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Liban - Droits de l’homme

L’Onu accable le Liban : tortures et méthodes barbares dans les centres de détention

Le Comité de l'Onu contre la torture a publié les résultats de son enquête confidentielle au Liban. Le rapport est accablant.

Selon le Comité de l'Onu contre la torture, au Liban, la torture et les mauvais traitements ont lieu principalement au moment des arrestations et pendant les interrogatoires dans certains postes de police et dans les lieux de détention placés sous la responsabilité des FSI et des services du renseignement militaire.

Une bonne partie du rapport annuel du Comité contre la torture, relevant du Bureau du haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme sur la torture, rendu public mardi, est consacrée au Liban. Il y dévoile les résultats de l'enquête confidentielle concernant le pays. Celle-ci avait commencé en mai 2012 et s'est achevée en novembre 2013. Si le compte rendu ne rend pas compte de toutes les constatations figurant dans le rapport d'enquête, il comporte l'intégralité des conclusions et recommandations du comité, ainsi que les réponses écrites de l'État partie.
Les constatations présentées dans le rapport d'enquête étaient fondées dans une large mesure sur les informations portées à la connaissance de la mission d'enquête (ci-après « la mission ») pendant sa visite, qui a eu lieu du 8 au 18 avril 2013.

 

(voir le rapport ici)


Après avoir exposé les renseignements qui lui ont été fournis par les autorités – qui reconnaissent la pratique de la torture – pour essayer de mettre un terme aux abus commis lors des interrogatoires ou dans les centres de détention, le rapport indique que, pendant sa visite, la mission a reçu des renseignements et entendu des allégations émanant d'une grande variété d'acteurs de la société civile et de victimes elles-mêmes, qui indiquaient que la torture et les mauvais traitements avaient lieu principalement au moment des arrestations et pendant les interrogatoires dans certains postes de police et dans les lieux de détention placés sous la responsabilité des FSI et des services du renseignement militaire.


La mission a été informée que les personnes détenues à des fins d'enquête, en particulier celles accusées de participation à des activités d'espionnage ou des activités terroristes et d'autres infractions graves, étaient parmi les plus exposées au risque de torture et de mauvais traitements. En outre, des informations persistantes faisaient état d'actes de torture et autres mauvais traitements infligés aux ressortissants syriens, aux Palestiniens, aux personnes ayant des moyens financiers limités arrêtées pour des infractions mineures et aux personnes placées en garde à vue pour toxicomanie, prostitution ou homosexualité, en particulier par les membres des FSI rattachés au Bureau de répression des stupéfiants et les agents de la brigade des mœurs. La mission a également reçu des informations faisant état d'arrestations illégales et d'actes de torture commis par des acteurs non étatiques, tels que les milices affiliées à Amal et au Hezbollah, et dont les victimes sont ensuite remises aux organes de sécurité libanais.

 

(Lire aussi : « Restart », repartir, retrouver sa dignité)

 

Des méthodes barbares
D'après les renseignements reçus, les méthodes de torture utilisées par les divers organes de sécurité vont du passage à tabac à des techniques plus dures et plus élaborées, dont le ballanco (pendaison par les poignets liés derrière le dos) et le farrouj (suspension par les pieds, les mains étant liées à une barre de fer placée sous les genoux) seraient les plus répandues.
De plus, la mission a reçu des renseignements faisant état de la pratique d'examens anaux forcés sur les hommes arrêtés pour s'être livrés à des « relations sexuelles contre nature », érigées en infraction pénale par l'article 534 du code pénal libanais.
La mission n'a reçu aucune allégation de torture ou d'autres formes de mauvais traitements physiques de personnes privées de leur liberté dans les locaux de détention des tribunaux de Tripoli et de Nabatiyeh. En revanche, au Palais de justice de Beyrouth, la mission a recueilli plusieurs témoignages faisant état d'actes de torture et de mauvais traitements infligés récemment à des suspects par des membres des services du renseignement militaire, dans la plupart des cas lors des interrogatoires afin d'obtenir des aveux.


En ce qui concerne les prisons civiles, la mission n'a recueilli que quelques allégations de mauvais traitements infligés par le personnel pénitentiaire, concernant des châtiments corporels et des conditions de détention très dures dans des cellules disciplinaires. Cependant, la mission a recueilli des témoignages auprès de détenus indiquant que la torture et les mauvais traitements étaient courants au moment de l'arrestation et pendant les interrogatoires. La mission a réuni des informations sur de nombreuses allégations crédibles de torture et de mauvais traitements dans des postes de police et d'autres lieux de détention relevant des FSI et des services du renseignement militaire. Plusieurs détenus affirment qu'ils ont informé le juge d'instruction du traitement qu'ils disent avoir subi pendant leur garde à vue et du fait que leurs aveux avaient été faits ou signés sous la torture ou les mauvais traitements, mais que leurs allégations n'ont pas fait l'objet d'une enquête. La mission a également constaté qu'aucun des détenus interrogés n'a pu bénéficier de la présence ou de l'assistance d'un avocat durant son interrogatoire et que ceux qui avaient eu accès à un conseil l'avaient rencontré pour la première fois au moment de leur transfert au tribunal. La mission a aussi constaté que très rares étaient ceux d'entre eux qui étaient conscients qu'ils avaient le droit de demander un examen médical.

