Le 5 août dernier, Vian Dakhil, une députée membre de la communauté kurdophone des yazidis, lançait un appel déchirant à ses collègues au parlement irakien. "500 hommes yazidis ont été tués par les jihdastes, les femmes sont vendues au marché aux esclaves. (...) S'il vous plait, mes frères, un génocide est commis contre les yazidis !", suppliait-elle, en larmes.
Depuis la prise de Sinjar, des dizaines de milliers d'Irakiens ont été jetés sur les routes par l'offensive jihadistes de l'Etat islamique dans le nord de l'Irak, dont de nombreux yazidis réfugiés dans des montagnes arides où les températures peuvent atteindre les 50°, sans eau ni nourriture.
Ils risquent de mourir si de l'aide ne leur parvient pas très rapidement, a de nouveau martelé, samedi, la député yazidie. "Il nous reste un ou deux jours pour aider ces personnes. Après, ils vont commencer à mourir en masse", a dit à l'AFP Vian Dakhil. "Si nous --les (forces kurdes) peshmergas, l'ONU, le gouvernement, n'importe qui-- ne leur apportons pas un peu d'espoir maintenant, leur moral va s'effondrer, et ils vont mourir", a-t-elle ajouté.
Les yazidis sont les adeptes d'un culte pré-islamique proche du zoroastrisme et sont considérés comme des "adorateurs du diable" par les extrémistes sunnites.
Les jihadistes de l'EI ont menacé de tuer plus de 300 familles yazidies si celles-ci ne se convertissent pas à l'islam, ont déclaré samedi à Reuters des témoins et un parlementaire yazidi. Selon eux, les habitants des villages de Kodja, Hatimiya et Kabochi sont encerclés par les combattants islamistes.
Destruction systématique
Les attaques des jihadistes qui mènent depuis 2 mois une offensive en Irak contre cette communauté, de longue date l'une des plus vulnérables du pays, ont suscité l'indignation internationale.
Le président américain Barack Obama a ainsi accusé l'Etat islamique de viser "la destruction systématique de la totalité (...) du peuple (yazidi), ce qui constituerait un génocide".
Peu après ces déclarations, M. Obama a autorisé des frappes aériennes sur des positions jihadistes, une première depuis le retrait des troupes américaines du pays fin 2011, pour freiner l'avancée des extrémistes sunnites qui menacent aussi la minorité chrétienne et le Kurdistan irakien.
Les Etats-Unis ont également largué des vivres pour tenter de venir en aide aux réfugiés yazidis, dont la communauté compte entre 100.000 et 600.000 âmes en Irak, selon les estimations. Londres et Paris ont également lancé, dimanche, des opérations de largage d'aide dans cette région.
Mais l'aide américaine n'a pas pu atteindre toutes les personnes éparpillées autour du Mont Sinjar, sur une soixantaine de km près de la frontière syrienne, a prévenu Mme Dakhil samedi. De plus, selon la responsable d'un programme d'aide ayant recueilli des yazidis en Syrie, les largages d'eau n'ont pas toujours été réussis, "certaines bouteilles ont juste explosé".
Pour la députée, "les Etats-Unis devraient frapper Sinjar, même si cela fait des victimes civiles. Mieux vaut ça que de laisser tout le monde mourir".
"Les hélicoptères du gouvernement ont évacué quelques personnes, mais le processus est trop lent, nous avons besoin d'une solution plus rapide", presse la députée.
Samedi, raconte-t-elle à l'AFP, elle a pu s'entretenir avec une yazidie coincée dans les montagnes avec ses 5 enfants. L'un est déjà mort. Un autre est en train de mourir, alors elle a décidé de les laisser et de traverser la montagne pour chercher un hélicoptère. "Son choix, c'était d'essayer de sauver trois de ses enfants, ou de laisser les cinq mourir".
Esclaves sexuelles
Depuis l'arrivée des jihadistes, des yazidis ont été tués, d'autres errent dans les montagnes, mais quelques uns ont réussi à passer en Syrie ou en Turquie voisine, grâce à des combattants kurdes syriens ou turcs qui les ont aidés à traverser les frontières.
Dans le nord syrien, où les Kurdes contrôlent certaines régions, l'International Rescue Committe (IRC) a recueilli environ 4.000 yazidis. "Ils souffrent de déshydratation, d'insolation et certains d'un sévère traumatisme", explique Suzanna Tkalec, ajoutant que plusieurs d'entre eux ont marché sans arrêt, des jours durant.
Et selon plusieurs informations, des centaines de femmes et de filles yazidis ont été enlevées par l'EI qui en ont fait leurs esclaves, y compris sexuelles. "Il y a de 520 à 530 femmes retenues dans la prison de Badoush", à Mossoul, 2e ville d'Irak tombée le 10 juin aux mains des insurgés, affirme Mme Dakhil. "Les combattants de l'EI viennent tous les jours en prendre quelques-unes. Il disent qu'il les emmènent au paradis. On ne sait pas ce qu'ils font avec elles".
Ces informations ne peuvent pour l'heure pas être vérifiées, tout reportage dans les zones tenues par l'Etat islamique étant impossible.
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