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La loi électorale - Analyse sur la loi électorale (avant l'accord de Doha)

Loi électorale III - À vos marques ! Prêts ?… Reculez !

Pour accompagner la recette, il fallait changer de sauce électorale. En avant donc pour un redécoupage tenant compte des nouvelles réalités et, surtout, favorisant l’arrivée à la Chambre des amis du régime. C’est naturellement dans cette perspective que fut mise au point la fameuse loi de 1960. Mais il faut dire ce qui est : dans le contexte libanais, c’est à peu près la seule législation électorale qui connut une certaine pérennité. En 1972, lors des dernières législatives organisées avant la guerre de 1975-1990, ce texte était encore en vigueur et le restera – mais sans élections – jusqu’en 1992, date à laquelle l’ordre syrien en place exigea un instrument plus adapté à ses intérêts. Toutefois, sa « bonne réputation », la loi de 1960, la tient non seulement de sa relative durabilité, mais aussi du fait qu’elle ouvrit la voie à l’alternance, dans la seconde moitié des années soixante. Lors des scrutins de 1960 et de 1964, les majorités élues étaient proches du régime de Fouad Chéhab. En 1968, et alors que le mandat en place (Charles Hélou) était censé s’inscrire dans la continuité du précédent, ce fut le contraire. Certes, une lecture plus profonde des résultats des élections de 1968 tendrait à démontrer que la loi électorale n’était pour rien dans la victoire symbolique du « Helf » antichéhabiste et que c’était plutôt le contexte politique de l’époque, marqué principalement par les graves répercussions de la guerre des Six- Jours (juin 1967) et les débuts de la guérilla palestinienne au Liban, qui en étaient la cause principale. D’autant que le chéhabisme, battant de l’aile, était déjà en fin de parcours et que le chef de l’État lui-même ne montrait pas trop d’enthousiasme à tenter de le relever. Il reste qu’en dépit de son rôle insignifiant, la loi de 1960 fut le témoin de ce début d’alternance. C’est ce qui, en fin de compte, marquera les esprits de nombreux Libanais. 2008 : la décennie qui tire sur sa fin aura été l’une des plus dramatiques de l’histoire de ce pays qui, pourtant, connut beaucoup de périodes sombres. Exsangue, le Liban se cherche – encore ! – une loi électorale et, faute de pouvoir se payer le luxe d’un effort d’imagination, ne trouve devant lui qu’un texte vieux de près d’un demi-siècle. Peut lui chaut que ce texte n’ait pas inventé la poudre ou qu’il ait fait son temps. Il est aujourd’hui comme une planche de salut et donc le pivot autour duquel s’articulent toutes les polémiques. Tout étant relatif, il pouvait paraître normal qu’à l’époque des grosses machines d’inspiration syrienne, la loi de 1960 fût considérée comme un modèle d’équilibre, au moins dans la mesure où les circonscriptions n’y jurent pas les unes avec les autres du point de vue de la taille. De plus, les chrétiens se sentant particulièrement lésés, en tant que tels, par les législations adoptées en 1992, 1996 et 2000, celle de 1960 – c’est-à-dire la seule qu’ils connaissent à part les trois autres – devint pour eux le phare. Aujourd’hui, le grand paradoxe est que, tout en étant au centre du débat, la loi de 1960 ne convient plus, telle quelle, qu’à très peu d’acteurs politiques, quel que soit leur bord. D’un point de vue strictement chrétien, et indépendamment des clivages politiques actuels, l’objectif premier recherché par le patriarche maronite est de réduire, autant que possible, le nombre de députés chrétiens élus par des voix non chrétiennes. Or, une étude parue au début du mois de mars dans le quotidien an-Nahar et se basant sur des estimations du nombre d’électeurs en 2009 (date prévue pour les prochaines législatives), ainsi que sur le rabaissement de l’âge du vote à 18 ans, montre qu’en cas d’application de la loi de 1960, la moitié seulement des députés chrétiens serait élue par des voix chrétiennes, les autres l’étant soit par des voix musulmanes, soit par des configurations d’alliance islamo- chrétienne. En revanche, ces mêmes voix chrétiennes ne seraient déterminantes que pour élire un seul député musulman, en l’occurrence un sunnite. Ce qui est en cause ici n’est pas uniquement l’évolution de la démographie – qui a évolué, mais pas à ce point –, mais plutôt l’inadéquation du découpage de 1960 à la situation actuelle. Voilà essentiellement pourquoi le patriarche réclame des circonscriptions plus réduites et qu’un Samir Geagea demande de façon argumentée leur révision. Quant au bloc parlementaire du général Michel Aoun, il évoque lui aussi des « amendements » à la loi de 1960, mais sans trop y insister jusqu’ici. Un militant laïc, anticonfessionnel jugerait ces considérations déplacées. Très bien. Qu’il demande le changement du système. Ce n’est certainement pas une raison, tant que le système est ce qu’il est, pour que la logique confessionnelle joue dans un sens et pas dans l’autre. Le texte de la Constitution prévoit la parité nominale islamo- chrétienne. Son esprit impose qu’elle soit effective. Il reste à dire qu’en cas d’adoption de la loi de 1960, de quelque chose qui lui ressemble ou de n’importe quel autre système électoral, il faudra se rappeler que le mode de scrutin et le découpage des circonscriptions ne sont pas tout dans une loi électorale. Comme il a été déjà souligné, le projet mis au point par la commission Boutros n’apporte rien de satisfaisant au niveau de l’un et de l’autre. En revanche, l’arsenal de réformes prévu par la commission et portant sur d’autres aspects de la loi est absolument incontournable pour peu qu’on veuille faire des élections législatives dans ce pays une affaire sérieuse. Le rabaissement de l’âge du vote à 18 ans, l’imposition d’un taux de candidatures féminines, l’organisation du scrutin en un seul jour, l’ouverture progressive du vote aux émigrés, l’uniformisation et l’officialisation des bulletins de vote, la rationalisation de la publicité électorale et, enfin, une surveillance minimale du financement des élections seront nécessaires quelle que soit la taille des circonscriptions que l’on adoptera. On rendrait ainsi justice au travail professionnel et titanesque d’une commission qui fit ce qu’elle pouvait faire de mieux, étant donné la mission impossible qu’on lui avait confiée.
Pour accompagner la recette, il fallait changer de sauce électorale. En avant donc pour un redécoupage tenant compte des nouvelles réalités et, surtout, favorisant l’arrivée à la Chambre des amis du régime. C’est naturellement dans cette perspective que fut mise au point la fameuse loi de 1960. Mais il faut dire ce qui est : dans le...