, ajoute-t-il, nous sommes une société unie qui ne doit en aucun cas être un environnement favorable à la pensée extrémiste. » « Et elle ne l'est pas », affirme-t-il.
Mais certaines personnalités musulmanes n'encouragent-elles pas la pensée extrémiste? « Nous ne pouvons pas juger la religion sur la base du comportement de certaines personnes, répond le mufti. Les constantes religieuses et nationales ne doivent pas être remises en question et nous ferons en sorte qu'il n'y ait pas de discorde entre sunnites et chiites, ni entre chrétiens et musulmans. »
Ces positions ne viennent-elles pas un peu en retard ? « Depuis le début, notre position est claire par rapport aux groupes extrémistes. Tout comme le sont les positions de cheikh al-Azhar et de nombreux cheikhs saoudiens. Mais aujourd'hui, on ne peut plus faire face à cette menace avec des méthodes traditionnelles. Nous devons combattre la pensée extrémiste par la pensée en veillant à l'éducation religieuse dans les écoles et même dans les familles. Il faut que ce soit clair, le terrorisme n'a pas de religion. Il ne faut donc pas dire que ces groupes sont sunnites. Ils sont terroristes, un point c'est tout. Nous avons d'ailleurs donné des instructions en ce sens à ceux qui prononcent les prêches dans les mosquées », dit-il.


Le mufti est catégorique, ce qui s'est passé au cours des dernières semaines au Nord est la preuve qu'il n'y a pas d'environnement favorable au terrorisme au sein de la communauté sunnite. « Tant que nous sommes conscients du complot ourdi contre nous, chrétiens et musulmans, nous resterons forts, dit encore le mufti. Nous avons un passé commun, avec des pages sombres et d'autres lumineuses. Nous devons faire en sorte que celles-ci soient les plus nombreuses. »
Au sujet de la présidence, le mufti précise que le Liban ne peut pas rester sans président, car cela ouvre la voie à tous les scénarios. « Les politiciens doivent mettre de côté les intérêts particuliers et élire un président selon l'intérêt général », martèle-t-il.
Au sujet de la prorogation du mandat du Parlement, le mufti estime que les députés ont un mandat populaire qui leur permet de voir ce qui est bon dans l'intérêt général, et, au final, c'est le peuple qui jugera si leur décision est la bonne.
En conclusion, le mufti annonce la tenue prochaine d'un vaste congrès interreligieux à al Azhar au Caire dans lequel le Liban sera un partenaire présent et actif.

 

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Centrisme, modération, des mots qui reviennent souvent dans les propos du nouveau mufti cheikh Abdellatif Deriane, élu à la suite d'une médiation égypto-saoudienne. Il est donc l'homme d'une situation et d'une mission dont il révèle les contours à la délégation du conseil de l'ordre des journalistes.Le pas vif et les yeux mobiles, le nouveau mufti tient à faire la bise à chaque membre...

commentaires (3)

La sagesse est parfois un long chemin à parcourir ! mais quand on s'y installe on s'y agrippe de peur que l'horreur de ce que la folie nous a montré nous ramène à la barbarie .

FRIK-A-FRAK

11 h 11, le 04 novembre 2014

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Commentaires (3)

  • La sagesse est parfois un long chemin à parcourir ! mais quand on s'y installe on s'y agrippe de peur que l'horreur de ce que la folie nous a montré nous ramène à la barbarie .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 11, le 04 novembre 2014

  • SAGESSE DU NOUVEAU MUFTI DE LA RÉPUBLIQUE ! SAGESSE DONC AUSSI DE L'EGYPTE ET DE LA SAOUDITE QUI LE SUPPORTENT ! ON ATTEND POUR ENTENDRE QUELQUE SAGESSE DE L'AUTRE SON DE CLOCHE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 05, le 04 novembre 2014

  • Ce nouveau mufti Dériéééne (ou méch dériéééne) élu à la suite d'une médiation égypto-saoudienne ; ah bon ? Il se prend pour l'homme d'une mission dont il révèle les contours à cette délégation du conseil de l'ordre des journalistes. Qu'a-t-il été faire ce "conseil" dans cette "Maison" et quelle est sa "place dans cette grammaire" ? Ce mufti tient à faire la bise à chaque membre de la délégation (sauf l'élément féminin bien entendu ) ; Mais alors, qu'a été faire cet "élément" dans cette galère, se plaçant par là de facto en 2nde "catégorie" ? En effet, pour entamer sa "mission", il veut mettre toute la presse écrite dans son "Turban" ou dans sa poche, kifkif ! Ce mufti Dériéééne ou pas, déclare encore qu'après avoir apaisé la famille musulmane, il faudra chercher à renforcer les relations islamo-chrétiennes pour atteindre finalement et enfin le "fameux" conCept de citoyenneté qui regroupe tous les Libanais(h). Eh bien, bonne chance, car il n'est pas encore sorti de la "Maison" ou plutôt de l'auberge ! En sus, pour ce mufti, chaque confession et chaque religion ont leurs particularités qu'il faut préserver et nul ne doit intervenir dans les affaires internes de l'autre ; et surtout pas "l’État", mahééék n'est-ce pas ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 01, le 04 novembre 2014

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