 

(Lire aussi : Article 534 du code pénal : à quand l’abrogation de la loi contre les homosexuels ?)

 

Violences sexuelles à la prison de Baabda
À la prison pour femmes de Baabda, le personnel médical a indiqué que les examens médicaux effectués dans l'établissement avaient à plusieurs reprises révélé des signes manifestes de torture, y compris de violence sexuelle. La mission a appris que dans un cas l'examen physique avait révélé des lésions superficielles sur la peau, qui pouvaient avoir été causées par l'administration de décharges électriques sur les pieds d'une des détenues.
À la prison centrale de Roumieh à Beyrouth, la mission s'est intéressée à la situation des détenus qui avaient été arrêtés pendant et après les affrontements entre des membres du Fateh el-islam et l'armée dans le camp de Nahr el-Bared en 2007. Presque la moitié des détenus interrogés à Roumieh ont affirmé avoir subi de graves tortures infligées par les FSI et/ou des enquêteurs militaires. Il a notamment été allégué que les membres des familles des détenus avaient fait l'objet de menaces. Des preuves médicales corroborant certaines de ces allégations ont pu être recueillies par l'expert médical de la mission.
À cet égard, pendant sa visite des locaux du service du renseignement de la direction générale des FSI à Achrafieh, la mission a constaté que cinq salles d'interrogatoire situées au septième étage du bâtiment et leur contenu (chaise d'interrogatoire fixée au sol, à côté de laquelle on pouvait voir des boulons à œillet, boîtier de raccordement électrique fixé au sol, petits trous sur le sol et le plafond, notamment) correspondaient à la description qu'en avaient faite avant cette visite des victimes présumées d'actes de torture détenues dans la prison centrale de Roumieh, qui prétendent avoir été soumises à la torture pendant qu'elles étaient détenues sous l'autorité des FSI.


Au moment de la visite, deux hommes étaient détenus dans ces cellules. L'un d'eux avait subi des mauvais traitements au moment de son arrestation et avait été conduit à l'hôpital pour y recevoir des soins. En l'espèce, le témoignage de la victime a été corroboré par des éléments de preuve médico-légaux. En outre, les membres de la mission sont arrivés à la conclusion que le registre médical de ce lieu de détention n'était pas authentique, ce qui laissait penser qu'il avait été préparé spécifiquement pour la visite.


Les membres de la mission ont trouvé dans un local d'entreposage une chaise métallique très basse, munie d'un collier ayant la forme d'un C. Bien que les agents des FSI qui étaient de service leur aient fait savoir que cette chaise avait été utilisée pour prendre des photos de détenus, elle correspondait à la description faite à la mission par une victime présumée, ainsi qu'aux informations fournies par Alkarama dans sa première communication concernant une chaise métallique ajustable qui aurait été utilisée pour étirer la colonne vertébrale et causer ainsi une forte pression sur le cou et les jambes de la victime.

 

(Pour mémoire : Liban : L'ordre des médecins interdit la pratique du « test de la honte »)


Lors de la visite qu'elle a effectuée dans les locaux de détention des services du renseignement militaire à Saïda, la mission a été empêchée de consulter le registre de détention par le chef du commandement de la région sud du service du renseignement des Forces armées libanaises. Au cours de son inspection, la mission a découvert cinq cellules dans le sous-sol bien qu'il lui ait été dit auparavant qu'il n'y avait pas de locaux de détention. Le jour de la visite de la mission, la prison de la direction du renseignement militaire au siège du ministère de la Défense à Yarzé était vide. Pendant son entretien avec la mission, le chef du service des enquêtes a reconnu qu'il y avait des allégations faisant état d'actes de torture ou de mauvais traitements dans ce centre de détention. Selon le médecin légiste qui accompagnait la mission, le registre médical n'était pas correctement tenu et le médecin de la prison ne connaissait pas le protocole d'Istanbul.


Autres sujets de préoccupation : conditions matérielles de détention (locaux, alimentation et hygiène) et accès aux soins de santé. (...) Les conditions de détention dans ces prisons étaient épouvantables ; la mission a été en particulier frappée par les conditions d'hygiène déplorables dans les zones de détention, l'accès restreint aux services médicaux, notamment aux soins de santé spécialisés, et la non-séparation des détenus avant jugement des détenus condamnés. Se posaient en outre, dans certaines des prisons civiles visitées, les problèmes de l'autogestion et de la violence entre détenus.
Le comité a émis une série de recommandations dont l'application est censée hisser le Liban au rang des pays respectueux des droits de l'homme et a prié l'État de soumettre un rapport complémentaire d'ici au 22 novembre.

 

Pour mémoire

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Une bonne partie du rapport annuel du Comité contre la torture, relevant du Bureau du haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme sur la torture, rendu public mardi, est consacrée au Liban. Il y dévoile les résultats de l'enquête confidentielle concernant le pays. Celle-ci avait commencé en mai 2012 et s'est achevée en novembre 2013. Si le compte rendu ne rend pas compte...

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