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Culture - Rencontre

Rawi el-Hage, un « rawi » misanthrope qui ne mâche pas ses mots...

Rawi el-Hage, écrivain libano-canadien, cinquante ans, trois romans qui ont enthousiasmé public et critique. Invité dans le cadre des rencontres des écrivains entre deux cultures de la « Maison internationale des écrivains à Beyrouth », voilà un « rawi » (un conteur) avec punch et détonante irrévérence.

Rawi el-Hage, « un homme de pensée libre... ». Photo Michel Sayegh

Les cheveux sel et poivre à ras du crâne, chemise marron baba-cool, yeux pétillants derrière des lunettes à grosses montures noires, silhouette un peu ronde, Rawi el-Hage resplendit dès qu'il ouvre la bouche. Sans pontifier, pour dire haut et clair ce qu'il pense. Sans trouille ni artifice. Il se prête volontiers, en toute vivacité, au jeu des questions et réponses, lui dont l'opus De Nero's Game a caracolé au haut du hit-parade des ventes littéraires.

Q - Comment vous définissez-vous ?
R - Je suis un homme sans définition. Un homme surtout de pensée libre. De ville libre. Sans doute un conteur, pas dans la tradition orale mais écrite.

Êtes-vous un auteur best-seller ?
Non, je ne crois pas. Quoique De Niro's Game, surtout au Canada, a eu de grandes ventes. Non, je ne suis pas un « blockbuster »...

Pourquoi avoir choisi l'écriture comme expression d'une vie ?
Cela n'est pas venu spontanément. J'ai fait d'abord divers petits métiers. Plongeur, chauffeur de taxi. L'horaire de 9 à 17 heures dans un bureau ne convient pas à ma nature. J'aime trop la liberté. Au départ, j'étais photographe. Commercial et artistique. Et le déclic de l'écriture est venu avec une demande de brochure, suite à un travail d'une expo dans un musée. On m'a dit que j'avais une voix. J'ai allongé mon texte et c'était une nouvelle. Pour voir surgir par la suite mon premier roman. Le souvenir fabulé et vrai à la fois de la guerre... C'étaient les images à Rmeil (Jeitaoui) à Beyrouth où je suis né... Pour écrire, mon point de départ est toujours une ambiance. S'ajoute alors l'humour, sans jamais vouloir faire la morale.

Comment vivez-vous ?
Toute la semaine je vis canadien et le dimanche je vis libanais dès que je vais voir mes parents ! Je regarde des films, je lis énormément – deux heures par jour au moins (Knut Hamsun, Niel Smith, Madeleine Thien) –, j'écoute du jazz et un peu Feyrouz – qui n'est pas ma tasse de thé et encore moins mon icône, ajoute-t-il en toute franchise! Je rencontre des intellectuels, mais qui ne se comportent pas en intellectuels. Un peu comme mes personnages. C'est-à-dire qu'ils sont éduqués mais ne sont pas gonflés pour profiter de leur statut d'éduqués. Comme mon personnage «Fly» (dans Carnival) que j'affectionne beaucoup. De l'humour noir entre clownerie et philosophie ! Je déteste le théâtre. Je suis un misanthrope. Je trouve le corps des humains comme celui des singes. Nous sommes des singes. Je suis un grand singe...

Comment cernez-vous votre style, votre manière de narrer ?
J'ai un style «raw» (cru) – car ferrailler avec les mots anglophones lui est plus facile, malgré une excellente maîtrise de l'arabe et du français dont était émaillé l'entretien – et poétique. Pour certains, cela pourrait être une alliance entre Féodor Dostoïevsky et Arthur Miller. Oui, il y a beaucoup de sexe mais sans pornographie. Mon thème de prédilection c'est la ville. Le rapport entre les gens et la vie, la religion, la mort, l'athéisme, le courage, celui d'être athée... C'est une écriture urbaine. Elle parle de solitude, d'isolation.

Revenez-vous souvent ici en terre natale ? Et quelles en sont vos impressions ?
Oui, je reviens presque régulièrement. Pour voir la famille. Comment je vois l'évolution ou la décadence de cette cité dans son hyper-accélération? C'est un désastre urbain. Toujours plus de voitures, plus d'immeubles, plus de gens, une explosion démographique! Une bulle qui va éclater... À quoi répond l'amnésie libanaise dans une animation venant de l'ignorance (et du mépris) de tout sens civique. À souligner aussi la vie culturelle à Beyrouth: certes vibrante, mais où les Libanais sont exclus. Les Libanais ne créent pas, mais imitent comme des singes. Heureusement que Walid Raad et Akram Zaatari sont appréciés à l'étranger. Ma mission serait de secouer les Libanais. De leur côté «manucuré» avec des tonnes de «make-up»... Car j'appartiens à la catégorie des écrivains existentiels, toujours violents et bipolaires. Si j'ai fait mien l'anathème de Abou al-Allaa al-Maari, je pourrais dire aussi que pour cette traversée humaine, tout ce dont on a besoin c'est d'un fusil, d'une femme et d'un cheval...
Sur cette pirouette, l'écrivain qui a rencontré une centaine de personnes («avec de très jolies femmes», lance-t-il, tout ébahi) le 3 octobre, à la bibliothèque al-Sabil à Bachoura, n'en a pas moins l'esprit, la main et la plume sur un ouvrage à paraître. Foi d'auteur pratiquant l'autodérision, imprévisible et imprécateur, il n'en dira pas plus !

 

Pour mémoire
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